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[Côte d’Ivoire Grand Reportage] Préfecture, sous-préfecture, hôpital général de Niakara, ces administrations publiques abandonnées

Niakara, le 29-06-2020 (crocinfos.net) Huit mois après la visite officielle du chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, dans la région du Hambol, en novembre 2019, certaines administrations du département de Niakaramadougou ou Niakara, localité située dans le nord de la Côte d’Ivoire, offrent un visage mitigé. Malgré la loi de l’omerta qu’observent certains responsables, les faits parlent d’eux-mêmes. Reportage…

Lundi 22 juin 2020. Il est 9h. L’ancien bureau de la sous-préfecture créée au lendemain de l’indépendance, le 31 janvier 1961, cédé à l’actuelle préfecture de Niakara en 2009, rayonne à l’apparence avec de nouvelles couches de peinture.

Un décor aux couleurs du drapeau national (orange, blanc-vert). Le lopin de quelques mètres de goudron inachevé, qui relie la voie principale à cette administration en rajoute un peu à sa beauté.

L’arrière-cour de la préfecture où les bouviers font brouter leurs animaux

Mais cette image attrayante cache mal le sinistre visage environnemental qui saute à la première vue de cette préfecture qui coiffe six sous-préfectures (Badikaha, Niédiékaha, Arikokaha Tortiya, Niakara et Tafiré), et trois communes (Tafiré, Niakara et Tortiya).

La vieille clôture de l’année des indépendances ne résiste plus aux intempéries. Sous le poids des ans, plusieurs pans entiers de cette barrière des temps coloniaux tombent d’eux-mêmes, ouvrant différentes entrées aux animaux en divagation. L’arrière cour où les mauvaises herbes et le gazon ont repoussé s’est transformée en pâturage où les bouviers promènent leurs bœufs tranquillement sous les arbres à longueur de journée.

Cet entêtement à promener le bétail en plein cœur d’une administration publique n’inquiète guère le plus âgé des petits bouviers. Bâton à la main, petite soupière en bandoulière, il nous dit ceci dans un langage saccadé: « Nos animaux ne sont pas dangereux. On nous chasse de temps en temps, mais nos bêtes ont besoin de manger.»

‘’Une question de temps’’ face à des scènes inquiétantes. Face à cette scène inquiétante qui soulève plusieurs interrogations, la préfète, Mme Maténin Ouattara, qui occupe les locaux de la préfecture depuis août 2018, nous rassure. Derrière un cache-nez imposé par la covid-19, elle estime que c’est ‘’une question de temps’’.

Selon elle, avant la visite du président de la République à Niakara, la réhabilitation de la clôture, l’équipement des bureaux en matériel informatique, et même la construction de la préfecture sur le site actuel où ailleurs faisaient partie des doléances de l’administration préfectorale. « Toutes nos doléances ont été prises en compte et des études de terrain ont été faites.  Mais le délai étant très court, cela n’a pas permis de réaliser tout ça », indique-t-elle.

Cependant, elle garde espoir quant au volet des actions sociales de la société de bitumage de la voie A3 qui a déjà réalisé un lopin de quelques mètres de goudron, non encore ‘’achevé’’ dans la cour-avant de la sous-préfecture. « Il y a deux semaines, l’un de leurs techniciens est passé pour me rassurer de la réfection de la clôture dès que leur entreprise entamera la réhabilitation des écoles dans le cadre de leurs actions sociales. C’est vous rassurer que la réhabilitation de la clôture est prévue et que nous ne sommes pas abandonnés», renchérit notre interlocutrice.

Quant à l’entretien de l’espace environnemental de la cour, où le gazon et les mauvaises herbes ont repoussé pour le bonheur des bœufs et autres animaux en divagation. Elle indique que son entretien est du ressort de son administration, qui ‘’doit être à l’image de l’institution’’. Cependant, elle n’évoque pas le budget alloué à ce chapitre.  « Il n’y pas trois mois que nous avons entretenu l’espace environnemental de la cour, mais compte tenu de la grande saison des pluies, les herbes et les arbres poussent vite », affirme Mme Maténin Ouattara.

Les va-et-vient des animaux en divagation font peur, certes, mais elle témoigne que ses collaborateurs les chassent quand ils les voient : « Ils me disent aussi que ces animaux font fuir les reptiles du coin.»

Interrogé, le maire de la commune, Pierre Nakaouélé Koné, reconnaît que la filière bétail n’est pas organisée à Niakara et qu’il a failli avoir un clash entre les propriétaires de ces animaux et les agriculteurs il y a de cela quelque temps. Pour résoudre définitivement la question de divagation des animaux il multiplie, selon lui, des rencontres dans le cadre de l’identification des parcs et de leurs propriétaires avant de tenir une réunion avec l’ensemble des acteurs de la filière. « J’ai déjà rencontré le directeur départemental des ressources animales pour voir comment on peut mettre un terme à ce genre de question. En tout cas, nous travaillons sur la question »,  a rassuré le premier magistrat de la commune.

