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[Conflit foncier à Adjamé] Khalil Haïfa face aux abus du maire Soumahoro Farikou

Pendant que le procès suit son cours, le Maire Farikou Soumahoro s'empresse pour construire sur un site qui n'appartient pas à la Mairie.

Abidjan, le 2 septembre 2024 (crocinfos.net) – Depuis des années, un conflit foncier oppose Mme Khalil Haïfa, une propriétaire terrienne de longue date, au maire de la commune d’Adjamé, Soumahoro Farikou. Ce litige, qui dure depuis plus de trois ans, met en lumière les enjeux complexes liés à la gestion des biens fonciers en Côte d’Ivoire, entre ingérence municipale, droits de propriété et utilité publique.

Une histoire de plusieurs décennies

Tout commence en 1966, lorsque Mme Khalil Haïfa, héritière d’une famille établie à Abidjan, devient officiellement propriétaire de trois parcelles de terrain, dont les titres fonciers (TF) n°8496, 28574 et 32703 sont dûment enregistrés auprès du ministère de la Construction.

En 1984, sans que le propriétaire des parcelles ne soit consulté, des pylônes électriques de haute tension sont installés par la société d’énergie de Côte d’Ivoire sur ses terrains. En parallèle, la Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire (SODECI) y implante des ouvrages d’épuration d’eau. Ces empiètements irréguliers se sont installés dans le silence des autorités compétentes. Pourtant, des tentatives de recours ont été menées par la famille Haïfa. Mme Khalil Haïfa, voyant les infrastructures se développer sur ses terrains, a saisi à plusieurs reprises les autorités, dont le ministère des Mines et de l’Énergie, demandant le retrait de ces installations.

Le silence administratif et les premières victoires

Le 18 janvier 2007, un tournant survient dans cette affaire. Le ministre de la Construction de l’époque confirme par écrit que les parcelles appartiennent bien à Mme Khalil Haïfa et que les titres détenus par elle, sont en règle et enregistrés dans les archives officielles. Marcel Amon-Tanoh, ministre de la Construction de  l’Urbanisme et de l’Habitat, en réponse au courrier de Léon Emmanuel Monnet ministre des Mines et de l’Énergie le 15 janvier 2007, faisait la précision suivante : « La concession provisoire de ces terrains ont fait l’objet de d’un transfert au profit de Madame Khalil Haïfa par arrêté n° 1030/MLCVE/SDU/ST en date du 12 septembre 1998. C’est fort que celle-ci s’est fait délivrer le 24 mai des certificats de propriété sur la parcelle dont il s’agit », tranchait-il. Toutefois, le ministre recommande l’engagement de procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique, sous réserve d’une « indemnisation juste et préalable de la propriétaire. »

Malgré cette reconnaissance de ses droits, aucune démarche d’expropriation n’a été entreprise à ce jour. Les installations de la ligne électrique de haute tension et des ouvrages de la SODECI restent donc, de fait, sur une propriété privée, sans compensation pour la propriétaire.

La montée des tensions avec la municipalité d’Adjame

Alors que la situation aurait pu en rester là, un autre protagoniste entre en scène : le maire d’Adjamé, Soumahorou Farikou. Depuis 2019, celui-ci multiplie les pressions sur Mme Khalil Haïfa et les occupants de ses terrains. Le maire envoie plusieurs mises en demeure aux artisans et commerçants installés sur le site, leur enjoignant de justifier leur présence ou de quitter les lieux, considérant qu’ils sont installés sans titre sur le domaine public.

En réalité, ces artisans et commerçants occupent les lieux avec l’autorisation expresse de Mme Khalil Haïfa, qui leur a loué les espaces en vertu de ses droits de propriété. Elle justifie cette situation auprès de la mairie à plusieurs reprises, produisant à l’appui des certificats de propriété. Néanmoins, le maire semble peu enclin à tenir compte de ces justifications, poursuivant ses actions en vue d’un déguerpissement forcé.

Dosso Villard, directeur des rédactions du Panafricain, a, au nom du consortium de l’Organisation nationale des journalistes d’investigation de Côte d’Ivoire (ONJI-CI), dont crocinfos.net fait partie, adressé, le 5 août 2024, un courrier de demande d’informations et de documents à Soumahorou Farikou, maire d’Adjamé, avec ampliation à la Commission d’accès à l’information d’intérêt public et aux documents publics (CAIDP) ainsi qu’à d’autres institutions chargées de la bonne gouvernance. Après quinze jours, conformément à la loi n°2013-867 du 23 décembre 2013, aucune suite n’a été donnée.

