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[Annulation de l’élection municipale à Tiassalé] Analyse sur une décision incompréhensible

L'une des fortes affluences enregistrées lors de cette élection sur un site à Tiassalé

L'une des fortes affluences enregistrées lors de cette élection sur un site à Tiassalé

-L’Arrêt du Conseil d’Etat

Abidjan, Côte d’Ivoire, le 7 novembre 2023 (crocinfos.net)—-La requête présentée par le candidat Sanogo Dramane Alpha pour solliciter du conseil d’Etat l’annulation de l’élection municipale à Tiassalé, porte sur cinq griefs dont notamment celui qui semble le plus important, le grief sur l’absence de stickers sur 30 PV qui portent 5345 voix.

La partie de la requête où Sanogo Dramane Alpha conteste les 30 PV sans stickers, tient en un seul paragraphe.

Son Conseil se contente simplement de dire que vu qu’il n’y a pas de stickers sur 30 PV, ces 30 PV doivent être annulés, sans citer le texte de loi qui permet d’annuler un PV du simple fait de l’absence de sticker.

En Côte d’Ivoire, et cela a été réaffirmé à plusieurs reprises par le Conseil Constitutionnel dans plusieurs arrêts, l’absence de stickers sur des PV de dépouillement, n’emporte pas immédiatement l’annulation desdits PV, sauf à rapporter la preuve   que les résultats recensés dans ces PV sont inexacts ou ne sont pas conformes à la volonté exprimée par les électeurs.

Dans la requête, l’avocat de Sanogo Dramane se borne à demander l’annulation des PV sans rapporter la preuve que les voix qui y sont recensées sont inexactes ou ne reflètent pas la volonté majoritaire exprimée dans les urnes.

Par conséquent, le grief tiré de l’absence de stickers ne pouvait prospérer car très mal fondé.

Cela, d’autant plus que sur ces 30 PV sans stickers, les représentants de Sanogo Dramane Alpha dans les bureaux de vote, n’ont fait aucune observation sur une quelconque irrégularité.

Sur tous les 30 PV en effet, tantôt il est marqué “R. A. S (rien à signaler) tantôt il est marqué” l’élection s’est déroulée sans incident”.

C’est donc logiquement que le conseil du candidat Assalé Tiemoko et la superviseure de la CEI chargée de la région de l’agneby-tiassa, dans deux réponses séparées, ont appelé le conseil d’Etat à rejeter la requête de Sanogo Dramane Alpha sur le grief relatif à l’absence de stickers. À partir du moment où Sanogo Dramane Alpha, à travers son avocat, n’a pas contesté les résultats contenus dans ces PV, la CEI et le conseil du candidat Assalé Tiemoko Antoine, n’avaient pas s’y prononcer. Sans grief, pas de défense.

Curieusement, le Conseil d’Etat, au lieu de tirer simplement la conséquence de la faiblesse de l’argument du candidat Sanogo Dramane Alpha en rejetant le grief tiré de l’absence de stickers, a trouvé le moyen d’annuler l’élection uniquement sur ce grief avec des arguments que le candidat Sanogo Dramane Alpha lui-même ne, n’a pas relevé dans sa requête.

En quelque sorte, le Conseil d’Etat, s’est fondé sur des arguments que le plaignant lui-même n’a pas évoqué dans sa requête, en déclarant irréguliers, avec des arguments nouveaux, 7 PV sur les 30 concernés.

Sur trois de ces 7 PV jugés irréguliers, le Conseil d’Etat écrit que le nombre d’émargements est inférieur au nombre de bulletins trouvés dans les urnes.

Mais étrangement, le Conseil d’Etat se contente d’affirmer cela sans le démontrer, sans dire de combien d’émargements il s’agit et de combien de bulletins trouvés dans les urnes, il s’agit.

De sorte que quelqu’un qui lit la décision du Conseil d’Etat, n’a aucune information vérifiable sur la question de nature à lui permettre de comprendre l’ampleur de la différence entre les émargements et les bulletins de vote.

‘’En quelque sorte, le Conseil d’Etat, s’est fondé sur des arguments que le plaignant lui-même n’a pas évoqué dans sa requête, en déclarant irréguliers, avec des arguments nouveaux, 7 PV sur les 30 concernés.’’

