-Un témoin l’enfonce
Absente à la barre le 27 juillet dernier, Fatme Lakiss, la principale accusée dans l’affaire de ‘’faux et usage de faux’’, était devant le Tribunal de Sassandra, le jeudi 9 novembre 2017. C’est à 10h45 mn que le président du Tribunal, Ben Yaya, a ouvert le dossier. Après avoir rappelé les faits qui fondent la plainte de M. Oudaye Chalhoub contre Fatmé Lakiss, Sacré Nabo Léonce, Adjoumani Koffi Ben Pacôme et Kéita Ali qui sont poursuivis pour ‘’ faux et usage de faux en ; écritures publiques et authentiques et usurpation de titre, et complicité de faux en écritures publiques et authentiques, selon les articles 27,30, 282,283,et 305 du Code pénal’’, le juge a invité l’épouse de Ali Lakiss, directeur général de Safcacao à la barre.
À la question de savoir ce qu’elle peut dire pour sa défense, Mme Fatmé Lakiss a, d’entrée, indiqué qu’elle ne reconnaît pas les faits à elle reprochés. « Je n’ai pas emprunté de l’argent à M. Oudaye. C’est une amie qui lui a pris de l’argent. Je me suis portée garante », s’est-elle défendue. « Combien ton amie a-t-elle empruntée ? », lui a demandé M. Ben Yaya. Fatmé Lakiss s’est empressée de répondre que la somme empruntée est 480.000 dollars, soit environ 270.000.000 F Cfa. « Cette somme a été remboursée à M. Oudaye. Je remettais régulièrement de l’argent à Sacré pour effectuer des versements sur le compte de M. Oudaye. J’ai les reçus bancaires », a-t-elle déclaré. « Pouvez-vous nous présenter lesdits reçus ? », lui a demandé le juge. « Non, ces reçus ne sont pas avec moi. Ils se trouvent au Liban », a-t-elle répondu. « Pourquoi vous ne les avez pas avec vous alors que vous êtes accusée ? », s’est étonné le juge.
Sur cette question, la principale accusée va alors tenter de faire du dilatoire. Mais très vite, avec l’habilité de M. Ben Yaya et surtout le métier du conseil de M. Oudaye Chalhoub, Me Adongon Ayékpa, Mme Fatmé Lakiss va perdre son latin. En effet, l’avocat va brandir un document qui contredit les propos de l’épouse de M. Ali Lakiss. Il s’agit d’une requête formulée par les soins de Mme Fatmé Lakiss aux fins de compulser les comptes de M. Oudaye Chalhoub. Dans ce document de Mme Fatmé Lakiss, il est clairement fait mention de ce que la somme due s’élève à 2.700.000.000 FCFA.
Ce document porté à la connaissance du Tribunal par Me Adongon Ayékpa va sommer l’accusée qui, maladroitement, va tenter de le contester. Et pourtant, ce document annexé aux faux procès verbaux établis par un faux huissier, Adjoumani Koffi Ben Pacôme, a été légalisé et déposé aux ministères de la Justice, Affaires étrangères et l’Ambassade du Liban en Côte d’Ivoire par Mme Fatmé Lakiss pour attester qu’elle a remboursé sa dette.
Appelée à la barre par le juge, Sacré Nabo Léonce, l’un des complices de la principale accusée, va l’enfoncer. « M. le président, Mme Fatmé ne m’a jamais donné de l’argent pour verser sur le compte de M. Oudaye. Tout ce qu’elle dit, c’est faux. Je reconnais qu’à sa demande, j’ai produit un reçu bancaire qui ne reflète pas la réalité. Je voudrais aussi indiquer que le document qu’elle conteste qui est en réalité le récapitulatif des prétendus remboursements, a été fait par mes soins à la demande de Mme Fatmé. Et ce document, elle m’a envoyé le remettre à son époux, M. Ali Lakiss. Je suis surpris que ce document soit annexé aux deux procès verbaux dont j’ignorais l’existence. Je suis surtout surpris qu’elle conteste ce document », a déclaré Sacré Nabo Léonce.
Le juge a, par la suite, appelé le faux huissier, Adjoumani Koffi Ben Pacôme à la barre. Lui aussi dira qu’il a établi les deux procès verbaux sans que Mme Fatmé ne lui donne des documents qui attestent la véracité de ses propos. « En plus du fait que vous n’êtes pas un huissier, vous affirmez que vous avez établi les procès verbaux sans aucune preuve, n’est ce pas ? », lui a demandé le juge. « Oui M. le président », a répondu Adjoumani Koffi Ben Pacôme.
Pour vérifier l’authenticité du document que conteste Mme Fatmé Lakiss et aussi lui permettre d’apporter les preuves qu’elle dit détenir pour attester qu’elle a effectivement remboursé la somme due à M. Oudaye Chalhoub, le procès a encore été renvoyé au jeudi 23 novembre 2017.
Il convient de rappeler que dame Fatmé Lakiss et ses complices, Adjoumani Koffi Ben Pacôme, 38 ans, Sacré Nabo Léonce, 36 ans et Kéita Ali, 43 ans, sont accusés de faux et usage de faux en écritures publiques et authentiques et usurpation de titre, et complicité de faux en écritures publiques et authentiques, selon les articles 27, 30, 282, 283, et 305 du Code pénal. C’est en mai 2016 que, Oudaye Chalahoub a porté plainte au Tribunal de Daloa contre ces personnes.
Un an après, le Tribunal de Daloa s’est déclaré incompétent pour juger cette affaire. Ainsi le 19 juin 2017, il porte plainte à nouveau contre Fatmé Lakiss et autres au Tribunal de Sassandra. Les complices de dame Fatmé Lakiss (Adjoumani Koffi Ben Pacôme, Sacré Nabo Léonce) ont tous reconnu avoir fait du faux et ce, à la demande de l’épouse du directeur général de Safcacao. Lors de l’audience du 20 juillet 2017, Adjoumani Koffi Ben Pacôme a avoué : « Mme Lakiss est venue me voir pour me demander de lui établir des procès-verbaux pour servir de preuves de remboursement de la somme due à M. Oudaye Chalhoub. Je lui ai donc établi deux procès-verbaux devant faire foi ».
Le second complice de dame Lakiss, Sacré Nabo Léonce, lors des précédentes comparutions, a aussi fait un aveu : « Mme Lakiss m’a fait croire que le document servirait à faire un point avec son époux, Ali Lakiss. Parce qu’elle aurait fait un manquant dans le stock de cacao. Elle m’a aussi dit que, une fois l’inventaire terminé, le document serait détruit. Elle a gardé ce document pendant 1 an 6 mois. Je suis désolé de savoir qu’elle l’a utilisé à d’autres fins, surtout pour faire du faux ».
Le 23 novembre, les différentes parties se retrouveront encore au Tribunal de Sassandra.
Remi Nato, correspondant