-Les faits et les chiffres à savoir
La violence en milieu scolaire en Côte d’Ivoire a un nom. Il a même été mis sur pied par décret. Perturbations des cours, violences verbales, viols… Voici les vrais coupables
C’est le 7 Juin 2012 que le Comités de gestion des établissements scolaires publics (Coges) a eu la signature de son décret N° 2012-488 portant ses attributions, son organisation et fonctionnement.
Au titre de son organisation, l’article 4 du chapitre III, donne la liste exhaustive des membres. Il s’agit des parents d’élèves, des élèves ou stagiaires, des enseignants ou formateurs, du personnel d’éducation, du personnel administratif, des professionnels des secteurs d’activités et les élus locaux.
Par ailleurs, en son chapitre II, article 3 les attributions du Coges sont claires. Il a pour mission de contribuer à la promotion de l’établissement où il siège et d’y créer les conditions d’un meilleur fonctionnement.
À cette fin, le Coges est chargé, entre autres, de recouvrer et de gérer toutes les ressources financières de l’établissement autres que le budget de l’État, et surtout d’aider à lutter contre la violence et la tricherie à l’école.
Ce qui préoccupe les acteurs du système scolaire (parents d’élèves, élèves et même les étudiants) et qui défraie la chronique à chacune des rentrées scolaires, c’est la gestion des ressources financières. La résolution des violences en milieu scolaire est reléguée au second plan, voire rangée dans les tiroirs.
Mieux, au nombre de ses nombreuses missions, le Coges doit aider à l’entretien courant des bâtiments, des équipements et à la sauvegarde du patrimoine et de l’environnement, et de contribuer à l’encadrement civique et moral des élèves et stagiaires ‘’pour un enseignement dans un cadre sain et discipliné’’.
Du coup, la lutte contre la violence devrait se présenter comme une priorité majeure. Malheureusement, cette violence en milieu scolaire ne fait pas l’objet d’une sensibilisation accrue.
Nous vous proposons en intégralité un rapport de l’Unicef datant de 2016, sur les violences sous toutes les formes en milieu scolaire.
La violence en milieu scolaire: faits et chiffres. Neuf parents sur dix interrogés ont ainsi admis avoir recouru à de la violence verbale (94%) et un parent sur deux à de la violence physique (59%) pour discipliner leur enfant.
Deux enfants sur cinq redoutent les violences physiques dans la sphère familiale, tandis qu’une fille sur cinq et un garçon sur dix y craignent les violences sexuelles.
Un élève sur dix dans le primaire et plus d’un élève sur cinq dans le secondaire ne se sent pas en sécurité à l’école, soit plus de 317.000 élèves du primaire et 264 000 du secondaire
Près de quatre élèves sur cinq, soit environ 3 597 600 élèves font l’objet de violences verbales en Côte d’Ivoire dans la sphère scolaire.
Plus de deux élèves sur cinq victimes de violences physiques dans la sphère scolaire le sont quotidiennement, soit environ 1 776 000 élèves victimes de harcèlements ou agressions physiques répétées.
Près d’un élève sur quatre (38%), filles comme garçons, a déjà été victime de harcèlement sexuel à l’école, en particulier dans les établissements d’enseignement secondaire, soit 1.730.000 élèves[1] en 2013–2014
Plus d’un élève sur dix (11,7%) a été victime d’attouchements forcés, soit 320 000 élèves victimes. Et près d’un élève sur cinq (18%) a été victime de viols, soit 469.472 élèves victimes. Au total, 775 000 élèves du primaire et du secondaire sont victimes d’attouchements forcés et de viols.
La violence sexuelle affectant les élèves est principalement du fait d’un pair (51% des élèves victimes), aussi bien pour les filles que pour les garçons, et cette proportion augmente légèrement en niveau secondaire (56% contre 45% en primaire) ;
Les enseignants sont mentionnés comme étant parmi les principaux auteurs de harcèlement sexuel et de viol/attouchements sexuels par plus d’un élève sur dix victimes.
