[Côte d’Ivoire Société immobilière] Des souscripteurs s’insurgent contre l’augmentation des prix des logements par la société Batim-CI

[Côte d’Ivoire Société immobilière] Des souscripteurs s’insurgent contre l’augmentation des prix des logements par la société Batim-CI

-Un contrat avec des zones d’ombre

Un collectif de souscripteurs à deux projets immobiliers dénommés, Résidences Palmyre de Cocody-Angré et de Grand-Bassam,  initiés par la société immobilière, Batim-CI, dénoncent l’augmentation abusive et injuste du prix initial indiqué dans le contrat de réservation des résidences.

Des panneaux publicitaires qui ne laissent personne indifférent, des maisons témoins qui allèchent plus d’un. Derrière ce décor qui fait rêver, les plaintes des acquéreurs s’accumulent. Les travaux sur les deux chantiers sont en berne, le matériel laissé sur place se rouille, les herbes ont envahi les espaces et l’augmentation des prix des logements par la société Batim-CI en rajoute à l’inquiétude de ses clients.

Le contrat de réservation 1

Tienfô Gérard (c’est son nom d’emprunt) fait partie des 385 souscripteurs aux projets initiés par Batim-CI dont le processus d’achat n’est pas encore arrivé à son terme. Cependant, il dénonce le réajustement du prix de sa réservation sur l’une des parcelles de l’opération Résidences Palmyre Cocody-Angré (duplex 4 pièces de 300 m2). Pour un montant initial de 57 176 000 FCFA à la signature de son contrat en février 2016, il ne lui reste qu’environ 2 millions FCFA à verser pour être propriétaire d’une maison que Batim-CI devrait lui livrer un an plus tard. Mais contre toute attente, par courrier du 7 février 2018,  Batim-CI revoit les coûts à la hausse, passant de 57176000 FCFA à 75 000 000 FCFA, soit un surcoût  de 18 904 000 FCFA.

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Kara Djanka, un autre souscripteur d’un pavillon de 5 pièces standing sur la route de Grand-Bassam, qui doit s’acquitter de 61 970 000 FCFA à la signature du contrat en 2016, doit, à ce jour,  verser la somme de  95 000 000 FCFA s’il veut accéder à sa résidence en construction, dont le délai de livraison est largement dépassé, alors qu’il a versé plus de ¾ du prix initial. Soit une hausse de 33 030 000 FCFA.

Ibrahim DIAG, un autre souscripteur, sur l’opération Palmyre Cocody,qui a respecté l’ échéancier convenu et obtenu son attestation de fin de paiement/réservation, a également reçu le courrier l’informant de l’augmentation projetée par BATIM-CI.

Si certains souscripteurs ont la chance de voir leur maison sortir de terre, ce n’est malheureusement pas le cas de beaucoup d’autres tel  Sounkalo Issa  frappé par la même mesure alors que son terrain sur le projet de Grand-Bassam est toujours nu malgré le versement de plus des ¾ du montant initial.

Les plaintes des souscripteurs sont les mêmes et se résument toutes à la dénonciation  de l’augmentation du coût des logements, qui est passé de 25% à environ  53%, selon le type de standing choisi. « Nous avons pensé que Batim-CI allait nous faire un courrier d’interpellation pour nous informer de l’avancée des travaux afin que nous puissions solder le reliquat dans le temps indiqué dans chaque contrat, mais nous avons été désagréablement surpris », s’indignent les plaignants.

La part de vérité de la direction et des plaignants. Pour toute réponse, le directeur général adjoint, Lamine Sylla évoque ‘’les dernières évolutions de la conjoncture dans le secteur des bâtiments et des travaux publics.’’  Ce qui, selon lui, a amené Batim-CI à réviser les devis quantitatifs et estimatifs à partir desquels sont appréciés les coûts de productions des logements sans toutefois fournir les preuves.

Face au mutisme de la direction de Batim-CI (Rdv pris à leur siège le 16 mai 2018, à 15h30min et des appels sans réactions, ainsi que deux sms à la directrice commerciale, Mme Bailly Nadine les 16 et 23 mai), la rédaction s’en tient à la correspondance du 7 février 2018. Dans ce courrier, le DGA donne des explications à ces clients. «Ce réaménagement a été rendu nécessaire en raison des augmentations survenues au cours des dernières années sur les prix d’achat des matériaux de construction essentiels, notamment le fer à béton et le ciment», se justifie-t-il. Dans son explication, il s’appuie sur l’une des clauses du contrat qui stipule : « Le réservant se réserve expressément la possibilité( ce que le réservataire accepte dès à présent) de réajuster ultérieurement les prix ci-dessus indiqués en cas de variation des conditions économiques et fiscales de l’application de nouvelles dispositions fiscales, notamment de changement de taux de la TVA, d’augmentation des prix des matériaux de construction et de changement de parité ou de remaniement technique entre le CFA et l’Euro. »

