Abidjan, le 15 novembre 2024 (crocinfos.net) – Dans le cadre de la prochaine loi de finances prévue en janvier 2025, la Côte d’Ivoire introduit une hausse significative des taxes sur les produits du tabac. Cette réforme, qui vise à augmenter le prix moyen d’un paquet de cigarettes de 1 500 à 2 000 FCFA et à rehausser la taxe fiscale de 49 % à 70 %, suscite de vives réactions de la part des industriels du tabac. Cependant, le Réseau des ONG Actives pour le Contrôle du Tabac en Côte d’Ivoire (ROCTA-CI) salue cette initiative, et voit une mesure décisive pour la santé publique.
Selon le ROCTA-CI, cette réforme, alignée sur les recommandations de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, vise à dissuader la consommation de tabac, notamment chez les jeunes, tout en augmentant les recettes fiscales. Les industriels, quant à eux, expriment leurs inquiétudes quant aux conséquences économiques potentielles, craignant une “instabilité du marché” et une perte d’emplois massive.
Une opposition des industriels du tabac à des fins commerciales
Des articles de presse, appuyés par des porte-paroles de l’industrie, dénoncent la réforme en affirmant qu’elle voudrait de la Côte d’Ivoire l’un des pays où le prix du tabac est le plus élevé d’Afrique de l’industrie. ‘Ouest. Ils prédisent également un impact économique considérable, allant jusqu’à une perte d’emplois dans le secteur. Ces publications, selon le ROCTA-CI, représentent une tentative évidente de la part des industriels pour maintenir leur influence sur le marché ivoirien et éviter toute diminution de leurs profits.
Le ROCTA-CI, regroupant des associations comme la COMTAT-CI et l’AFJ-CI, réfute vigoureusement ces analyses, dénonçant une forme de promotion implicite du tabac. Les ONG rappellent les effets néfastes du tabac sur la santé publique, soulignant que la lutte antitabac est une priorité nationale pour la Côte d’Ivoire depuis sa ratification de la Convention-cadre de l’OMS en 2010.
Cette réforme fiscale s’inscrit dans la lignée des engagements pris par le président Alassane Ouattara et son gouvernement pour protéger la santé publique. Le Premier ministre Beugré Mambé a affirmé que ces réformes contribuent directement aux objectifs de la loi ivoirienne de 2019 sur la lutte antitabac. Par ailleurs, l’OMS a démontré que l’augmentation des taxes sur le tabac est l’une des méthodes les plus efficaces pour permettre de réduire sa consommation, en particulier parmi les jeunes, tout en à l’État de générer des recettes supplémentaires pour financeur des programmes de santé publique.
Le ministre des Sports et du Cadre de Vie, également impliqué dans cette réforme, estime que l’amélioration de la fiscalité sur le tabac répond à une double exigence : celle de protéger la jeunesse ivoirienne des dangers du tabac et celle de garantir un financement solide des initiatives de santé publique.
Selon un récent rapport de CNEWS, la Côte d’Ivoire fait actuellement partie des pays où le prix des cigarettes est parmi les plus bas au monde, avec un prix moyen de 744 FCFA pour un paquet, soit 89 % de moins qu’en France. . Cette réforme pourrait, à terme, aligner davantage la fiscalité ivoirienne sur celle de pays comme le Ghana et le Sénégal, qui ont également adopté des mesures strictes pour limiter l’accès aux produits du tabac. Le Sénégal, par exemple, impose une taxe d’accise de 65 %, tandis que le Ghana atteint 175 %.
La crainte d’un trafic transfrontalier démentie par les ONG
Certains opposants, notamment des industriels, avancent que cette augmentation de taxe pourrait renforcer le trafic transfrontalier de tabac, alimentant potentiellement des réseaux criminels et terroristes dans la région. Néanmoins, le ROCTA-CI et d’autres ONG rappellent que la Côte d’Ivoire a déjà pris des mesures pour lutter contre ce risque, en instaurant un système de suivi et de traçabilité des produits du tabac par le décret n°2022-76. juin 2022.
La Côte d’Ivoire est également signataire du protocole sur l’élimination du commerce illicite des produits du tabac depuis 2016, confirmant son engagement à prévenir l’utilisation de son territoire pour des activités de contrebande. Le gouvernement ivoirien se veut donc vigilant face aux réseaux transfrontaliers et adopte des dispositifs adaptés pour éviter que le pays ne devienne un point stratégique pour les trafics illégaux.
Les défenseurs de cette réforme citent également le modèle de la France, qui a multiplié le prix des cigarettes au cours des deux dernières décennies pour atteindre près de 12 euros par paquet, contre seulement 3 euros en 2000. Ce modèle de santé publique démontre que l’augmentation des prix par la fiscalité est un moyen éprouvé pour réduire le nombre de fumeurs dans un pays.
Bien que certains effets économiques temporaires soient possibles, le gouvernement ivoirien, soutenu par le ROCTA-CI, estime que le bénéfice à long terme en termes de santé publique est bien supérieur aux inconvénients. En Côte d’Ivoire, plus de 9 000 décès annuels sont attribuables au tabac, et le coût des soins pour les patients souffrant de maladies liées au tabac s’élève à près de 28 milliards de FCFA chaque année.
Un engagement pour sauver la jeunesse ivoirienne
En Côte d’Ivoire, la consommation de tabac gagne du terrain chez les jeunes, influencée par des produits nouveaux tels que les chichas et les cigarettes électroniques. Pour le gouvernement, cette réforme représente une réponse nécessaire à un fléau qui prend de l’ampleur, et l’augmentation des impôts constitue un levier essentiel pour protéger les générations futures. Cette réforme devrait ainsi contribuer à réduire la consommation globale de tabac dans le pays, mais aussi à affaiblir l’influence de l’industrie du tabac.
Loin d’être une menace pour la stabilité économique et sociale, cette réforme fiscale s’inscrit dans un plan d’action mondial qui inclut l’éducation, la prévention et la réglementation des produits du tabac. Pour les autorités ivoiriennes, il ne s’agit pas seulement de renforcer les recettes fiscales, mais aussi de mettre un frein aux maladies et aux décès causés par le tabac.
En somme, cette réforme est perçue par les acteurs de la société civile comme une avancée cruciale pour la santé publique en Côte d’Ivoire, et comme un acte de responsabilité vis-à-vis de la jeunesse. Le ROCTA-CI espère que ce message sera compris par l’ensemble des acteurs économiques, qui pourront alors soutenir la mise en place de ces mesures salutaires pour les populations ivoiriennes.
Serges Mignon