Ainsi, 12% des élèves (207 600) sont harcelés sexuellement par des enseignants et 16% ont subi un viol ou un attouchement sexuel (131 750) de la part d’un enseignant.
Près d’un élève sur dix (7,1%) s’est déjà vu proposer une relation sexuelle par un enseignant contre des avantages.
Près d’un élève sur deux (46%) est frappé par un enseignant. Les élèves du primaire sont 2,5 fois plus exposés (63%) à cette maltraitance éducative que les élèves du secondaire.
La violence physique exercée par les enseignants est fréquente et répétée. 80% des élèves du primaire, soit 1 300 000 élèves, qui ont subi la violence physique de la part des enseignants, l’ont été au moins une fois par semaine.
Près d’un élève de Côte d’Ivoire sur trois (30%) — soit plus de 1.366 000 élèves dont 1.207.000 dans le primaire-, est victime d’humiliations physiques, les élèves du primaire étant deux fois plus exposés (38%) que ceux du secondaire (19%).
Le vol est très répandu en milieu scolaire : plus d’un élève sur deux (54%) s’est déjà fait voler son matériel scolaire, un élève sur trois des objets personnels (37%), quel que soit le sexe de l’enfant, avec une plus grande exposition dans le primaire.
La violence, un fléau. Au plan spatial, toutes les régions sont concernées par le phénomène de la violence. Cependant certaines régions capitalisent toutes les formes de violences (verbales, physiques, sexuelles et institutionnelles) à des degrés très élevés. Il s’agit des régions de Bounkani, Cavally, Gôh, Lame, N’Zi, Marahoué, Gbéké et Gboklé.
Les élèves sont peu conscients que les abus commis par les enseignants constituent des violations de droits ; seulement 40% des élèves victimes de violences verbales de la part des enseignants et 57% des élèves victimes de violences sexuelles considèrent que ces violences ne sont pas acceptables.
L’extrême majorité des élèves victimes de violences enquêtées dans le cadre de cette enquête reste des victimes silencieuses, et ne bénéficient pas de l’appui qu’elles sont en droit d’attendre.
51% des élèves s’abstiennent de parler à quelqu’un des violences dont ils ont été victimes. Toutefois, les élèves du secondaire (44,5%) sont plus disposés que ceux du primaire (31%) à communiquer sur les actes qu’ils ont subis.
Malgré la maltraitance éducative subie par les élèves, une forte majorité se tait (62%) et il ne se passe rien.
Lorsque les enseignants s’aperçoivent qu’un élève est victime de violences physiques dans la sphère familiale, 80% se gardent d’intervenir considérant que cela relève de la sphère privée et qu’il appartient à chaque parent d’éduquer son enfant comme il l’entend.
Dans les cas de violence physique commise par un enseignant seulement 16% des enseignants ont engagé un dialogue avec leur collègue pour l’amener à cesser de telles violences physiques sur l’élève, et 9,4% à avoir alerté l’administration.
Un enseignant sur dix (9%) indique avoir été approché par un élève pour un cas de violences sexuelles commises par un enseignant. Dans ce cas, seulement un tiers (38%) d’entre eux est allé mettre en garde / échanger avec l’enseignant et 2,7% ont saisi l’administration. L’extrême majorité (deux tiers) s’est abstenue de faire quoique ce soit.
Cette étude conduite par le ministère de l’Éducation nationale en collaboration avec l’Unicef, intitulée “Etude sur le bien-être et la sécurité des élèves dans les écoles de Côte d’Ivoire” a, en effet mis en lumière l’ampleur de la violence en milieu scolaire en Côte d’Ivoire. Et planté un tableau sombre.
À ce tableau peu reluisant, les élèves exigent à l’approche de chaque congé, un repos ‘’précipité’’. Avec la perturbation des cours dans certains établissements scolaires des différentes régions du pays. Pis, ils imposent eux-mêmes leur rentrée de chaque congé.
Le chapitre II de l’article 3 portant sur la lutte contre la violence doit être l’une des priorités pour sauver les adolescents qui veulent apprendre. Et mettre à leur place ceux qui perturbent l’école ivoirienne.
Sériba Koné