Les personnes interpellées par les forces de l’ordre pendant les différentes patrouilles, lors du couvre-feu dans les villages sous le commandement de la Brigade de Gendarmerie de Guéyo, accusent ces derniers de racket.
Le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a annoncé, lundi 23 mars, l’état d’urgence et une série de mesures dont ‘’l’instauration d’un couvre-feu de 21 h à 5 h du matin à compter du mardi 24 mars, la fermeture de tous les maquis et restaurants à compter du même jour à minuit’’.
Des mesures qui, à n’en point douter, ont bouleversé les habitudes des Ivoiriens, mais bien encadrées dans l’ensemble par les forces de l’ordre et de sécurité.
Depuis, dans le Grand Abidjan, les véhicules de la Frap, du Ccdo, du Crs… et de la gendarmerie effectuent des patrouilles pour vérifier l’application et le respect des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid-19.
Pour son applicabilité, le préfet de police d’Abidjan, Dosso Siaka, rappelait aux journalistes le 28 mars dernier, lors d’une patrouille, les instructions auxquelles les forces de l’ordre doivent obéir. « Le couvre-feu, ce n’est pas que la sécurité, mais l’ouverture des couloirs humanitaires, la facilitation de la circulation des personnes en détresse, des femmes en couches, des ambulances, des corbillards…Nous devons aussi accompagner les retardataires chez eux », précisait-il.
Malheureusement, entre le discours et la réalité, il y a un hiatus. C’est l’amer constat dans les villages sous le commandement de la Brigade de gendarmerie de Guéyo où des agents patrouilleurs sont accusés d’extorquer des fonds aux commerçants, paysans et agriculteurs pour leur libération.
En cause. Il nous revient de façon récurrente que les personnes interpellées dans les villages lors du couvre-feu sont violentées, puis conduites au poste.
Le commandant de Brigade promet de mener aussi l’investigation
À en croire notre source (qui a requis l’anonymat), certaines personnes sont interpellées dans leur sommeil devant leur habitation. D’autres, par contre, paient le prix du malheur de vouloir sortir après le couvre-feu pour satisfaire leur besoin naturel, dans ces villages où les cours ne sont pas clôturées et où pour la plupart les latrines sont hors de la maison.
C’est l’occasion toute trouvée par des agents patrouilleurs de mauvais acabit pour sévir. Notre interlocuteur a révélé quelques noms de personnes (nous leur donnons des noms d’emprunt pour leur sécurité) ayant été victimes de racket auprès de qui, nous avons pu vérifier les faits. Pour sa libération, alors qu’il était couché en face de chez lui, Kankanséro Lobé a payé la somme de 25000 FCFA. Quant à Karamboué Messan, Yaya Karim, Miézan Toukoti et bien d’autres, qui sont sortis pour des besoins naturels, ils ont payé la somme de 10 000 FCFA chacun. Joint par téléphone, le président central de la jeunesse de Baléko, Nicodème Zeugbeu, affirme ne pas être informé parce que son lieu d’habitation est éloigné du poste tenu par les ex-FRCI.
Le témoignage d’une victime
En revanche, les mis en cause, dont le sergent-chef des ex-FRCI, Koné Issouf, reconnaît que les personnes interpellées sont souventes fois bastonnées et réfute la question du racket : « Nous battons les personnes interpellées qui font de la résistance ».
Pourtant, les populations de plusieurs gros villages dont Djégnadou, Zohourayo, Baléko, Bakadou, Alikro sous le commandement de la Brigade de gendarmerie de Guéyo, se plaignent de ces ‘’ vols avec violence’’ sur des paysans et agriculteurs, mais refusent de parler de peur de représailles.
Joint par téléphone, le commandant de Brigade de Guéyo tombe des nus et promet de mener sa propre investigation. « C’est vous qui m’informez. J’ai transmis fidèlement les consignes de la hiérarchie à tous les éléments qui effectuent les patrouilles depuis que le président a instauré le couvre-feu. Ce qui fait que je tombe des nus. Honnêtement, je ne suis pas informé de cet état de fait, mais je mènerai mes propres investigations », répond le commandant de Brigade tout en émettant des doutes sur les accusations à l’endroit de ses éléments.
Par ailleurs, à l’issue du compte-rendu du ministre de la Sécurité et de la Protection civile relatif à l’application de l’état d’urgence, il apparaît que ‘’le couvre-feu a été généralement respecté même si l’on déplore l’interpellation et le déferrement de 594 contrevenants’’.
La veille, le gouvernement ivoirien décidait de proroger pour 15 jours le couvre-feu instauré le 24 mars sur l’ensemble du territoire national pour freiner la propagation du coronavirus dans le pays.
Dans cette guerre sanitaire que mène le gouvernement ivoirien en proposant des solutions économiques de survie au peuple, certains habitués à la corruption et au racket n’ont encore rien compris ou peine à exécuter honnêtement leur tâche.
C’est le cas de ces éléments véreux des forces de l’ordre et de sécurité ivoiriennes qui, au moment où toutes les couches sociales croulent sous le poids de la misère qu’impose le Covid-19, se font les poches sur des agriculteurs et paysans économiquement faibles.
Sériba Koné