Un fait qui ne date pas d’aujourd’hui. Le mercredi 20 décembre 2017, le site https://www.connectionivoirienne.net dénonçait cette augmentation avec ce titre: “Augmentation drastique” Opération immobilière Palmyre – Brouille entre Batim Côte-d’Ivoire et ses clients. À cette époque, Lamine Sylla et Bailly Nadine, respectivement directeur général adjoint et directrice commerciale ont confirmé que le courrier adressé aux acquéreurs est bel et bien de Batim-CI et expliqué au confrère les 5 raisons principales qui ont motivé cette augmentation inattendue.

Ils estimaient qu’au moment où ils obtenaient le permis de construire pour ce programme, ils  pouvaient se raccorder au réseau de l’eau qui part de Bonoua pour desservir Abidjan, qui passe à 500 mètres de leur site, une fois le chantier entamé.

Le matériel se rouille de jour en jour

Concernant l’électrification, la société envisageait de se connecter au réseau électrique de Grand-Bassam. Quant à l’assainissement et le drainage des eaux usées, le site serait entièrement viabilisé par l’État à travers l’Office national de l’Assainissement et du Drainage (Onad). À ces 4 raisons s’ajoute l’augmentation du coût du ciment et du fer que l’on retrouve dans le courrier de 2018.

Pour les plaignants, « aucune conjoncture dans le secteur du bâtiment et des travaux publics en Côte d’Ivoire ne permet de justifier une telle hausse. Les données du ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme ne soutiennent pas les prétentions de Batim-CI qui est d’ailleurs, à l’heure actuelle, la seule entreprise immobilière à se lancer dans une telle surenchère. Nous exigeons que les prix initiaux soient maintenus et que de nouvelles dates de livraison de nos maisons soient fixées et respectées».

Mieux, ils exigent de la société immobilière de se montrer ‘’digne’’ de la confiance placée en elle par les souscripteurs. « Par cette décision d’augmenter le prix initial des résidences de façon vertigineuse et abusive, Batim-CI écorne sérieusement sa réputation, et au-delà, celle des entreprises immobilières en Côte d’Ivoire », prédisent les souscripteurs.

De l’augmentation du prix du cimentLe 7 février 2018, le site d’information, Alerte Info révélait que le prix du paquet de ciment est passé de 4 500 à 5 000 FCFA, soit une hausse de 500 FCFA dans les magasins du district d’Abidjan.

L’opération de Grand-Bassam n’est pas en reste

En effet, sur le site : htttp://www.industrie.gouv.ci du ministère de l’Industrie et des Mines, les prix du ciment sortie-usine sont fixés entre 79 960 FCFA/tonne et 83 500 FCFA/tonne selon les cimentiers. Ces prix sont restés inchangés durant la période de raréfaction du ciment constaté au premier trimestre 2015. Ces prix sont restés les mêmes durant ces trois dernières années.

Quant au taux de la TVA, il n’a pas changé, ces dernières années en Côte d’Ivoire depuis 90(il est de 18%). Il n’y a pas eu non plus de changement de parité ou de remaniement technique entre le CFA et l’Euro (1 Euro égal à 655,96 FCFA).

L’avis de l’expert. Pour le spécialiste du droit des Affaires et de la négociation contractuelle, Fulbert Kassi Konan, le  contrat de réservation a  été ficelé et verrouillé dans son ensemble. « C’est un contrat qui a été rédigé dans des termes assez techniques qui, pour le profane, peut être source d’engagement contractuel ou d’engagement de sa responsabilité au-delà de certains niveaux, où il ne l’espérait pas », indique-t-il d’entrée de jeu.

À l’analyse, révèle-t-il, à la suite du contrat de réservation, un contrat de vente sera signé entre les parties.

« La vente n’est réalisée que lorsqu’il y a paiement total du prix. Ce qui fera du réservant, le propriétaire avec transfert de propriété, précisant, par ailleurs, en s’appuyant sur le contrat, le paiement de l’acompte initial (20 ou 30% du montant total) implique la signature du contrat de réservation. »

 « Le solde (80% ou 70%) est acquitté généralement selon l’échéancier convenu entre les parties (généralement sur une durée de  24 mois à compter de la date de réservation)», mentionne-t-il.

À l’en croire, sur les modalités du coût, l’article 1er traitant de la réservation, a un caractère contraignant « Le réservataire déclare irrévocablement réserver dans le programme immobilier (le nom des projets) ce qui est accepté par le réservant, le bien immobilier ci-après désigné (parcelle, type de villa, surface utile, numéro de lot et surface de terrain) ».

