[Fica 2022] Eugène Larcher (maire de Les Anses d’Arlet) : ‘’Plusieurs projets municipaux concourent à cette dynamique d’échanges avec l’Afrique’’ (discours)

[Fica 2022] Eugène Larcher (maire de Les Anses d’Arlet) : ‘’Plusieurs projets municipaux concourent à cette dynamique d’échanges avec l’Afrique’’ (discours)

Le maire de la commune de Les Anses d'Arlet (Martinique), Eugène Larcher, n’a pas fait que conduire la délégation de son pays, lors de la première édition du Forum de l'identité culturelle africaine (Fica) 2022, qui a ouvert ses portes à l'hôtel communal de Cocody, le 23 mai 2022, sur le thème : ‘’la coopération internationale comme levier du développement de l'économie culturelle africaine’’. Il a prononcé une allocution dont nous vous proposons l’intégralité.

Abidjan, le 24-5-2022 (crocinfos.net) Le maire de la commune de Les Anses d’Arlet (Martinique), Eugène Larcher, n’a pas fait que conduire la délégation de son pays, lors de la première édition du Forum de l’identité culturelle africaine (Fica) 2022, qui a ouvert ses portes à l’hôtel communal de Cocody, le 23 mai 2022, sur le thème : ‘’la coopération internationale comme levier du développement de l’économie culturelle africaine’’. Il a prononcé une allocution dont nous vous proposons l’intégralité.

Mesdames et Messieurs membres du Gouvernement de la Cote d’Ivoire,

Mesdames et messieurs les Maires ici présents,

Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,

Mesdames et Messieurs,

J’ai l’honneur vous transmettre les salutations fraternelles des martiniquais et particulièrement celles de la population de la Commune de Les Anses d’Arlet que je représente à ce Forum de l’Identité Culturelle Africaine.

Je suis ravi d’être ici et mon propos abordera modestement la nécessité de coopération culturelle entre l’Afrique et la Caraïbe.

J’observe avec beaucoup d’intérêt la dynamique d’ouverture qui anime actuellement l’Afrique en même temps qu’un regain du panafricanisme né dans les années 50 dans les Caraïbes et aux États-Unis d’Amérique.

J’observe également avec une émotion particulière, le début d’un processus de restitution de trésors patrimoniaux volés aux pays africains pendant la période coloniale.

’Il faut noter et saluer, par ailleurs, les travaux d’intellectuels proposant une relecture de l’histoire de l’humanité réduisant ainsi le champ d’un obscurantisme voulu sur les réalités historiques de l’Afrique.’’

La Côte d’Ivoire, j’espère, n’échappera pas à ce processus salutaire de réparation, qui concerne des milliers d’œuvres d’une valeur inestimable dont ce Forum de l’identité Culturelle Africaine est une illustration de cette dynamique de mouvements convergents: D’un côté, une Afrique se battant plus que jamais pour un retour de ces enfants déracinés et de son patrimoine pillé ainsi que pour la vulgarisation de sa diversité culturelle. De l’autre, une diaspora manifestant de plus en plus son appartenance à la Nation africaine.

Il faut noter et saluer, par ailleurs, les travaux d’intellectuels proposant une relecture de l’histoire de l’humanité réduisant ainsi le champ d’un obscurantisme voulu sur les réalités historiques de l’Afrique. Fils de déportés africains, j’ai séjourné dans plusieurs pays de la terre mère en quête de mes racines.

En tant que Maire, avec mon Conseil municipal, j’ai fait de Les Anses d’Arlet la première Commune de Martinique à avoir signer une convention de jumelage avec une Collectivité d’Afrique, en 2019. Il s’agit de la Ville Historique de Ouidah.

