Fièvre du troisième mandat, véritable fléau politique

Fièvre du troisième mandat, véritable fléau politique

Ferro Maurice Bally, journaliste indépendant s’attaque à la propagation de la fièvre du troisième mandat présidentiel, véritable fléau politique en Afrique de l'Ouest francophone, après la pandémie de Covid-19.

Abidjan, le 21-3-23 (crocinfos.net) Après la Covid-19, l’Afrique de l’Ouest francophone est parcourue par une autre pandémie: la fièvre du troisième mandat présidentiel.

Le 24 septembre 2022, à la tribune de l’ONU, Abdoulaye Maïga, Premier ministre malien par intérim, a parfaitement décrit cette “magie” politique, qui consiste, pour des présidents sortants, à contester la pertinence de la limitation des mandats à deux à l’effet de conserver le pouvoir d’État pour eux-mêmes et leur clan.

Dans un premier temps, c’est la phase d’incubation à travers des artifices: la révision constitutionnelle et la modification de quelques dispositions constitutionnelles. Ensuite, vient la phase de manifestation de la pandémie: la candidature du président sortant pourtant inéligible à un troisième mandat et l’organisation d’une mascarade électorale.

Ce fléau politique a causé des dizaines et des dizaines de morts en Guinée-Conakry et en Côte d’Ivoire, en octobre 2020. Avant la présidentielle de février 2024 au Sénégal, il vient de causer la mort déjà de deux personnes. Et, dans ce pays transformé en cocotte-minute qui bout, ce n’est pas fini dans le décompte macabre.

Et le tour est joué dans ce scénario où, selon la métaphore footballistique, le joueur se dribble lui-même tout en gardant le ballon de la forfaiture.

En effet, la problématique du troisième mandat présidentiel est un cancer dans la sous-région. Car les États souffrent de deux maux qui sont des gangrènes.

D’une part, l’inexistence d’institutions. Avec des dirigeants qui ne peuvent s’autoriser aucun devoir d’ingratitude, ces institutions fantoches sont aux mains des hommes forts dont elles subissent les humeurs et font la volonté.

D’autre part, le parjure, qui est l’ADN de nos chefs d’État. Ils n’ont été vrais démocrates que dans l’opposition au pouvoir en place. Et comme l’a dit Jacques Chirac, “les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.”

Ainsi, Alassane Ouattara, tout comme Patrice Talon au Bénin, ne demandait qu’un seul mandat, en 2010. Il en est à son troisième et vise, en se rasant, un quatrième en 2025. Et Talon exerce son deuxième mandat.

‘’La problématique du troisième mandat présidentiel est un cancer dans la sous-région.’’

Alpha Condé et Macky Sall juraient, une fois parvenus au pouvoir, de n’effectuer que deux mandats. Le premier a eu un troisième mandat, en 2020, avant d’être renversé le 5 septembre 2021 par un coup d’État militaire. Et le second utilise des circonvolutions pour être candidat à un troisième mandat et expérimenter l’aventure hasardeuse et foireuse d’Abdoulaye Wade, malgré la colère qui gronde au pays de la Teranga.

Car, marcher sur des cadavres et compter les morts, au nom galvaudé de la démocratie, est désormais partie intégrante d’un processus électoral vicié, en revendiquant, à travers des manifestations de soutien suscitées et des cérémonies de reconnaissance orchestrées par les courtisans, le syndrome de l’homme providentiel.

Et, avec l’intrusion, sans surprise, des pouvoirs kakis sur la scène politique, tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle se brise.

F.M. Bally

CATEGORIES
TAGS
Share This