La sous-préfecture délocalisée qu’abrite le bâtiment d’un particulier loué par l’État ivoirien est composée de deux bâtiments (administration et état civil). Elle est bien clôturée, mais ces murs crasseux et dégoûtants donnent l’aspect d’une résidence abandonnée. De cette administration perdue d’entre les habitations situées au bord de la voie, seul le drapeau aux couleurs nationales (orange, blanc-vert) monté sur un mât attire la curiosité des passants. Les écriteaux : ‘’sous-préfecture de Niakara’’ sont mêmes illisibles.

Une fois la clôture franchie, vous êtes accueilli par Mme Ouattara, assise sur l’estrade avec un cache-nez. Elle veille au respect des mesures barrières de lutte contre la covid-19 en versant quelques gouttes de savon liquide dans vos mains que vous rincez juste à un pas de là. L’un des visiteurs qui a préféré fourrer le sien en poche est vite interpellé : « Ici, pour être reçu, vous devez porter obligatoirement le cache-nez.»

La charrue avant les bœufs. Ce point positif sanitaire cache, lui aussi, très mal  l’environnement avec le gazon et les mauvaises herbes qui ont poussé du côté du bâtiment qui fait office d’état-civil. À cela s’ajoute le manque d’abri pour accueillir le défilé incessant des populations en quête de papiers administratifs à la faveur de la présidentielle d’octobre 2020.

La sous-préfecture n’est que l’image d’elle-même

Malgré ce flux de la population, aucun préau, encore moins une bâche n’est prévue. Celle offerte par le maire de la commune, Pierre Nakaouelé Koné, n’a pas pu tenir face aux vents violents des pluies, selon Mme Ouattara.

Sous le soleil ou sous la pluie, les populations prennent leur mal en patience. Dame Sita Korotoum, enseignante à la retraite, venue pour son certificat de résidence est régulière à la sous-préfecture depuis qu’elle a décidé de s’installer dans son village. « Tout se passe bien depuis que je viens établir mes pièces et celles de mes enfants ici. Nous sommes bien reçus et les rendez-vous pour récupérer nos papiers sont respectés, mais en cas de pluie, nous sommes obligés de nous attrouper, soit dans le parking du sous-préfet, soit au secrétariat », déclare-t-elle.

Pas de matériel informatique tant au secrétariat que dans le bureau du sous-préfet, YapiYapi Guillaume, en mission à l’extérieur le jour de notre passage.

La difficulté étatique est réelle, apparemment dans les cinq autres sous-préfectures. Autant affirmer que l’État a mis la charrue avant les bœufs. « Le découpage a été plus politique qu’administratif », indique l’un des agents au service d’état civil sous couvert de l’anonymat.

Par ailleurs, la nouvelle réforme de l’identification et de l’état-civil, d’un identifiant unique appelé numéro national d’identification (NNI), lancée en décembre 2019, est assisté par un matériel informatique. Mais la préfecture et la sous-préfecture de Niakara peinent à en disposer.

À l’hôpital général, c’est le même constat. La clôture faite de grillage n’existe que sur quelques mètres. Les va-et-vient des animaux errants dans l’enceinte de l’établissement sanitaire sautent aux yeux du personnel administratif, des patients et visiteurs. « Je suis obligé d’utiliser un lance-pierres ou des projectiles souvent pour les chasser », indique le gardien.

Au plan administratif, l’hôpital dit général souffre d’un manque criant de plateau technique. À la salle d’accouchement, par exemple, les femmes ne passent pas les 72 heures homologuées après la naissance d’un bébé. « Nous sommes obligées de les libérer et leur dire de repasser s’il y a des complications parce que nous n’avons pas le nécessaire pour les maintenir », renchérit la fille de salle, à qui nous attribuons les initiaux, D.A.. En somme, l’hôpital général est sous perfusion comme les patients.

En plein cœur de l’hôpital général de Niakara

La direction départementale où nous avons été conduits pour avoir l’autorisation de nous entretenir avec le directeur général de l’hôpital ne dispose pas de véhicule de mission, selon des sources administratives. Pourtant, cette direction coiffe les 18 centres du district sanitaire de Niakara dont celui de Tafiré qui, selon nos sources s’équipe en matériel de pointe. « Les plaidoyers ont permis de doter l’hôpital d’une ambulance, mais c’est une goutte d’eau au vu des difficultés auxquelles l’établissement sanitaire est confronté », indique notre source.

À direction générale tout comme à la direction départementale, les responsables nous ont renvoyé au ministère de la Santé qui, selon eux, leur impose la langue de bois.« Nous ne nous entretenons pas avec les journalistes sans l’accord du ministère de la Santé », soutiennent les directeurs.

L’hôpital général de Niakara dispose de tous les bâtiments, mais il est abandonné tout comme les autres administrations importantes qui sont dans l’espoir d’être des administrations de pointe avec toutes les commodités requises.

Réalisé à Niakara par Sériba Koné

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