Aussi, avec mes collaborateurs, nous sommes très préoccupés par le combat du docteur et prix Nobel de la paix Monsieur Denis Mukwégué contre les violences faites aux femmes au Congo. Il est invité chez nous avant la fin de cette année 2022 pour un hommage, mais surtout pour tenter de donner plus d’éclats à son combat. Vous et moi, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’y a pas de culture sans peuple et qu’il n’y a pas de peuple sans femmes.

’Ouverture de musée, organisation de festivals, valorisation des patrimoines matériel et immatériel, accompagnement des filières artistique… autant d’opérations dans lesquelles il faut investir.’’

Je voudrais à cet instant de mon propos remercier le gouvernement de la Côte d’Ivoire et les organisateurs de cette rencontre pour leur invitation.

Je salue par ailleurs la détermination avec laquelle Mesdames Marie Stella Kouassi et Magali Aské ont promu cette première édition du Forum de l’identité Africaine auprès des Martiniquais dans un contexte sanitaire incertain. Je crois que le développement économique doit se penser avant tout pour l’humain et non en terme de croissance qui privilégie le chiffre au dépend de la justice sociale.

De ce fait, les investissements financiers pour appuyer le développement des secteurs de la culture et les actions culturelles se justifient pleinement: Ouverture de musée, Organisation de festivals, Valorisation des patrimoines matériel et immatériel, Accompagnement des filières artistique… autant d’opérations dans lesquelles il faut investir.

Compte tenu des attributs économique et anthropologique reconnus à la culture, elle devrait davantage intégrer la sphère des conventions d’échange de coopération décentralisée.

Il existe actuellement un cadre de coopération entre l’Union Européenne et les pays ACP (Afrique, Asie, Caraïbe) dont l’objectif est le développement des pays ACP et la réduction de la pauvreté. Ce cadre bien que souvent actualisé (Convention de Lomé en 1975, Accord de Cotonou en 2000), il n’en demeure pas moins que la place de la culture dans les programmes de développement et de coopération est encore insuffisante.

C’est ce qui ressort de la réunion des ministres de la Culture des pays ACP qui s’est tenue à Niamey (Niger) en octobre 2019. Ces ministres estiment qu’il faut renforcer et diversifier les partenariats en faveur des cultures. Considérant que la culture cimente notre unité, maintient la sécurité et la paix dans le monde.

Ces ministres appellent à « promouvoir les initiatives de financement innovant pour la Culture dans les Etats ACP à travers une programmation intra ACP ».

J’y vois dans cette déclaration une piste à explorer. Et pourquoi ne pas travailler sur un axe de coopération Afrique-Caraïbe? Qu’est-ce que la Caraïbe? Je pense qu’il est nécessaire de le rappeler pour évacuer toute distorsion historique. La Caraïbe, c’est un ensemble d’iles, de pays. On la désigne aussi par la région Caraïbe, le bassin caribéen, les Antilles. Elle tient son nom des populations qui y habitaient avant l’arrivée de Christophe Colomb et des premiers colons européens à partir de 1492. Ces populations indigènes ont été exterminées.

Léopold Sédar Senghor, ami d’Aimé Césaire et alors président du Sénégal disait au début des années 1960: « J’ai toujours pensé que l’Homme, c’est-à-dire la Culture était au commencement et à la fin du développement ». Le développement auquel fait allusion Léopold Sédar Senghor renvoie à la notion corrigée et plus contemporaine de Développement durable qui considère, elle aussi, la culture comme un pilier du développement économique.

’Avec une valeur mondiale estimée de 4 300 milliards de dollars par an, le secteur de la culture représente désormais 6,1% de l’économie mondiale.’’

C’est exactement ce que j’ai perçu comme idée force lors de la présentation de ce premier Forum de l’identité Culturelle Africaine. Et pourtant, ce n’est qu’au début des années 2000, que des réflexions au sein de l’UNESCO et de l’Union Européenne ont commencé à établir le lien entre Culture et Développement.

