Site icon Crocinfos

[Côte d’Ivoire] Paresse généralisée et vente de terres, une situation alarmante

A titre d'illustration

Abidjan, Côte d’Ivoire, le 20-6-2024 (crocinfos.net)—On est devenu sérieusement paresseux dans ce pays. Et cela ne semble gêner personne.

Au Nord et au Grand Ouest, les gens bradent leurs terres contre rien. Les villageois sont assis au village et vivent de ce que leur donnent les gens à qui ils ont confié leurs terres, généralement des non Nationaux. Dans un village du Nord où je suis passé, le plus grand planteur local ivoirien du village possédait un champ de 4 hectares. Le plus grand planteur non National possédait, lui, un champ de 200 hectares. Ce sont 15 villageois qui lui ont cédé leurs terres. Celui-ci leur remet 100 ou 200 mille par année de récolte. Pendant ce temps, ils sont au village à causer toute la journée pendant que les autres dorment au champ.

Chez les frères du Grand Ouest et maintenant du Centre, on vend les terres à vil prix pour organiser…. des funérailles. Il faut que leurs parents qui ont vécu toute leur vie dans la misère, partent dignement dans l’eau-delà, à leur mort. En français facile, cela veut dire qu’il faut que les vivants mangent abondamment et s’enivrent en excès devant le beau cercueil du défunt pour que Dieu autorise qu’il soit éligible au Paradis. Donc on vend des hectares, 1, 2, 30, 50, à des prix d’un loyer mensuel de Yopougon Sicogi pour organiser les obsèques.

Lorsqu’ils confient leurs terres aux éleveurs ou aux agriculteurs non Nationaux, les propriétaires les harcèlent tous les jours pour avoir 1.000 frs ou 2.500 frs pour acheter le repas du jour ou de l’alcool, au lieu de mettre en valeur leurs terres eux-mêmes.

Au village, les jeunes traînent dans les rues. Ils ne vont plus au champ. Ils jouent à la loterie, au damier, au Ludo, décortiquent les buzz sur Facebook, boivent de méchants alcools et fument ou ingurgitent dans leur sang ou dans leurs gorges de la drogue.

Dans un village du Centre de la Côte d’Ivoire, les enfants mineurs ne vont plus au champ pour aider leurs parents aux travaux. On dit qu’il y a des services spéciaux du Gouvernement qui mettent ces parents en prison. Si jusqu’à leur majorité administrative et juridique les enfants ne doivent pas aller au champ, comment transmet-on les valeurs de travail et d’effort aux enfants, comment inculque-t-on l’amour de la terre à des jeunes dans un pays de tradition séculaire agricole ?

Vincent Toh Bi Irié

J’ai un ami Secrétaire Général d’une grosse structure para publique qui m’a demandé il y a quelque temps d’aller raisonner les membres de son village, qui lui demandaient de les payer avant qu’ils aillent nettoyer la cour de leur école et de leur Centre de Santé, pour lesquels il avait acheté du matériel de salubrité.

Par ces temps de pluie, les plantations sont envahies par des agoutis qui ravagent des hectares de jeunes plantes qu’ils affectionnent. Une meute d’agoutis. Il n’y a personne au village pour aider à capturer ces rongeurs très demandés, qui coutent au bas mot 20.000 frs l’unité sur le marché. Et pourtant, il n’y a presque pas de viande dans les sauces du village. Là-bas, on ne mange la viande que pendant les funérailles, Paquinou et le 1er Janvier.

Pareillement, il n’y a plus de main d’œuvre au village pour entretenir les plantations. Les jeunes viennent au champ une seule journée, bâclent le travail, récupèrent leur dû, vont s’enivrer au village et ne reviennent plus le lendemain malgré le prix fort payé. La plupart des plantations sont en total déficit de main d’œuvre, malgré l’offre.

Quand ils s’ennuient au village, les jeunes se déportent sur les routes nationales, les barrent, comblent deux ou trois petits trous avec du sable et harcèlent les automobilistes pour le paiement d’une taxe imaginaire. Une seule journée au champ leur permettrait d’avoir 10 fois ce qu’ils obtiennent dans ces rackets, mais les travaux champêtres sont trop difficiles pour eux.

De toutes les façons, ils auront de l’argent facile un jour ou l’autre. Car les politiciens qui viennent au village tous les week-ends jettent des millions faciles sur lesquels les jeunes se battent.

Pourquoi donc aller s’épuiser inutilement au champ ? D’ailleurs, au village, on ne cotise plus pour rien comme avant. Les politiciens paient tout. L’effort est donc anesthésié.

‘’En Côte d’Ivoire, la plus grande industrie qui occupe l’intérêt de la majorité des Ivoiriens, c’est l’industrie de la distraction.’’

En ville, il y a des jeunes qui affichent eux aussi de dangereux comportements de paresse. Ils ne font aucun effort. Tout baigne dans la facilité. J’ai dit à un jeune qui me demandait comment on fait pour avoir une consultation aux Nations-Unies d’aller tous les jours consulter les avis de vacances de postes sur les tableaux des agences des Nations-Unies. Le jeune m’a dit avec un sérieux perturbateur de le faire, moi, et de l’informer quand je serai au courant d’un avis de vacance de poste.

J’ai recommandé des jeunes diplômés pour des stages à des amis du privé. Au bout d’une semaine, certains d’entre eux ont été renvoyés. Ils venaient en retard, s’absentaient sans raison ou étaient distraits et sans rendement au travail.

Des jeunes se défendent en disant que c’est parce que nous les vieux, nous n’avons pas donné le bon exemple. Ils ont peut-être raison parce qu’il y a beaucoup de vieux yéyés maintenant parmi nous. Mais est-ce parce que nous ne vous avons pas donné le bon exemple que vous devez détruire votre avenir et celui de votre descendance ?

Quelle est cette génération d’extrême facilité ?

Tout le monde cherche l’argent, la gloire et la célébrité sur les réseaux sociaux. Tout le monde est en quête de likes et de vues.

L’effort intellectuel et l’effort physique ne font plus partie du langage d’une partie de la jeunesse inconsciente.

En Côte d’Ivoire, la plus grande industrie qui occupe l’intérêt de la majorité des Ivoiriens, c’est l’industrie de la distraction.

Cela rend tellement triste de voir les pitreries, les comédies à deux balles sur les réseaux sociaux. Le plus inquiétant, c’est que la Côte d’Ivoire est en train de contaminer tous les pays de la sous-région.

Très peu de voix s’élèvent dans le domaine public et officiel pour s’inquiéter de cette dérive de paresse sans précédent.

La Grande Civilisation Romaine a abordé son déclin quand les jeunes femmes et les jeunes hommes ont commencé à rêver de gloire, tout en passant de longues journées dans les orgies, les fêtes, les partouzes, les saunas. Tout s’est effondré quand le peuple a commencé à tricher avec les valeurs qui ont bâti l’Empire…

Par Vincent Toh Bi Irié

 

Quitter la version mobile