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[Côte d’Ivoire Interview-vérité] Dr Pascal Roy sans détour : ‘’Il faut sortir de l’impuissance angoissée et du volontarisme irréfléchi’’ #politique

‘’Attention : Notre pouvoir d’agir peut nous entraîner au-delà des concepts, nous disait Hans Jonas (1990, p. 43).’’

-‘’Je n’ai de collaboration politique ni morale ni professionnelle avec personne en Côte d’Ivoire’’

Après quelques mois de silence, le chroniqueur-éditorialiste et conseiller de la direction de https://crocinfos.net/, Dr Pascal Roy sort de sa réserve. Dans cette interview, une fois de plus, l’écrivain déballe sur tout ce qui se raconte en les quatre murs, sans faux fuyant.

Concrètement, qui est Docteur Pascal Roy dans toute sa dimension ?

Fils de Krindjabo, dans le département d’Aboisso, et membre du Royaume Sanwi, je me suis envolé pour la France, il y a une quinzaine d’années, afin de poursuivre des études universitaires de troisième cycle à Poitiers puis à Paris. Au terme de deux cursus doctoraux, je me révèle Philosophe et Juriste. Je suis également titulaire d’un Master II de Médiations dans les Organisations et diplômé de Sciences Politiques. Chercheur-Associé à l’Institut Catholique de Paris (France), Membre-Associé à la Société Française de Philosophie, Enseignant-Chercheur des Universités avec des interventions à l’Université Alassane Ouattara, à Versailles et au Centre de Formation de la Défense de Bourges (France), Coach politique, chroniqueur, analyste des Institutions, expert des droits de l’Homme, écrivain, je suis un historien du présent et un intellectuel libre, tenace, réaliste et fréquentable. Un intellectuel qui aime aller au sublime, c’est-à-dire à ce qui touche au détriment du beau qui se contente de charmer. Oui, toucher le cœur de l’existence. J’invite vos lecteurs à visiter mon site: www.docteurpascalroy.com.

Docteur, on vous dit tantôt proche du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, tantôt du ministre de la Sécurité Hamed Bakayaoko, tantôt du Premier ministre Amadou Gon, qu’en est-il exactement ?

Attention aux préjugés, car ainsi que le note Albert Einstein, il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome. La démocratie en termes d’institutions existe en Afrique ; en termes de pratique, elle est à améliorer et en termes d’esprit, cela fait défaut. C’est cette faillite d’esprit démocratique qui nourrit les préjugés, les rumeurs et des méfiances ridicules. Je ne suis militant et sympathisant d’aucun parti politique en Côte d’Ivoire. Je ne suis pas un politicien. Je suis un politiste, un technicien de la politique et à ce titre, j’ai des rapports directs et indirects techniques et humains avec plusieurs magnats politiques des leaders les plus emblématiques en Côte d’Ivoire, de l’opposition comme des partis alliés au pouvoir. Cela dit, je n’ai de collaboration politique ni morale ni professionnelle avec personne en Côte d’Ivoire. Je ne peux nier des offres de service que je reçois régulièrement de toutes parts depuis 2010 et de façon plus soutenue et de premier plan depuis 2015, mais qui restent pour moi des causeries de café car non structurées et pas structurantes. Les gens fonctionnent encore à l’ancienne et il leur faut de réels efforts pour épouser les réalités de la politique moderne. Je suis un intellectuel moderne qui s’épanouit modestement dans son métier. Je n’ai pas l’âme d’un rentier. Ceux qui nous redoutent intellectuellement ont sans doute compris trop tôt que Demain ne se fera pas sans notre part de brique.

Avez-vous fait votre choix pour 2020 ?