Le Centre artistique Charles Bauza Donwahi conduit par Paulin Nahounou, et d’autres artistes traditionnels ont démontré tout leur savoir-faire pour réserver un accueil chaleureux aux personnalités

En effet, la culture agit sur le développement économique et social, grâce à la contribution directe et indirecte des nombreux secteurs culturels sur l’activité économique.

Selon un rapport de l’UNESCO en 2005, les secteurs culturel et créatif font partie de ceux qui affichent la plus forte croissance au monde. Avec une valeur mondiale estimée de 4 300 milliards de dollars par an, le secteur de la culture représente désormais 6,1% de l’économie mondiale. Ces secteurs génèrent des revenus annuels de 2 250 milliards de dollar et près de 30 millions d’emplois dans le monde. La culture emploie plus de personnes âgées de 15 à 29 ans que tout autre secteur.

On peut par conséquent parler d’une économie culturelle. Elle est essentielle au développement économique et social:

– Elle contribue à renforcer la cohésion sociale, à promouvoir la tolérance, à intégrer les catégories défavorisées de la population

Elle contribue donc à réduire les conflits.

Elle constitue un élément fondamental du processus de développement en renforçant l’indépendance, la souveraineté et l’identité des nations. Et alors commença la traite négrière pendant laquelle des millions d’africains ont été capturés, déportés dans les Amériques et dans la Caraïbe et mis en esclavage pendant 4 siècles.

Aimé Césaire parle de miracle de l’Humanité pour évoquer l’émergence d’une nouvelle culture dans les plantations qui a préservé des survivances africaines. La Caraïbe est donc multi culturelle, pluriethnique et sa puissance culturelle est reconnue dans le monde entier à travers ses rythmes et danses, sa littérature, ses combats… Les populations des Caraïbes dans leur grande majorité sont des descendants africains.

N’y a-t-il pas, au regard de ce récit, à considérer anormal le manque ou l’insuffisance d’échange culturel entre les Antilles et les pays d’Afrique ? Alors même que nos secteurs culturels respectifs sont en attente de marché.

Pourquoi le FICA ne serait-il pas l’espace d’un regain de conscience d’une appartenance commune favorable à la concrétisation de rencontres formalisées dès lors que les volontés s’affichent?

Notre réflexion devra tenir compte de la difficulté de voyage entre le continent africain et les Antilles et vice versa. Un vœu cher à un des plus célèbres panafricanistes de la Caraïbe, le jamaïcain Marcus Garvey.

Aimé Césaire disait : « Un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas. »

Ce même Aimé Césaire, alors député Maire de la Ville de Fort de France avait construit une passerelle entre l’Afrique et la Martinique pour y accueillir chaque année les expressions culturelles et artistiques du continent africain dans le programme du Festival Culturel de Fort de France.

Oui ! C’est possible!

Pour ma part, plusieurs projets municipaux concourant à cette dynamique d’échanges avec l’Afrique sont en cours :

Création d’un Espace de Danses et de Musiques Traditionnelles sachant que le tambour, les rythmes et danses au tambour héritages Ville de Les Anses d’Arlet – Hôtel de Villa africains, alimenteront les échanges avec l’Afrique et les pays de la Caraïbe dans les domaines de la recherche et de la diffusion.

Construction d’un lieu mémoriel à dimension internationale sur un site archéologique abritant un cimetière d’esclaves découvert récemment.

En plus d’un ossuaire, une Porte du Retour sera érigée. En résonnance avec la Porte du non-retour de Ouidah, elle symbolisera la volonté de retour vers la Terre mère. En juillet 2022, pour la Fête Patronale de la Commune, nous accueillerons le Maire de Ouidah accompagné d’une délégation d’artistes

Enfin, dans notre programmation cinématographique municipale, une large place est faite au cinéma africain. La coopération entre les Antilles et l’Afrique est salutaire et possible. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Un pas, un autre pas, encore un pas et tenir gagné chaque pas !

Je vous remercie de votre attention.

CATEGORIES
TAGS
Share This