Le village d’Akouai-Santai dans la commune de Bingerville, située au bord de la lagune ébrié, dans le sud de la Côte d’Ivoire, est divisé par “deux visions de développement”. Entre transparence et détournement, les faits s’entremêlent. Les partisans du doyen des dougbos et chef de terre du village d’Akouai-Santai, Assagou Adja Pascal, et ceux de la chefferie conduite par Danho Emile sont à couteaux tirés.
L’attestation plumitif de l’arrêt N°866/17 du 05-07-2017 de la Première Chambre correctionnelle ‘’condamne le chef Danho Emile et un autre’’ à payer la somme de 501.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts à Assagou Adja Pascal, la partie civile. Un verdict rendu par la Cour d’appel d’Abidjan, le 11 juillet 2017.
Au cours de l’assemblée générale-bilan, samedi 15 juillet 2017, en présence du sous-préfet, Anoh Bédia Oswald, le chef Danho Emile a fait le point des réalisations (achat de sono, de quatre bâches) et indiqué que sa chefferie est dans l’attente de documents administratifs pour la construction d’un R+4 dont la gestion reviendra à la communauté villageoise.
Au cours d’une conférence de presse qui a mis fin à la cérémonie, il a indiqué que « les actions de ces derniers évènements sabotent la situation ». Quant à l’argent évoqué à la justice, il se braque : « Payer 501.000.000 FCFA à qui ? » s’est interrogé le conférencier. « À Monsieur Adja, c’est ce qui a été dit, mais nous sommes en pourvoir en cassation, c’est inadmissible. En première instance, ce n’était pas le cas, on nous avait dit que tout était normal et en appel voilà ce qui sort comme décision qui n’est pas forcément la bonne », a coupé court Danho Emile sur sa condamnation en correctionnelle.
Une affaire qui, selon lui commence en 2009, deux ans après sa nomination (le 19 octobre 2007), à la tête de chefferie. « Le problème est venu du partage d’une trentaine de millions que nous avons décidé d’investir dans la construction de la maternelle, en 2009, a-t-il révélé ajoutant par ailleurs, ce qui divise, c’est deux visions de développement de l’administration du village. Il y a une minorité qui pense que les ressources du village doivent se partager sur la place publique et une fois c’est fini, c’est fini. »
Par ailleurs, rappelle-t-il : ‘’En 2009, MM. Boga Koutouan Emile et Agoussou Adjovi ont vendu indûment une parcelle de 5 ha, du village, qu’il prétendait appartenir à son père.” A en croire notre interlocuteur, lorsque le problème a éclaté au grand jour, ils avaient déjà dépensé selon eux plus de 600.000.000 FCFA sur 800.000.000 FCFA. « Le village l’a su quand le cadastre voulait faire un bornage contradictoire. C’est à ce moment qu’il y a eu opposition pour faire valoir le droit du village et les 200.000.000 FCFA restant ont été reversés au village », révèle-t-il.
« La plupart des villageois ont intérêts à ce que le village bénéficie d’investissements qu’à se partager l’argent sur la place publique. Nous leur présentons les relevés de banques, l’état foncier, ce qui n’est pas de l’avis de ceux qui se plaignent”, ajoute-t-il. Pour lui, la volonté de sa destitution n’est pas “légitime et ne peut prospérer”.
Outre des propos qui narguent, Danho Emile a fait un bilan financier, sans toutefois fournir les preuves, malgré l’insistance de l’ensemble des journalistes pour avoir au moins une copie du bilan de ses activités.
Héritier d’une chefferie dans le sang
Après le décès du chef Amani Jean, l’actuel chef organise “une rébellion avec le soutien de certains jeunes” pour diriger le village sans attendre les différentes étapes en vigueur dans cette communauté.
La situation va alors dégénérer et le sang sera versé le samedi 28 avril 2007, avec des blessés dont les images ont été brandies par le porte-parole du chef de terre du village d’Akouai-Santai, Nanguy Akré Martial, comme des éléments de preuve. Pendant deux ans, Danho Emile restera sur sa position de demeurer chef “malgré les médiations.”
À la demande du préfet de la Ville d’Abidjan d’alors, Jean-Baptiste Sam Etiassé, une consultation populaire a eu lieu à la salle Delafosse à l’hôtel de Ville d’Abidjan, “pour retour au calme.” « C’est au sortir de cette rencontre que par Arrêté N°776/PA/CAB/SG/D1, Danho Emile, a été nommé chef du village d’Akouai-Santai avec un champ d’intervention bien défini. »
En son article 2, l’arrêté stipule ce qui suit: « les affaires coutumières et administratives sont de la compétence exclusive du chef de village. Les questions domaniales et financières sont gérées, sous la supervision du chef du village par les nouvelles structures mises en place par décision du préfet. »
Les nouvelles structures mises en place par la décision du préfet (hors grade), D. Diley, portent sur la création d’un comité de gestion du village Akouai-Santai, par Arrêté 1280/MEMAT/DGAPDCA “placée sous l’autorité du chef.” En son article 2, ‘’le Comité de gestion a pour mission de gérer exclusivement les ressources financières et foncières’’ avec un bureau de sept membres.
Des questions domaniales et financières violées par le chef
En lieu et place du comité de gestion, les ressources financières et foncières sont gérés par le chef Danho Emile, avec des ventes de terrains en violation des Arrêtés N°776/PA/CAB/SG/D1 et 1280/MEMAT/DGAPDCA. Plusieurs chèques signés par Danho Emile lui-même et non par l’un des sept membres du Comité de gestion se retrouvent dans les différentes banques où les transactions se sont faites.
La Compagnie internationale d’aménagement (CIAT) représentée par M. Ogou Biessan Félix a signé entre 2012 et 2013, des chèques de différentes banques d’un montant de 80.000.000 FCFA, et l’Office national de l’eau potable (Onep), représenté par M. N’Guessan Kouadio Clément, a aussi remis un chèque d’une valeur de 27.335.200 FCFA au chef du village d’Akouai-Santai. Dans un courrier signé le 13 avril 2012 par le notaire Me Fatou Diallo, adressé à Danho Emile, il a reçu et signé trois chèques de l’Atlantique Banque (n°s 5146519, 5146521 et 5146523).
Le montant provisoire des chèques et des sommes perçues des mains des opérateurs immobiliers disponible dans un rapport est de 703.891.175 FCFA.
Une longue liste à laquelle s’ajoutent, selon Nanguy Akré Martial, “des revenus de la pharmacie de Mme N’Dri Angèle Laure et les 20% prélevés sur le prix global de vente de terrains de grandes surfaces, de chaque famille, qui se chiffre à des centaines de millions. Et même la construction d’un immeuble ”.
Le sous-préfet, Anoh Bédia Oswald, ne ménage aucun effort pour apaiser les esprits. En pleine assemblée, il a demandé à la jeunesse de passer le rencontrer. « Si vous ne venez pas, c’est moi qui viendra vous chercher », a-t-il renchéri.
Dans un tel contexte divisé, chaque camp s’arc-boute sur sa position, seule la justice peut trancher. Ou une médiation bien menée peut ramener la paix et la cohésion dans le village. C’est dans un tel climat que la communauté pourra éviter les partages et les détournements de fonds et bénéficier d’investissements.
Sériba Koné
kone.seriba67@gmail.com