[Côte d’Ivoire/Relèvement du prix du cacao] Des producteurs attendent toujours que leur situation soit davantage revalorisée par l’Etat
La grande campagne commerciale du Café et Cacao a démarré début octobre avec en ligne de mire, le relèvement du prix bord champ de ces deux produits phares de l’économie ivoirienne. Le gouvernement ivoirien a fixé notamment pour le prix du cacao à 1800 F/ Kg. Une nouvelle qui ravit certains des acteurs de la filière. À la vérité, les réactions de plusieurs producteurs et coopératives agricoles sont mitigées face à ces nouveaux prix fixés.
En effet, si cette nouvelle réjouit une frange de producteurs qui a manifesté sa joie à travers l’organisation d’une journée d’hommage au Président de la République SEM Alassane Ouattara le mois dernier à Yamoussoukro, pour ses actions en faveur des producteurs du Café-cacao de Côte d’Ivoire, ce sentiment n’est pas partagé par l’ensemble des producteurs.
Certains membres des syndicats et coopératives de la filière, restés sur leur faim, grincent les dents parce qu’ils estiment que le producteur du binôme café-cacao mérite mieux que ce qu’on lui propose.
C’est le cas de la Société Coopérative Simplifiée Élite Coopérative Agricole de Blolequin (SCOOPS ECAB) qui est une grande faîtière regroupant plusieurs associations de coopérative. Son combat est guidé par l’amélioration des conditions de vie et de travail des producteurs membres de cette faîtière.
Par la voix de sa comptable Mme Houngue Affia Cécile Épouse Kouakou, cette faîtière dit ne pas être satisfaite du traitement non seulement des producteurs membres de cette association mais de l’ensemble de tous les producteurs de Côte d’Ivoire qui constituent un véritable poids de l’économie ivoirienne.
« Les producteurs de café-cacao en Côte d’Ivoire ne méritent pas qu’on leur fasse ce traitement. C’est une injustice que je décrie ici. Je suis ahurie de voir que des prétendus producteurs jubilent et manifestent leur joie parce qu’il y a eu un relèvement du prix bord champ du cacao pour la grande campagne. Que vaut ce pri devant les grands sacrifices que font les producteurs de cacao et café pour que l’économie ivoirienne tienne sur ses pieds ? Le prix de 1800F/kg n’est vraiment rien comparativement aux prix fixés chez nos voisins africains pour ces mêmes produits. Nous voulons que ces prix soient relevés davantage parce que les producteurs ivoiriens ne méritent pas ce mauvais traitement. C’est une injustice qu’il faut vite réparer. Les vrais producteurs ivoiriens savent que ces prix pratiqués en ce moment ne sont pas à la hauteur de ce que pèsent le cacao et le café dans l’économie ivoirienne », a-t-elle déclaré avec véhémence.
Soulignons que la Côte d’Ivoire dont la production pèse 45% de la production mondiale, a décidé d’homologuer le prix bord-champ à 1800F/Kg, là où les autres pays africains producteurs de cacao ont relevé leurs prix.
En 2023, le prix du kilogramme était de 1000F/Kg.
Après une bataille menée par les acteurs de la filière, le prix bord-champ lors de la campagne intermédiaire est passé à 1500F/Kg. Au moment où les producteurs et tous les acteurs de la filière s’attendaient à une forte hausse du prix du cacao en cette période de grande campagne de commercialisation, le Ministre de l’Agriculture, du Développement rural et des productions vivrières, Kobenan Kouassi Adjoumani a annoncé lors des journées nationales du Cacao, le relèvement du prix bord-champ du cacao à 1800F/kg soit une hausse de 45%.
« Une hausse historique dans la vie du cacao ivoirien, mais qui semble toujours insuffisant », a soutenu Mme Houngue Affia Cécile.
Pour rappel, cette sortie de la comptable de SCOOPS-ECAB fait suite à la colère du Syndicat National pour la Revalorisation des Planteurs de Côte d’Ivoire (SYNAREP-CI) dont les membres et plusieurs centaines de producteurs venus d’horizons divers, avaient organisé en Avril dernier (Koaci, 29/04/2024) des manifestations à Chiepo, dans le département de Divo. C’était sur invitation de son secrétaire général M. Valentin Koulahi Mangni.
En effet, de commun accord avec ses pairs planteurs, le secrétaire et ces derniers avaient menacé de brûler leur cacao si le prix n’était pas fixé au-dessus de 3000 FCFA/Kg.
Et cela, au vu de la flambée des prix de ces produits sur le marché mondial où les États-Unis gagnent en ce moment 10.000 dollars par tonne.
Ils avaient interpellé, à travers un message fort, le Chef d’Etat ivoirien, en lui demandant d’écouter leurs cris de détresse et de relever les prix du cacao et du café en tenant compte des prix pratiqués chez les voisins camerounais(5200F/Kg), Tchadiens(3000/kg), Guinée, etc.
Ce cri de cœur du syndicat avait été également repris par le Député Pascal Affi N’guessan qui avait adressé un courrier au Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire en Mai dernier et publié par des médias (Monde Afrique du 03 mai 2024).
Dans son courrier, l’ex-Premier ministre de Côte d’Ivoire compatissait à la souffrance des planteurs notamment ceux exerçant dans le cacao et le café, mais il y dénonçait la mauvaise gestion de la filière par le Conseil Café-cacao mis en place par l’État de Côte d’Ivoire. Non sans relever les gros scandales qui éclaboussent les anciens dirigeants du Conseil.
Des scandales qui selon lui, n’ont jamais fait l’objet d’enquête, ni d’audit. Pour terminer, le Président du FPI avait demandé au gouvernement de Côte d’Ivoire de rendre aux planteurs de Côte d’Ivoire leur dignité, en relevant les prix bords champs du cacao et du café pour le bonheur des acteurs de la filière.
Récemment, suite à une journée d’hommage à Alassane Ouattara tenue à Yamoussoukro en août dernier, des acteurs de la filière avaient donné leurs avis (Le Monde-AFP du 1 Octobre 2024) :
« Le prix n’a pas été ce que nous, les planteurs, nous avons voulu. On s’attendait à 2 000 francs (3 euros), car aujourd’hui, la vie est chère », avait déploré Kouadio Gadou N’Da, producteur à Yamoussoukro.
Quant à monsieur Thibaut Yoro, SG et porte-parole de la Centrale Syndicale agricole de Côte d’Ivoire, il dira « On est satisfait, mais c’est une satisfaction mitigée. Le prix du cacao a été décidé au même niveau que le Ghana pour ne pas brouiller les relations avec le pays voisin. Ce n’est pas une question de chiffres, mais de conditions de travail, et on peut ajouter de vie », a-t-il indiqué.
Y. K
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