Une bataille juridique et administrative

Le conflit prend une tournure plus dramatique en 2022, lorsque la municipalité décide de passer à l’action. En mai 2024, sur ordre de Soumahorou Farikou, des agents de la police municipale, assistés de civils non identifiés, interviennent sur le site pour fermer de force les échoppes des artisans. Deux jours plus tard, une nouvelle descente se solde par la destruction des installations des commerçants et des artisans. Ces actions provoquent des échauffourées sur le site, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre pour éviter une émeute.

Des dégâts matériels considérables sont constatés et plusieurs occupants sont blessés. Pour Mme Khalil Haïfa, ces actes ne sont qu’une manifestation supplémentaire du harcèlement dont elle est victime de la part des autorités locales. Elle y voit une tentative déguisée de la municipalité de percevoir des taxes auprès des occupants de son terrain, et non une réelle volonté de protéger le domaine public ou la sécurité des personnes.

La question de l’utilité publique en suspens

L’une des clés de ce dossier réside dans la notion d’utilité publique. Selon la loi ivoirienne, le domaine privé peut être exproprié pour des raisons d’utilité publique, à condition qu’une indemnisation soit versée au propriétaire. Toutefois, dans le cas de Mme Khalil Haïfa, aucune procédure d’expropriation n’a été engagée. Les installations de la ligne électrique et des ouvrages de la SODECI restent donc en situation irrégulière sur ses terrains.

Malgré les tentatives de conciliation et les multiples recours de Mme Haïfa, le silence des autorités persiste. Le 6 juillet 2005, le ministre des Mines et de l’Énergie avait pourtant réitéré au ministre de la Construction que les titres de propriété de Mme Haïfa étaient en ordre et avait recommandé d’engager les procédures d’expropriation. Mais depuis, aucune avancée notable n’a été enregistrée.

Des enjeux financiers et politiques sous-jacents

À y regarder de plus près, le conflit dépasse largement la simple question foncière. Les installations des lignes de haute tension et des ouvrages de la SODECI touchent à des intérêts stratégiques pour la population d’Abidjan, notamment en termes de fourniture d’énergie et d’eau potable. De plus, les parcelles concernées sont situées dans une zone en pleine expansion, faisant monter la pression foncière et les convoitises.

Pour la municipalité d’Adjamé, l’enjeu semble également financier. Les artisans et commerçants installés sur les terrains de Mme Haïfa représentent une source potentielle de revenus pour la mairie, via la collecte de taxes municipales et plus. Cela expliquerait en partie les actions répétées du maire, qui tente de requalifier ces terrains en domaine public pour mieux contrôler les activités qui s’y déroulent en exploitant le domaine au nom de la maire.

Trancher la question de l’expropriation

Pour l’heure, le dossier reste en suspens. Mme Khalil Haïfa continue de se battre pour faire valoir ses droits de propriété, tout en appelant à une intervention des autorités supérieures pour résoudre cette affaire. Elle a récemment saisi la société CI Énergies pour qu’elle constate l’empiétement sur ses terrains, espérant ainsi accélérer le processus de régularisation.

De son côté, le maire d’Adjamé persiste dans sa volonté de réorganiser les activités commerciales sur ces parcelles, tout en maintenant la pression sur les occupants et sur Madame Haïfa. L’avenir de cette affaire dépendra en grande partie de la capacité des autorités à trancher la question de l’expropriation et à indemniser la propriétaire conformément à la loi.

Pendant que le procès suit son cours, le Maire Farikou Soumahoro s’empresse pour construire sur un site qui n’appartient pas à la Mairie.

Moins d’un mois après le passage des bulldozers dirigés par Ibrahim Cissé Bacongo, ministre-gouverneur du District autonome d’Abidjan, sur le site querellé, la mairie s’est appropriée la parcelle en y construisant des infrastructures. Cela achève de révéler les intentions jusque-là dissimulées du maire Soumahoro Farikou.

Le combat de Mme Khalil Haïfa pour la protection de ses droits fonciers est loin d’être terminé, et cette affaire pourrait bien marquer un tournant dans la gestion des conflits fonciers en Côte d’Ivoire.

Qu’a-t-il bien pu se passer pour que Soumahoro Farikou s’en prenne à la famille Khalil, un ex-bienfaiteur ?

Pour les membres de la famille Khalil, dans ce dossier, le maire Soumahoro Farikou est complètement en dehors du droit car il construit sans permis sur leur site. « Il est hors la loi et il ne peut pas avoir de permis de construire étant donné que pour l’avoir, il lui faut un ACD (Arrêté de Concession Définitive). Documents qui sont la propriété de la famille Khalil », nous a indiqué un membre de la famille. C’est pourquoi cela que le maire d’Adjamé se complaît dans le faux jusqu’au point d’aller construire sur une propriété privée en usant de la violence.