Je suis un intellectuel libre, lucide, certes fréquentable mais pas un suiviste, pas un suiveur d’appétits de Léviathan. Je ne suis pas homme à saupoudrer des listes de soutien à des gens qui eux-mêmes n’ont pas de lisibilité dans leur propre regard et dont le réel projet de société et la seule vision sont écrits avec des combinaisons de l’alphabet des contingences. Ce qui m’importe ce ne sont pas les leaders en tant qu’individus ; ce qui m’importe ce sont les idées, les visions et les équipes qui se proposent de les conduire et pour l’instant je ne vois rien. Et donc pour 2020, je ne suis avec personne et contre personne.  Je suis avec la Côte d’Ivoire et contre les traîtres de la démocratie et de la gouvernance publique.

C’est-à-dire ?

Martin Heidegger suggère, comme le préconisaient les stoïciens, « qu’il faut d’abord se changer soi-même avant de vouloir changer le monde ».

Je préfère la politique de l’océan pour sa profondeur et sa froideur qui inspirent le réalisme et la lucidité à celle de la rive qui est facilement inondable. Je ne suis pas exceptionnellement attiré par la moulinette de la politique ivoirienne. Je suis un homme de sens et non de vue. Je suis un être de métier et pas un homme d’aventures aventureuses. C’est pourquoi, je préfère jeûner avec les aigles que de manger avec les pourceaux. La Côte d’Ivoire c’est mon pays originel et quand les conditions de météorologie politique seront réunies, je n’hésiterai pas à la servir au plus haut sommet, avec raison, responsabilité et dans la dignité. Je le ferai dans la clarté du Temps et ça ne saurait tarder d’ailleurs (rires) ; mais pas avec émotion, pas dans la passion, les compromissions irrationnelles et dans l’appât démesuré des biens précaires de ce monde fou et des billets sales de sang et de corruption. Je suis quelqu’un qui est fidèle à un ensemble politique et social démocratique mais qui ne cesse jamais de le contester, chaque fois que c’est nécessaire dans une perspective de correction et d’amélioration, dans cette trame des zigzags du cheminement humain vers le bonheur des peuples et des nations.

Vous êtes l’auteur de la biographie humanitaire de Dominique Ouattara, seriez-vous donc prêt à soutenir une candidature du Président Alassane Ouattara en 2020 ?

Madame Dominique Ouattara, cette Vaillante Dame, au-delà de toutes supputations sorties du champ socio-humanitaire, a un cœur délicieux et radicalement tourné vers autrui dont le souci cimente la pensée. L’occasion d’œuvrer à parfaire l’existence des autres ne lui échappe point. Je profite de votre espace pour la féliciter pour l’une des réalisations les plus emblématiques, de sa Fondation Children Of Africa qui a 20 ans cette année, de ces dernières années, la construction de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville qui sera inauguré en mars prochain. Je ne la vois pas tous les jours, mais je lui voue des égards républicains et filiaux. Je la sais très intelligente et je ne doute pas qu’elle ait très vite compris, dans les intermèdes de nos différentes rencontres, que je suis à sa disposition intellectuelle dans l’horizon du raisonnable et du faisable, tout en restant fidèle à la stricte discipline de ma liberté intellectuelle et de mon amour pour la Côte d’Ivoire. Concernant l’éventualité d’une candidature de monsieur Alassane Ouattara en 2020, je dirai simplement que je ne me prononce que sur ce qui est. Je discute des pensées et non des arrière-pensées, des rumeurs et préjugés. Je lui souhaite simplement de savoir faire le choix qui renforce la démocratie en Côte d’Ivoire et qui le préserve d’une sortie tumultueuse de l’histoire. Apprenons à regarder les choses, les faits et les événements avec nos propres yeux et à les éprouver avec notre propre sensibilité. Dieu ne joue pas aux dés. Comme le dit si bien Einstein, nous aurons le destin que nous aurons mérité.

Nous sommes en Janvier 2018, quels sont vos vœux et messages pour la Côte d’Ivoire ?

