-Les précisions d’un juriste sur la loi camerounaise
Abidjan, le 4-3-23 (crocinfos.net) Dans un communiqué rendu public par le collectif de ses avocats et relayé par Inès, ce jour, par plusieurs médias, Arielle Zamo Belingae, chef de Division de la Communication du Groupe, Jean Pierre Amougou Belinga président du Groupe l’Anecdote a été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de NKondengui dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo. « Nous portons à l’attention de l’opinion publique nationale et internationale qu’après avoir passé 25 jours en détention au Service Central de recherches Judiciaires, le Président du Groupe l’Anecdote Monsieur Jean Pierre Amougou Belinga a été placé sous Mandat de dépôt ce 04 mars 2023, à la prison principale de Kondengui », indique le communiqué, précisant qu’il y est placé pour ‘’complicité de torture par aide.’’
En revanche, le communiqué informe que ‘’les collaborateurs du Président qui étaient encore détenus ont été tous libérés.’’
En effet, selon un rapport de Reporters sans frontières sur les résultats de l’enquête chargée d’élucider les circonstances de la mort de Martinez Zogo, Justin Danwe de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) a soutenu que Jean-Pierre Amougou Belinga a lui-même assené des coups au journaliste dans le sous-sol de son immeuble. « L’homme d’affaires aurait alors appelé Laurent Esso, le garde des Sceaux dont il est proche afin de lui demander quel sort réserver au présentateur radio. D’après ce témoignage, le ministre, un des hommes les plus puissants du régime, lui aurait alors répondu de “finir le travail” pour éviter une nouvelle affaire Paul Chouta, un journaliste laissé pour mort au bord d’une route, l’année dernière, après avoir été passé à tabac par un mystérieux commando qui n’a jamais été identifié », rapporte Reporters sans frontières.
Enlevé le 17 janvier 2023, par des inconnus dans la banlieue de la capitale Yaoundé devant un poste de gendarmerie, Arsène Salomon Mbani Zogo, dit « Martinez Zogo», 50 ans, avait été retrouvé mort cinq jours plus tard. « Son corps a manifestement subi d’importants sévices », avait annoncé le gouvernement.
Emmanuel Sadi, ministre camerounais de la communication et porte-parole du gouvernement, confirmait dans le communiqué du 22 janvier 2023, l’assassinat du journaliste Zogo Martinez, et s’engageait à faire la lumière sur ce crime.
Kpan Charles
Encadré
Me Enama Olivier fait des précisons
Affaire feu Monsieur Martinez Zogo
Petit cours matinal public de droit pour que les gens lâchent mon in box:
- Monsieur Amougou Belinga a été inculpé et mis en détention provisoire.
- Le chef d’inculpation retenu est : ‘’Complicité de torture par aide.’’
- L’inculpation est l’acte judiciaire par lequel la justice ouvre une information contre une personne soupçonnée d’un crime notamment.
Elle correspond à la mise en examen en France.
- La mise en détention provisoire est prévue par les articles 218, et suivant du code de procédure pénal du Cameroun qui prévoient:
Article 218 :
(1)La détention est une mesure exceptionnelle qui ne peut être ordonnée qu’en cas de délit ou de crime. Elle a pour but de préserver l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens ou d’assurer la conservation des preuves ainsi que la représentation en justice de l’inculpé.
Toutefois, un inculpé justifiant d’un domicile connu ne peut faire l’objet d’une détention provisoire qu’en cas de crime.
(2) Le Juge d’Instruction peut décerner mandat de détention provisoire à tout moment après l’inculpation, mais avant l’ordonnance de renvoi, pourvu que l’infraction soit passible d’une peine privative de liberté. Il prend de suite une ordonnance motivant sa décision.
Art 221. Sa durée ne peut excéder six (6) mois. Toutefois, elle peut être prorogée par ordonnance motivée, au plus pour douze (12) mois.
A l’expiration du délai de validité du mandat de détention provisoire, le Juge d’Instruction doit, sous peine de poursuites disciplinaires, ordonner immédiatement la mise en liberté de l’inculpé, à moins qu’il ne soit détenu pour autre cause.
- La liberté sous caution:
Elle est prévue par l’article 224 du code de procédure pénal qui prévoit:
(1) Toute personne légal ment détenue à titre provisoire peut béné ficier de la mise en liberté moyennant une des garanties visées à l’article 246 (g) et destinées à assurer notamment sa représentation devant un officier de police judiciaire ou une autorité judiciaire compétente.
(2) Toutefois, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux personnes poursuivies pour crime passible de l’emprisonnement à vie ou de la peine de mort
- S’agissant de l’infraction pour laquelle Monsieur Belinga est inculpé:
L’infraction de torture est prévue par l’art. 132 bis de la loi n° 97/009 du 10 janvier 1997 instituant le code pénal camerounais.
Son alinéa 1 prévoit qu’ : ‘’Est puni de l’emprisonnement à vie, celui qui, par la torture, cause involontairement la mort d’autrui’’.
La complicité est quant à elle traitée par les articles 96 et 97 du même code qui prévoient ceci:
DE LA COACTION ET DE LA COMPLICITE
Article 96. – COACTION
Est coauteur, celui qui participe avec autrui et en accord avec lui à la commission d’une infraction.
Article 97. – COMPLICITE
(1) Est complice d’une infraction qualifiée crime ou délit :
Celui qui provoque, de quelque manière que ce soit, la commission de l’infraction ou donne des instructions pour la commettre ;
Celui qui AIDE ou facilite la préparation ou la consommation de l’infraction.
Voilà la présentation juridique objective de ce qu’on apprend dans les médias ce matin.
Mon avis?
Victoire en demi-teinte des côtés: soit de l’accusation et de la défense.
– Pour l’accusation: l’enquête était partie sur l’assassinat… qui n’a donc pas été retenu. Mais la torture ce n’est pas rien… la loi prévoit quand-même l’emprisonnement à vie au max.
– Pour la défense: Victoire provisoire aussi pour la défense qui réussit à retourner la tendance, malgré le battage médiatique et la pression. On n’est plus dans l’assassinat.
Place à l’instruction maintenant.
Source: Me Enama Olivier