Pour une juridiction de ce niveau, une telle imprécision, un tel manque de rigueur dans le raisonnement, interrogent.

Sur quatre des 7 PV jugés irréguliers, le Conseil d’Etat se contente de dire qu’ils ne comportent pas le nombre de bulletins trouvés dans l’urne, le nombre de bulletins recensés.

La difficulté sur ce raisonnement étonnant du conseil d’Etat se trouve à deux niveaux.

D’abord les irrégularités alléguées par le Conseil d’Etat n’ont pas été relevées par le candidat Sanogo Dramane Alpha dans sa requête, de sorte que ni la CEI ni le conseil du candidat Assalé Tiémoko, n’ont fait d’écriture en défense sur cette question.

À partir du moment où ces irrégularités alléguées par le Conseil d’Etat et non par le plaignant sont uniquement imputables à la CEI, le conseil d’Etat aurait dû requérir l’avis de la CEI, organisatrice de l’élection, sur la question.

Or, nulle part dans la décision, le conseil d’Etat ne mentionne une quelconque réaction de la CEI à ce sujet.

Ensuite, le conseil d’Etat se borne simplement de relever des inexactitudes sur les 7 PV sans en tirer la moindre conséquence. Ces 7 PV sont-ils annulés du fait de ces inexactitudes ?

Le Conseil d’Etat reste muet sur la question.

À supposer par le ridicule que ces 7PV sont annulés sur les 30, en quoi cela change le résultat proclamé par la CEI ?

À l’épreuve des vérifications sur ces 7 PV dont deux portent des voix supérieures pour le candidat Sanogo Dramane Alpha, leur annulation, ne change pas le résultat proclamé par la CEI.

Le candidat Assalé Tiemoko Antoine, reste toujours vainqueur avec 761 voix d’écart.

Devant ce fait, le Conseil d’Etat n’avait donc plus qu’à réformer la décision de la CEI et proclamer Assalé Tiémoko Antoine vainqueur.

Mais pour des raisons inconnues, le conseil d’Etat s’est déterminé totalement autrement.

Sans tirer de conséquence sur les 7 PV sur les 30 qu’il a déclarés “irréguliers”, le Conseil d’Etat a subitement fait un amalgame entre l’écart de voix entre les deux candidats (930 voix) et les 5345 portées par les 30 PV sans stickers, en prétendant que ces 5345 voix ont “nécessairement affecté la sincérité du scrutin”? De quelle manière ? Le Conseil d’Etat reste silencieux sur la question.

Du coup, le lecteur non averti a l’impression qu’ils ont annulé 5345 voix et que cela est supérieur aux 930 voix d’écart et par conséquent, cela change le résultat final du vote.

‘’À partir du moment où ces irrégularités alléguées par le Conseil d’Etat et non par le plaignant sont uniquement imputables à la CEI, le conseil d’Etat aurait dû requérir l’avis de la CEI, organisatrice de l’élection, sur la question.’’

Dans un pays toujours mis à mal par des contentieux électoraux mal tranchés par les juridictions, le Conseil d’Etat aurait voulu faire douter tout le monde sur solidité de ses décisions qu’il ne s’y serait pas pris autrement.

La décision d’annulation de l’élection municipale à Tiassalé, sur la base du raisonnement y contenu, est profondément inquiétante.

Car, à la lecture de la décision, on ne sait pas sur quelle base finalement, l’élection à Tiassalé a été annulée.

Sur la base de l’absence de stickers sur 30 PV ou bien sur la base de l’annulation de 7 PV sur les 30 PV sans stickers ?

Il est impossible de répondre à cette question au regard du contenu de la décision. Et cela ne peut semer que le doute, dans l’esprit de chaque ivoirien.