On est dans une société qui secrète de plus en plus l’inconsidération et la banalisation de la chose publique, la reléguant même au rang de tabernacle de jeux cyniques et de convoitises déshumanisantes. Même de simples problèmes de voisinage sont réglés à l’arme lourde, à certains endroits du pays. En Côte d’Ivoire, pour ne plus sentir l’horrible fardeau du temps qui brise nos épaules et nous penche vers le bas, il faut nous enivrer sans trêve. Mais de quoi?

« Je suis avec la Côte d’Ivoire et contre les traîtres de la démocratie et de la gouvernance publique.»

Nous vous renvoyons la question…

De vigilance, de discernement et de responsabilité rigoureuse. Et si quelquefois, sur les marches du quotidien, sur l’herbe verte d’un fossé, nous nous réveillons, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandons au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandons quelle heure il est. Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, nous répondront, il est l’heure de s’enivrer ; Pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps de notre existence, enivrons-nous, enivrons-nous sans cesse de vigilance vertueuse, de discernement angélique et de responsabilité rigoureuse.

Soyez plus explicite Docteur…

En Côte d’Ivoire, il y a une défaite du débat politique et la disparition de la confrontation programmatique au profit du combat idéologique, des joutes partisanes, des violences verbales voire physiques et des nausées politiques, particulièrement numériques. Les talents, les mérites et les valeurs ne compétissent plus. Seuls ce qu’il y a de plus nul, ce qu’il y a de plus cruel et ce qu’il y a de plus laid en nous rivalisent. Trop de politiciens médiocres et de personnages publics inutiles en Côte d’Ivoire ! Il y a également une certaine Côte d’Ivoire silencieuse, passive, indifférente, qui ne pense pas, qui ne s’exprime pas, qui n’agit pas…, certainement parce qu’elle n’a pas confiance à la fiabilité démocratique des institutions étatiques et aux porteurs des destinées collectives. Individuellement et collectivement, nous devons œuvrer pour que les choses changent.

Quel sens ou vision donnez-vous à la politique ?

La politique ne peut rimer ni avec l’impuissance angoissée ni avec le volontarisme irréfléchi. Il faut de la clairvoyance, de la vision, du talent, une équipe fertile et cela nécessite de la formation. On ne réussit rien de durable et d’historique avec des collaborateurs stériles ou qui s’agitent dans la mangrove. Il faut une équipe qui sait s’inciter constamment à penser, à travailler et à chercher. Ce qui suppose le savoir de ce qui est en question, au-delà du factuel et dans la saisie de l’essence des choses.

La politique comme une œuvre qui rassemble et construit suppose un autre rapport à la parole, la parole nous confiant la pensée comme une fiancée, dans la mesure où la parole est sa maison et son agir doit prendre de la hauteur et se vêtir de grandeur.

Selon vous, sur quoi la politique se fonde-t-elle?

La politique se fonde alors essentiellement sur le refus de considérer autrui et le monde comme des objets manipulables, comme des moyens adaptés à des fins au sein d’une totalité close où dominent le principe de plaisir, la nuisance, le profit et la volonté de puissance. Ce refus avait été formulé par Emmanuel Kant, dans les Fondements de la métaphysique des mœurs,  de la manière suivante : « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais comme moyen ». Il a été repris sous une autre forme par Emmanuel Levinas dans la thématique de la vulnérabilité du visage du prochain comme présence de l’infini dans le fini et par Hans Jonas, dans Le Principe Responsabilité, qui considère que nous avons des devoirs moraux et politiques envers la nature et envers les générations futures : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ». Être responsable, c’est accepter d’être « pris en otage » par ce qu’il y a de plus fragile et de plus menacé.

À vous suivre, la Côte d’Ivoire politique à du chemin à faire et des étapes à franchir…

”Le temps est venu de tourner les vieilles pages déshonorantes pour ouvrir les pages d’un nouveau sentiment ivoirien, celui de la fierté commune et des espoirs constructifs”.