Il effet, selon la famille Khalil, le maire Soumahoro Farikou a envoyé des loubards pour protéger ses travaux de construction illégale. Ces derniers ont agressé les vigiles qui étaient sur le site et ont volé un conteneur. Une plainte a été déposée à la police à ce sujet.

Toutefois, la famille Khalil n’est pas contre les opérations menées par le Ministre-Gouverneur Cissé Ibrahim dit Bacongo dans le cadre de l’assainissement et la protection des populations contre les catastrophes surtout en temps de pluie. « Nous reconnaissons le travail de M. Bacongo qui quand il commence quelque chose, l’achève. Mais curieusement, pourquoi c’est le site de Mme Khalil Haïfa seulement qui est touché par les opérations de déguerpissement alors que, les pilonnes avec les fils de haute tension arrivent au Banco et aux rails d’Abobo », s’interroge la famille Khalil. Une question à poser surtout qu’à la différence des constructions en bois sur le site querellé, les constructions au Banco et aux rails d’Abobo sont en dur.

« C’est une manipulation évidente que le maire Soumahoro Farikou cache derrière la bonne foi de M. Bacongo pour régler des comptes et réaliser des affaires personnelles », assure Khalil Jamal, membre de la famille qui pour lui, si c’était une opération initiée par le Ministre-Gouverneur, elle ne se serait pas arrêté uniquement au site d’Adjamé-Macaci, mais serait allée jusqu’au Banco et aux rails d’Abobo puisqu’il s’agit du parcours des pilonnes à haute tension.

À ce propos, la famille dénonce la manipulation du maire. Ce dernier a présenté un document de la CIE (Compagnie Ivoirienne d’Electricité) pour justifier le déguerpissement des échoppes du site parce qu’elles sont sous les lignes de haute tension. Mais après avoir rencontré la direction de la CIE, la famille Khalil a reçu une réponse très claire : « La CIE ne peut pas répondre préoccupations car, elle est seulement vendeuse d’électricité et ne s’occupe pas des des installations des équipements électriques. Nous vous demandons d’approcher l’EECI, l’ANARE et aujourd’hui CI Energies. Nous sommes très surpris aujourd’hui que la municipalité d’Adjamé ait obtenu un document de la CIE pour procéder à un déguerpissement », indiquait en substance la compagnie d’électricité à la famille Khalil.

Il y a donc des questions à se poser. Par exemple, de quoi Monsieur le maire a eu si peur jusqu’à refuser par sept fois de rencontrer le responsable de la famille Khalil ? Alors qu’à l’époque c’est-à-dire en 2012, quand M. Soumahoro Farikou était alors président de de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire (FENACCI), il appréciait tellement M. Khalil Jamal qu’il a écrit un article dithyrambique sur ce dernier et sur ses projets dans le Magazine ´´ Le Commerçant N° 006- Janvier 2012 ´´, un mensuel gratuit de la Fenacci. L’article rapportait toutes les actions posées par Khali Jamal pour le bien-être des commerçants de la commune d’Adjamé. Dans ce numéro, Soumahoro Farikou reconnaissait M. Khali Jamal en tant que propriétaire du site qui fait aujourd’hui l’objet d’un litige. Un site où d’ailleurs un bureau lui avait été gracieusement offert, selon Khalil Jamal, pour ses activités en tant que président de la Fenacci et en retour l’actuel maire avait promis de faire venir la clientèle pour occuper le site en question.

Où est donc parti ce respect mutuel de longue date entre Soumahoro Farikou et Khalil Jamal ? Respect qui a foutu le camp quand l’un est devenu maire.

Le maire Farikou a-t-il des doutes sur les informations et les recommandations des ministres des Mines et de la Construction en 2007 ? Ceux-ci affirmaient que le site est la propriété privée de Khalil Haïfa et toute procédure d’expropriation devrait passer par un juste dédommagement de la famille Khalil.

Le maire Farikou a-t-il des doutes sur la probité du ministère de la Construction et de l’Habitat qui, à travers son service des cadastres, dit que le site querellé est la propriété de la famille Khalil ?

Devant toutes ces interrogations, Khalil Jamal demande au maire d’Adjamé de respecter l’état de droit en Côte d’Ivoire et d’arrêter de le bafouer. « Pour information, sachez qu’en tant que député-maire, vous avez été élu pour servir le peuple et non pour vous servir du peuple », a professé Khalil Jamal.

Pour conclure, il assure que le maire Farikou a dit qu’il allait porter une plainte contre la famille Khalil. Pour Khalil Jamal, sa famille attend toujours la plainte. Ce sera pour eux, l’occasion idéale d’un grand déballage.

Charles Kpan

 

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