Abidjan, le 22-12-22 (crocinfos.net) Pour informer à mon modeste niveau, le citoyen ivoirien sur cette trop grande générosité de l’État ivoirien en faveur de quelque uns de ses ex-serviteurs, j’ai consacré le 25 août 2021, suite à l’affaire Mamadou Koulibaly / Mairie d’Azaguié, une série de publications sur les sommes exorbitantes qui leur sont allouées en guise de rentes viagères et qui sont cumulatives avec d’autres allocations.
Ainsi, ce premier numéro a été exclusivement consacré à la retraite dorée que la fameuse loi 2005 assure à nos anciens présidents de la république et par ricochet à leurs ayants-droit.
En effet, selon l’article 14 de la loi de 2005 : « l’allocation viagère d’anciens Présidents de la République est basée par référence à l’ensemble des émoluments (salaire indiciaire + indemnité de résidence) d’un magistrat hors hiérarchie du groupe A échelon unique (soit 958 458 CFA). Somme affectée d’un coefficient 10, (c’est-à-dire X par 10). Ce qui débouche sur la coquète somme de 9 584 580 CFA. À cela, s’ajoute une indemnité contributive au logement : 3 000 000 CFA, carburant : 2 500 000 CFA, Eau/Électricité : 1 000 000 CFA, téléphone : 1 000 000 CFA) soit une somme de 7 500 000 F CFA.
En résumé, le total des avantages financiers octroyés par l’État à nos anciens chefs d’État est de 9 584 580 CFA + 7 500 000 F CFA = 17 048 580 F CFA brut.
De fait, tous les anciens chefs d’État ivoirien ont légalement droit à la somme de 17 048 580 F CFA de rentes viagères et autres avantages financiers par mois.
Comme si cela ne suffisait pas, on note à l’alinéa 2 de l’article 4 du décret d’application de la loi de 2005, « De même, chaque personnalité peut cumuler la ou les allocations viagères avec toute autre pension provenant d’autre source, notamment celle résultant de sa profession d’origine ».
Il suit de là, que les anciens chefs d’État peuvent cumuler les 17 048 580 F CFA avec d’autres rentes viagères et pensions de retraite.
Pour mieux comprendre l’ampleur des sommes allouées en cas de cumul, il est intéressant de passer en revue les cas de nos deux actuels ex-présidents et celui de l’actuel Chef d’État lorsque celui-ci quittera ses fonctions.
1) Le cas d’Henri Konan Bédié
En sa qualité d’ancien chef de l’État (17. 048 580 F), d’ex-président de l’Assemblée nationale (7 550 748 F CFA), ce qui fait un montant total de 24 599 328 F CFA brut, déduit de 6% de part imposable, l’ex-Président Bédié se retrouve environ avec la très jolie somme de 23 835 328 F CFA. Il est bon de rappeler que l’ex-Président Bédié peut cumuler cette somme avec sa rente viagère de l’époque où il a été ministre de l’économie soit la somme de 958 458 F CFA. Ce qui donne au total la somme de (23 835 328 F CFA + 958 458% 6 impôt) = 24 736 279 F CFA. Les sommes allouées à Bedié ne sont pas exhaustives si on comptabilise les rentes viagères du nombre de fois, il a été PAN et autres.
2) Le cas de Laurent GBAGBO
L’ex-Président Laurent GBAGBO a droit aussi en sa qualité d’ancien Chef d’Etat, d’une allocation viagère de 9 584 580 F CFA par mois, auxquels s’ajoutent 7 500 000 F CFA de frais de transport, soit la somme totale de 17. 048 580 F CFA. Il peut cumuler cette somme avec sa rente viagère de député de Ouragahio, 958 458 F CFA. Ce que lui fera un montant global brut de 18 762 786 F CFA, si on en déduit les 6% de part imposable sur chacune des rentes viagères, il se retrouve par mois avec 17 976 850 F CFA. Je souligne qu’il peut également ajouter à cette somme sa pension de retraite d’historien chercheur à l’université Laurent GBAGBO n’ayant rien perçu, depuis son arrestation, le 11 avril 2011, a droit au versement par l’État d’un rappel de plus de 11 ans 5 mois de rentes viagères. Ce après le discours du chef de l’Etat ordonnant le paiement de ses arriérés de rentes viagères, l’ex président Gbagbo aura droit si mes comptes sont bons, à près de 2 milliards et plus 315 millions de F CFA au titre de rappel de 11 ans 5 mois de rentes viagères.
3) Le cas du président actuel, Alassane Ouattara
Comme ses deux prédécesseurs, à la fin de son mandat de président, Alassane Ouattara bénéficiera des allocations viagères de 17. 048 580 F CFA bruit en sa qualité d’ancien chef d’État et la somme 7 550 748 F CFA en sa qualité d’ancien Premier Ministre, soit un montant global de 24 599 328 F CFA brut, déduit de 6% de part imposable, Ouattara devenu ex-Président se retrouvera avec la coquette somme de 23 835 328 F CFA qu’il pourra cumuler avec ses autres pensions de retraites provenant d’autre source, notamment celles résultant de ses professions d’origines.
Par ailleurs, il est important de souligner que selon l’article 19 de la fameuse loi extrêmement généreuse de 2005, toutes ces allocations viagères sont réversibles sur la tête des ayants-droit de ces anciens présidents dans les proportions suivantes :
– 50% pour le conjoint survivant jusqu’à la fin de la vie,
– 50% pour les enfants mineurs jusqu’à leurs majorités.
Ces ayants-droit pourront cumuler intégralement le montant de ces pensions de réversion avec les émoluments afférents à leurs emplois.
Ce n’est pas tout, car en plus de toutes ces allocations viagères qui leur sont versées par le contribuable ivoirien, nos anciens chefs d’État bénéficient de nombreux autres avantages payés par les finances publiques
Voici comment la loi inique de juin 2005 et son décret d’application de 2006 assurent une retraite dorée à nos anciens Présidents. Je ne suis pas contre que nos anciens Grands serviteurs de l’Etat et leurs familles soient mises à l’abri du besoin financier durant le reste de leurs vies. Mais les sommes allouées et surtout leurs cumuls avec d’autres rentes et pensions de retraite m’apparaissent excessifs pour le budget de l’Etat.
D’où mon vœu en faveur d’une reforme de cette loi de 2005 par nos parlementaires qui sont les représentants du peuple afin de ramener à des proportions raisonnables toutes ces rentes viagères. Il faut impérativement supprimer le cumul de ces rentes viagères.
Dans les prochains jours, je publierai un autre post sur le cas des autres ex-serviteurs de l’État qui bénéficient aussi d’allocations viagères exorbitantes pour les finances publiques avec des exemples concrets de la trop grande générosité de la loi de 2005.
J’appelle au débat sur cette plateforme, tous ceux qui sont susceptibles de venir confirmer ou infirmer mes informations et mes chiffres sur le montant des différentes rentes viagères susmentionnées dans la présente publication. »
Me Youssouf MEITE
Docteur en Droit Public
Enseignant-Chercheur
Avocat au Barreau de Paris