Région du Gontougo, Côte d’Ivoire — le 1er novembre 2024 (crocinfos.net) Le festival culturel Adayé Kessiè 2024 a pris une tournure inédite cette année avec l’organisation d’une visite historique le long de la frontière ivoiro-ghanéenne, dirigée par une délégation de chefs traditionnels et personnalités culturelles. À la tête de cette initiative, le commissaire général Bini Daouda Ouattara a souhaité honorer, ce vendredi 1er novembre 2024, la rivière Tain, un site chargé d’histoire où des batailles mémorables entre les anciens royaumes Bron et Ashanti ont forgé l’identité des peuples de cette région.
Une délégation prestigieuse pour honorer un patrimoine historique
Parmi les invités d’honneur figurent des chefs de différentes régions, tels que le Kroumen Wallo Kéké Paul de Tabou, le Chef de Canton de Kong, Ouattara Bakobanan, ainsi que Sa Majesté Kéyiakéyi 2, Noël Gnagno, chef du canton Pakolo de Gagnoa. Ces figures éminentes ont été conduites par Bini Daouda Ouattara à travers un circuit touristique inédit, marqué par un arrêt émouvant à la rivière Tain. « Nous voulons offrir à chacun l’opportunité de s’incliner devant ce fleuve chargé d’histoire, car il représente notre patrimoine commun », a déclaré Ouattara, soulignant la portée culturelle et symbolique de ce lieu.
La rivière Tain : témoin des batailles entre les Bron et les Ashanti
La rivière Tain occupe une place particulière dans l’histoire des Bron, ces descendants des anciens royaumes du Ghana, qui ont mené des batailles féroces contre les Ashanti pour préserver leur autonomie. Ces affrontements remontent à la fin du XVIIIe siècle, avant même l’arrivée des Européens en Afrique de l’Ouest. Bini Daouda Ouattara a rappelé que des membres du peuple Bron se sont sacrifiés pour défendre leur territoire, permettant à leurs descendants de s’établir dans les régions actuelles de la Côte d’Ivoire.
« Ce lieu est symbolique pour nous, car il marque la ténacité et le courage de nos ancêtres. Malgré la domination Ashanti, les Bron ont su conserver leur identité, jusqu’à reconstituer leur royaume au-delà de la frontière », a confié Ouattara.
Un pèlerinage pour honorer les sacrifices des ancêtres
Cette visite à la rivière Tain a également permis aux participants de rendre hommage aux nombreux Bron qui ont perdu la vie dans ces batailles. Pour Ouattara et sa délégation, il était essentiel de marquer un moment de silence en mémoire des ancêtres tombés sur cette terre sacrée. « Aujourd’hui, nous leur rendons hommage, tout comme nous honorons nos frères morts dans les conflits européens lors de la Seconde Guerre mondiale. Il est vital de se rappeler de ceux qui se sont battus pour notre liberté et notre survie », a-t-il affirmé avec émotion.
La scission des Bron : un peuple divisé par la colonisation
À travers cette commémoration, le festival Adayé Kessiè met aussi en lumière l’histoire mouvementée du peuple Bron, qui fut divisé en deux lors de la conférence de Berlin en 1885, où les puissances coloniales ont redéfini les frontières africaines. Cette division a créé une scission entre les Bron restés au Ghana, autonomes, et ceux qui ont migré vers la Côte d’Ivoire. Cet épisode historique est d’autant plus significatif pour les Bron, car il symbolise la résilience d’un peuple qui, malgré les frontières imposées, reste attaché à ses racines et à ses traditions.
Adayé Kessiè Festival : entre culture et réconciliation historique
L’édition 2024 de l’Adayé Kessiè Festival s’inscrit ainsi dans une démarche de réappropriation de l’histoire et de réconciliation avec le passé. En traversant ces lieux mémoriels, les participants sont invités à se reconnecter avec leur patrimoine culturel et à réfléchir aux enjeux de transmission des traditions. Pour Bini Daouda Ouattara, ce parcours est aussi un moyen de rappeler que malgré les divisions historiques, le peuple Bron conserve une identité partagée entre le Ghana et la Côte d’Ivoire, et que les jeunes générations ont un rôle à jouer pour préserver cette mémoire.
Ce pèlerinage symbolique à la rivière Tain marque un moment fort du festival, soulignant l’importance de célébrer et de préserver un héritage riche, transmis de génération en génération.
Médard KOFFI, envoyé spécial à Tabagne