[Côte d’Ivoire Interview exclusive !] Mutineries répétées le caporal-chef, « Godobé », parle : « Voici toute la vérité sur la crise au sein des militaires »
Par Crocinfos, le 25 janvier 2017 à 21 h 48 min
À peine 8400 soldats mutins ont-ils perçu 5 millions FCFA des 12 millions prévus par le gouvernement ivoirien que l’appétit s’aiguise du côté des autres éléments. Le caporal-chef, “Godobé” (du nom de leur promotion) décide de lever un coin du voile sur la crise qui ronge l’Armée ivoirienne. Dans cet entretien réalisé le lundi 23 janvier 2017, l’ex-parachutiste et actuel élément de l’Unité de commandement et de soutien (Ucs) dit tout.
Caporal-chef, vous êtes un ex-parachutiste et faites partie, aujourd’hui de l’Unité de commandement et de soutien (Ucs). Qu’est-ce qui fait l’objet de votre déplacement vers nous, ce matin ?
Je viens vers vous pour faire part de ma désolation qui est celle de tous les militaires par rapport à ce qui se passe au sein de l’Armée ivoirienne.
Généralement, quand il s’agit de l’Armée, il est question de mutisme. Qu’est-ce qui peut bien expliquer votre sortie, au moment même où l’Etat de Côte d’Ivoire a décidé de payer des primes à 8400 soldats ?
L’Armée, c’est certes la discipline, force principale qui la caractérise, mais convenez avec moi que la discipline c’est à tous les niveaux. S’il y a un côté qui est favorisé et un autre défavorisé, vous comprenez que la discipline va disparaître pour faire place à l’indiscipline.
Depuis quand est-ce que cette indiscipline a commencé à être observée au sein de l’Armée ? Maintenant ou depuis 2002 ?
Je peux dire que cela a été observé à partir de 2003, pendant la crise politico-militaire. En ce temps-là, des jeunes avaient été recrutés par le pouvoir.
Vous voulez dire que l’Armée était divisée en 2003 ?
En 2003 la division avait déjà commencé à s’installer. D’autant plus que certains militaires se retrouvaient avec la rébellion et d’autres avec les forces restées fidèles au régime d’alors. Toute chose qui entraînait une certaine méfiance au sein de la grande muette.
Pensez-vous qu’à cette période le chef d’état-major était très fort ?
Bien sûr. Le général Doué Mathias, puis le général Philippe Mangou ne tardaient pas à sanctionner, voire radier tous les indisciplinés. Evidemment, cette rigueur a permis aux nouvelles recrues et à l’ensemble des militaires de demeurer droits.
Est-ce à dire que l’indiscipline s’est installée sous l’actuel pouvoir?
Affirmatif, le désordre dans l’Armée s’est véritablement accentué avec le pouvoir actuel. Avec à la clef, un favoritisme au sein de la troupe. Les 8400 agents de défense et de sécurité sont nettement plus favorisés que le reste des militaires. Ce sont eux qui ont revendiqué des galons et de l’argent en 2014 et amené le chef de l’Etat à les recevoir au Palais présidentiel. Àpartir de cet instant, la rupture s’enracinait véritablement au sein de l’Armée. Pour nous, ils n’avaient pas une connaissance militaire. Car, un militaire mal formé est un danger pour la République. Faisant fi de cela, nous les avons formés aux notions de base qui fondent l’Armée. Malheureusement, rien ne va toujours pas.
Ne faites-vous pas partie des 8400 qui revendiquent ?
Non.
Au fait, quel est l’effectif de l’Armée à ce jour ?
L’Armée ivoirienne tourne autour de 34 000 hommes. Hormis les 8400 favorisés, il reste plus de 25 000 hommes laissés pour compte. Evidemment, cela crée en notre sein de la frustration. Surtout que nous sommes les formateurs de ces personnes qui foulent régulièrement aux pieds les règles de l’Armée.
À quel niveau se situe exactement votre frustration ?
Nous ne comprenons pas que des galons et de l’argent soient distribués à certains, pendant que la grande majorité de militaires est laissée pour compte. Que le pouvoir ait le courage de nous mettre à la retraite, s’il pense que nous sommes inutiles, pour ne pas bénéficier des mêmes avantages que les 8400.
Est-ce le début d’une autre grogne ?
Oui, en effet. Je le confirme en tant qu’ancien militaire avec plus de 17 années de service. Aujourd’hui, rendez vous à la police et vous constaterez les informations que nos amis les policiers nous ont données. Idem à la gendarmerie où, il revient que les messages entendus ne sont pas rassurants. Les anciens militaires refusent de travailler jusqu’à nouvel ordre. Nous n’allons certes pas prendre les armes, mais nous avons notre manière à nous de nous faire entendre.
Le chef suprême de l’Armée a indiqué que ce n’est pas une bonne manière pour revendiquer ?
Je parie que le plus dur commence pour le gouvernement et surtout pour le nouveau ministre de la Défense qui n’y est pour rien.
Quelle est la solution que vous proposez en tant qu’ancien ?
Nous ne demandons pas forcément 12 millions Fcfa. Nous souhaitons seulement que nos chefs nous donnent des explications. Nous avons soif de savoir pourquoi certains d’entre nous ont 12 millions Fcfa.
Comptez-vous prendre les armes pour vous faire entendre si vous n’êtes pas écoutés ?
Non, on ne nous a pas enseignés cela.
Entretien réalisé par Sériba Koné
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