Notre pays doit se donner le courage et la puissance morale pour solder tous les contentieux judiciaires feutrés politiquement et militairement. On ne construit pas la démocratie avec une justice d’artifices. Ce n’est pas seulement une question d’injonctions politiques, c’est surtout un problème de crédibilité morale et du serment judiciaire. Le temps est venu de tourner les vieilles pages déshonorantes pour ouvrir les pages d’un nouveau sentiment ivoirien, celui de la fierté commune et des espoirs constructifs. Disposons-nous à la tolérance, au respect de la chose publique, à la bienveillance socio-politique et aux vertus morales et démocratiques ! La société civile et l’opposition politique doivent sortir de l’impuissance angoissée pour jouer leur rôle dans l’intérêt de la démocratie et de sa vivacité. Et les pouvoirs publics doivent infléchir le volontarisme irréfléchi pour discipliner la gouvernance de l’Etat, pour plus d’efficacité.

Quelle est votre vœu véritable pour 2018 ?

Quelle que soit la faiblesse de la parole face à la contrainte des choses et face à la poussée des intérêts, elle peut néanmoins contribuer à ce que cette conscience franchisse le pas de la crainte vers la responsabilité pour l’avenir menacé et que nous devenions ainsi un peu plus disponibles pour ce que la cause de l’humanité exigera de nous avec une urgence croissante, ainsi que le note Hans Jonas.

« Notre pays doit se donner le courage et la puissance morale pour solder tous les contentieux judiciaires feutrés politiquement et militairement.»

Martin Heidegger suggère, comme le préconisaient les stoïciens, « qu’il faut d’abord se changer soi-même avant de vouloir changer le monde ». Tel est mon vœu pour les ivoiriens et la Côte d’Ivoire que je revisite une fois encore, en ce début d’année 2018 qui lance véritablement les dés pour les échéances politiques de 2020 ! Nous rentrons dans l’horizon du réalisme politique et ceux qui ne le comprendront pas, subiront le chagrin de la météo politique ! Passons des peuples au Peuple ! À travers ce texte, j’invite au débat en 2018. Il nous faut nous éloigner des consensus faciles sur un processus idéal et de réussite de la démocratie, de la politique, de la gouvernance et de la réconciliation de tous comme des oppositions durcies caricaturant leur mise en activité. Débattre  reste bien une des voies d’avenir pour le XXIe siècle. Soyons au rendez-vous, nous tous, citoyens ivoiriens, pour appuyer et booster le processus de réconciliation, de la bonne gouvernance et de la démocratie en 2018. Des amis de la Côte d’Ivoire et des experts extérieurs peuvent contribuer à ce débat décisif du destin ivoirien, mais qu’ils aient la lucide intelligence de ne pas prétendre l’orienter et l’acter à notre place. Ce serait alors défaisant et défaisable. Certaines personnes gagneraient à se taire et elles seraient peut-être supportables. Honoré de Balzac pourrait les instruire : « La bêtise humaine a deux manières d’être : elle se tait ou elle parle. La bêtise muette est supportable ». Si cette sagesse continue à leur manquer, alors nous serons dans la ferme et foudroyante obligation intellectuelle de les faire taire avec fracas. Nous aimons, comme tous et toutes, la Côte d’Ivoire parce qu’elle est notre bien commun et nous y avons de gros linges que nous ne pourrons jamais plier pour l’exil ; nos ancêtres y demeurent et les ancêtres, on ne les déplace pas, on les vénère. C’est pourquoi, nous serons toujours plus rigoureux que ceux et celles qui ont un rapport d’adoption virtuelle et / ou de commerce juteux avec la Côte d’Ivoire. L’avenir de la Côte d’Ivoire ne s’écrira pas sans nos lettres, nos paroles, notre voix et nos actions. Forgeons-nous le tissu d’êtres de raison, d’âmes réalistes et de citoyens lucides et fréquentables dans la vérité ! Personne ne doit être continuellement ni un OUIste ni un NONiste !

Interview réalisée par Sériba Koné à Abidjan

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