KPAN CHARLES

ARRET N° 476

CONSEIL D’ETAT ANNULATION REQUETE N° CE-EL-76 M DU 12 SEPTEMBRE 2023         

ARRET N° 476

SANOGO DRAMANE ALPHA C/ – COMMISSION ELECTORALE INDEPENDANTE DITE CEI – ASSALE TIEMOKO                

AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

AUDIENCE PUBLIQUE DU 05 OCTOBRE 2023                   

MONSIEUR YAO KOUAKOU PATRICE,  PRESIDENT CONSEIL D’ETAT

                 

LE CONSEIL D’ETAT,

Vu     la requête, déposée le 05 septembre 2023 à la Commission Électorale Indépendante et enregistrée le 12 septembre 2023 au Greffe du Conseil d’Etat sous le numéro CE-EL-76M, par laquelle monsieur SANOGO Dramane Alpha, candidat, tête de la liste parrainée par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix dit RHDP pour l’élection des Conseillers municipaux dans la circonscription électorale n° 84 de Tiassalé, ayant pour Conseil Maître Archille GOGO, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, Cocody, Angré les OSCARS, immeuble BLESSONNY, 2ème étage, porte N°201, téléphone 27 22 28 83 80 / 07 00 89 98 27, sollicite, du Conseil d’Etat, l’annulation de l’élection des Conseillers municipaux du 02 septembre 2023 de ladite Commune ;

Vu     les pièces du dossier ;

Vu     les réquisitions écrites du Procureur Général près la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat parvenues le 14 septembre 2023 au Greffe du Conseil d’Etat et tenant à l’annulation de l’élection ;

Vu     les observations écrites du Superviseur de la CEI dans les Régions de l’Agnéby-Tiassa et de la Mé du 08 septembre 2023 et tendant au rejet de la requête ;

Vu     le mémoire de monsieur ASSALE Tiémoko, tête de la liste Indépendant déclarée vainqueur par la CEI, parvenu le 09 septembre 2023 à la CEI, par le canal de son Conseil Maître Claude MENTENON et tendant au rejet de la requête ;

Vu     la notification faite aux parties de l’avis d’audience du 29 septembre 2023 pour l’audience du 05 octobre 2023 ;

Vu     la loi n° 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, telle que modifiée par les lois n° 2020-348 du 19 mars 2020 et n° 2023-693 du 25 juillet 2023 ;

Vu     la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant code électoral modifiée par les lois n° 2012-1130 du 13 décembre 2012, n° 2012-1193 du 27 décembre 2012, n° 2015-216 du 02 avril 2015, n° 2016-840 du 18 octobre 2016 et les ordonnances n° 2018-939 du 18 décembre 2018, n° 2020-356 du 08 avril 2020 et n° 2023-672 du 12 juillet 2023 ;

Vu       le décret n° 2023-702 du 16 août 2023 fixant le nombre des lieux et bureaux de vote ;

Vu     la loi n° 2001-634 du 09 octobre 2001 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante (CEI), telle que modifiée par les lois n° 2004-642 du 14 décembre 2004, n° 2014-335 du 18 juin 2014 et n° 2014-664 du 03 novembre 2014, n° 2019-708 du 05 août 2019 et par l’ordonnance n° 2020-306 du 04 mars 2020 telle que ratifiée par la loi n° 2020-492 du 29 mai 2020 ;

Vu     la loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales, telle que modifiée par l’ordonnance n° 2023-605 du 15 juin 2023 ;

Vu     l’arrêté n° 0099/CEI/PDT du 10 août 2023 portant sécurisation des procès-verbaux de dépouillement de vote en vue des élections des Conseillers Régionaux et des Conseillers Municipaux en 2023 ;

Vu     la loi organique n° 2020-968 du 17 décembre 2020 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’Etat ;

Ouï     le Rapporteur ;

Considérant qu’à l’issue du scrutin du 02 septembre 2023 pour l’élection des Conseillers municipaux de la Commune de Tiassalé, la Commission Electorale Indépendante dite CEI a, le 03 septembre 2023, proclamé les résultats suivants :

Qu’estimant que les résultats proclamés par la Commission Electorale Indépendante dite CEI sont entachés d’irrégularités, monsieur SANOGO Dramane Alpha sollicite l’annulation de ladite élection ;

Considérant que monsieur ASSALE Tiémoko, tête de la liste Indépendant déclarée vainqueur, réfute toutes les allégations du requérant et conclut au rejet du recours ;

En la forme

Considérant que la requête de monsieur SANOGO Dramane Alpha est intervenue dans les forme et délai prescrits par le code électoral ; qu’elle est recevable ;

