Analyse des élections américaines depuis Abidjan

Analyse des élections américaines depuis Abidjan

Dans sa chronique du jour, Fernand Dédeh propose les analyses d'expertes depuis Abidjan sur la présidentielle aux USA. Pourquoi Donald Trump a-t-il gagné, et Kamala Harris perdu ? Analyses et perspectives sur les leçons pour l'Afrique.

Abidjan, le 7 novembre 2024 (crocinfos.net) – À Barthelemy Zouzoua Inabo : élection présidentielle aux USA, quelles leçons, vues d’Abidjan ? Comment Donald Trump a gagné ? Pourquoi Kamala Harris a perdu ? Analyses de deux expertes, l’une qui vient  « du monde d’internet » comme elle aime se présenter et l’autre,  spécialiste en communication politique, Elles ont toutes les deux, le mérite de connaître les USA et de suivre depuis plusieurs années, l’évolution politique au pays de l’oncle SAM.

Nnenna Nwakanma

Nnenna Nwakanma: « Plusieurs messages à tirer de la présidentielle aux USA. Le premier, les citoyens, les électeurs ont toujours cette habitude de voter contre. En démocratie, le vote sanctionne quelque chose. C’est l’administration en place qui est sanctionnée par les voix des citoyens. La deuxième chose, c’est que ceux qui ont voté Donald Trump en 2016, l’ont encore voté. On pensait que le nombre des électeurs qui avait augmenté était le fait de la mobilisation des partisans de Kamala Harris. Non, les deux camps se sont mobilisés, les gens sont sortis voter et ils sont sortis voter pour Trump et contre l’administration en place. La troisième chose, la vice-présidente, n’a pas marqué une rupture avec le gouvernement de Biden. On lui a posé la question plusieurs fois sur le sujet. Elle a dit clairement qu’elle n’avait pas l’intention de se démarquer de la politique actuelle du parti démocrate. Alors que les citoyens ne sont pas tout à fait satisfaits du gouvernement de Biden. Quatrièmement, il faut interroger la démographie des élections. Pour un pays qui compte 300 millions d’habitants, il y a à peu près 250 millions qui sont appelés à voter. En d’autres termes, nous sommes en face d’une population vieillissante. La démocratie en Afrique, on parle beaucoup de jeunes, ce que les jeunes doivent faire. Aux USA, il n’en est pas question. Aux USA, la démocratie est bicéphale. Soit, c’est l’un, soit c’est l’autre. Il n’y a pas une troisième voie. Il y a aussi l’urbain et le rural. La vice-présidente a fait la campagne dans les grandes villes. Elle a rempli les stades. La population se trouve aussi dans les hameaux et dans les villages. Après la COVID-19, le coût de la vie a augmenté. On ne peut pas occulter ce fait. Chaque fois qu’il y a une crise économique, il y a un repli sur soi, un repli identitaire. Celui qui porte un message nationaliste, souverainiste est préféré à celui qui porte le message de la liberté. Donald Trump a su parler aux peurs des Américains. La politique de la peur, certains l’utilisent à fond : ils vont nous remplacer, ils vont nous envahir, ils vont tout nous prendre, il a surfé sur cette peur-là. Et puis, il y a les valeurs. La valeur fondamentale de l’Amérique, c’est la valeur chrétienne. On a beau parler de pays développés et autres, au fond, les Américains sont très religieux. Ce pays tient à ses valeurs chrétiennes. Autant l’on veut parler de LGBTQ, autant il y a beaucoup d’Américains qui sont contre. Comme ils sont contre l’avortement. Tout ce que vous appelez liberté, éveil des consciences, wokisme, ils ne sont pas d’accord. C’est vrai que les médias nous donnent cette impression que tous les Américains sont pour le LGBTQ, mais ils viennent de démontrer qu’ils préfèrent être conservateurs que les questions des mœurs. »

Sandrine Roland

Sandrine Roland: « J’aurais bien aimé que Kamala Harris gagne pour être franche avec vous. Au plan purement technique, j’avais déjà vu qu’elle risquait de perdre les élections parce qu’elle a mené une courte campagne. Quand on mène une courte campagne, on ne peut pas aller dans le fond, elle est restée dans les clous. Elle a mené une campagne business. Elle a fait une bonne campagne, il faut le dire, sauf qu’au plan exclusivement stratégique en politique, quand on a déjà fait un parricide et qu’on veut décrocher la tête d’un Monsieur qui a déjà été chef de l’État alors que nous n’avons pas véritablement élu, elle a été vice-présidente par procuration parce que Joe Biden a gagné et parce que Obama est derrière. Pendant la présidence de Biden, on n’a pas vraiment senti cette dame dans un rôle significatif, très fort, que sur le plan interne. Elle a travaillé certes, mais c’est une bureaucrate qui a mené une campagne de bureaucrate d’un parti démocrate qui pensait que l’élection était pliée le jour de la convention. Malheureusement, le temps était court et il y avait des raccourcis à prendre. Ils n’ont pas pris les bons raccourcis. Le premier mauvais raccourci qu’ils ont pris, c’était sur l’âge et sur le genre. Ils ont dit, voilà une jeune dame, une dame pétillante, procureur de la République, qui a réellement mené des batailles judiciaires fortes face à un vieux monsieur malhonnête qui a reconnu coupable de plusieurs crimes, le game est déjà plié. C’est un très mauvais raccourci parce que les Américains sont intrinsèquement conservateurs, malgré ce que l’on peut penser. La famille, c’est toujours important pour les Américains, les principes de base, c’est toujours important pour les Américains. Ils constituent un peuple plein de paradoxes. Et donc, quand on prend un raccourci et qu’on est dans l’autosatisfaction, alors qu’elle s’est mariée tard avec un Monsieur qui avait déjà ses enfants, elle-même a un parcours de vie professionnel sur lequel il y a beaucoup de zones d’ombres, on se rend compte à un moment donné que les Américains commencent à mettre des points d’interrogation. »

Réalisée par Fernand Dédeh


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