En effet, selon notre expert, en matière de vente, lorsqu’il y a accord sur l’objet et le prix, la vente est parfaite, mais en matière immobilière, le régime est différent. « Ici, il s’agit d’un contrat de réservation et non d’un contrat de vente. À l’alinéa 7, le même article premier stipule que ces prix ont été établis toutes taxes comprises fixées, aux conditions économiques et fiscales connues et publiées à ce jour et sont exprimés toutes taxes comprises à la partie fixe de 100 FCFA égal à 0,15245 Euros

Mieux, dans la clause de l’article 1er de l’alinéa 8, Batim-CI pose la faculté de la révision du prix et décline les hypothèses dans lesquelles cela est possible. « Dans les clauses énumérées, c’est l’achat du prix des matériaux de construction, notamment du béton et du fer, qui est mis en avant de cette modification du prix convenu. C’est très vicieux», fait remarquer M. Fulbert Kassi.

Dans ce contrat de réservation, dans l’article 1er de l’alinéa 1er, il est mentionné le caractère irrévocable de la réservation par le réservataire qui, peut-être n’a pas compris tous les  tenants et les aboutissants juridiques. Les souscripteurs sont face à un roc où ils ne peuvent plus se rétracter et la grogne monte.

Sériba Koné

kone.seriba67@gmail.com

Entretien pris dans l’Eléphant déchaîné

Lamine Sylla, DGA de Batim-CI : « C’est un contrat de réservation, il n’y a rien dedans»

Le directeur général adjoint de Batim-CI, dans cet entretien, tente de justifier, la hausse fulgurante du prix des logements des programmes Palmyre Cocody et Bassam.

Quelle est la nuance entre un contrat de réservation et contrat de vente?

Vous n’êtes propriétaire de rien du tout tant que vous n’avez pas signé un contrat de vente. Vous n’êtes que réservataire. Nous, on est prêts à vous rembourser ce que vous avez avancé, mais ne venez pas nous dire que, vous êtes propriétaires parce que pour l’instant, vous n’êtes pas propriétaire. Donc la grande nuance entre un contrat de réservation et un contrat de vente, c’est qu’avec le contrat de vente vous êtes propriétaire une fois que vous avez signé votre contrat de vente. Quand vous faites un contrat de réservation, ça veut dire que pour l’instant vous avez une intention d’achat, et le processus d’achat n’est pas encore arrivé à son terme. Sur ces 385 il n’y a pas un seul qui a un contrat de vente. Il n’y en a pas.

Les travaux d’assainissement sont-ils dans les clauses du contrat?

Oui, on parle de tout ce qui pourrait survenir et qui pourrait donc impacter le coût de la maison sans cibler nécessairement ces cas-là. Les cas sont tellement divers et nombreux qu’il serait illusoire de dire qu’on va les citer nommément. Ce qui fait que le contrat prévoit explicitement une clause de révision. Le contrat fait explicitement cas du changement de taux de la TVA, d’augmentation des prix des matériaux de construction et de changement de parité ou de remaniement technique entre le CFA et l’Euro. Ça, ce sont les cas qui sont expressément prévus par le contrat. Indépendamment de ça, d’autres cas peuvent survenir.

Mais les souscripteurs peuvent se dire que ces cas qui surviennent ne sont pas explicitement cités dans le contrat ?

Non, il y a des cas de force majeure. C’est parfaitement évoqué mais ils ont zappé ça; ça ils ne vous en parleront pas. Il y a des clauses qui prévoient tout autre élément pouvant impacter le coût de la maison. Ça aussi ils ne vous le diront pas. On défend un intérêt, donc on prend ce qu’on a bien envie de prendre, le reste on n’en parle pas.

Mais est-ce que c’est bien marqué dans le contrat aussi tout ça?

C’est un contrat de réservation. Ça tient en quoi? Deux pages, trois pages. Alors il n’y a rien dedans; c’est un contrat préliminaire qui est fait juste pour attester que M. Bahi est venu et a donc fait une réservation, point. Et on lui dit que les prix peuvent connaitre une augmentation pour telle ou telle raison. Et par rapport à ça, l’exhaustivité que nos amis recherchent, ils ne trouveront pas ça dans un contrat de réservation. On a pris quelques cas qui peuvent donc impacter le prix de la maison. Mais indépendamment de ça, nous disons qu’il s’agit d’un contrat de réservation avant tout qui est qualifié par la loi elle-même comme un contrat préliminaire. Et en tant que contrat préliminaire, je ne pense pas qu’on puisse prétendre à l’exhaustivité dans ce style de contrat.

Source : L’Éléphant déchaîné N°600 du mardi 29 mai au lundi 4 juin 2018

 

 

 


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