Au fond

Considérant que, pour obtenir  l’annulation de l’élection, monsieur SANOGO Dramane Alpha invoque des irrégularités tenant au défaut de stickers sur trente (30) procès-verbaux de dépouillement des votes dont certains sont truffés d’inexactitudes et de manipulations, à la fermeture tardive de certains bureaux de vote, à l’autorisation donnée par les agents de la Commission Electorale Indépendante locale à des tiers de voter avec des cartes dont ils n’étaient pas titulaires et à la proclamation des résultats tant provisoires que définitifs par la CEI locale en l’absence de son représentant ;

Considérant que monsieur SANOGO Dramane Alpha invoque la violation de l’article 1er de l’arrêté N° 0099/CEI/PDT du 10 août 2023 portant sécurisation des procès-verbaux de dépouillement des votes en vue des élections des Conseillers Régionaux et des Conseillers Municipaux en 2023, en ce  que  trente (30) procès-verbaux de dépouillement des votes, totalisant cinq mille trois cent quarante-cinq (5345) voix , ne comportent pas de sticker ; que,  contestant l’authenticité desdits procès- verbaux,  il conclut que les résultats proclamés sur leur fondement ne  reflètent pas l’expression des votes du corps électoral de la commune de Tiassalé ;

Considérant que le texte visé au moyen dispose que : « un hologramme (sticker), mis à la disposition du bureau de vote par la Commission Electorale Indépendante (CEI) sera apposé, à froid, à un emplacement indiqué sur le procès-verbal de dépouillement des votes après que celui-ci a été renseigné et signé par les membres du bureau de vote et les représentants des listes de candidats »,

Que le mode opératoire, édicté par l’organe chargé des élections, précise, expressément, en son point 4.3 « Le kit du bureau de vote contient des hologrammes. Ces hologrammes sont appelés communément « stickers » et doivent être apposés sur les bulletins uniques de vote et les procès-verbaux de dépouillement des votes.

Relativement à l’emplacement de l’hologramme, il est tiré au sort avant le début du vote par les membres de bureau de vote.

Il permet de sécuriser et d’authentifier le bulletin de vote et le procès-verbal de dépouillement des votes. » ;

Considérant qu’il s’infère des dispositions susvisées que pour le scrutin du 02 septembre 2023, l’absence de l’hologramme constitue une irrégularité susceptible d’affecter la sécurité et l’authenticité des bulletins et procès-verbaux de dépouillement des votes ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction et des pièces du dossier, qu’outre l’absence de stickers, les procès-verbaux de dépouillement des votes, dont l’authenticité est contestée, sont mal renseignés ou contiennent des inexactitudes flagrantes ; qu’ainsi :

Que l’écart de voix entre la liste de candidatures déclarée élue et la deuxième n’est que de neuf cent trente (930), alors que, le nombre total des suffrages exprimés des trente (30) procès-verbaux contestés est de cinq mille trois cent quarante-cinq (5345) voix ;

Considérant que la prise en compte des  cinq mille trois cent quarante-cinq (5345) suffrages exprimés des trente (30) procès-verbaux de dépouillement des votes contestés  a, nécessairement, impacté les résultats proclamés le 03 septembre 2023 et entaché ainsi la sincérité du scrutin ; que, eu égard au faible écart de voix entre les deux listes de candidatures de tête, il convient, dès lors, d’annuler l’élection du 02 septembre 2023  des Conseillers Municipaux de la Commune de Tiassalé et d’ordonner, conformément à l’article 201 du code électoral, l’organisation d’une nouvelle élection dans un délai de trois (3) mois , sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;

D E C I D E

Article 1er :  la requête n° CE-EL-76M du 12 septembre 2023 de monsieur SANOGO Dramane Alpha est recevable et bien fondée ;

Article 2 :    l’élection du 02 septembre 2023 de la Commune de Tiassalé est annulée ;

Article 3 :      il est ordonné l’organisation d’une nouvelle élection des Conseillers Municipaux de de la Commune de Tiassalé dans le délai de trois (3) mois, conformément à l’article 201 du code électoral ;

Article 4 :    les frais sont laissés à la charge du Trésor Public ;

Article 5 :    une expédition du présent arrêt sera transmise au Procureur Général près la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, au Président de la Commission Electorale Indépendante et au Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité ;

Ainsi jugé et prononcé par le Conseil d’Etat, en son audience publique du CINQ OCTOBRE DEUX MIL VINGT TROIS ;

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