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[Fin de l’apatridie dans le monde] La Côte d’Ivoire a besoin de plus de 50 milliards FCFA ‘’pour un système d’état civil accessible et fiable’’

L'éradication de l'apatridie en Afrique de l'Ouest préoccupe la CEDEAO et le HCR. À titre d'illustration. Ph.Dr

Le 4 novembre 2014, le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR) a lancé une campagne mondiale de 10 ans pour mettre fin à l’apatridie (soit en 2024). La Côte d’Ivoire, qui a ratifié la Convention de 1954, relative au statut des apatrides et celle de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, n’est pas en marge de cette exigence. L’apatride, selon la Convention, désigne une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation.

Konaté Diakalidia, directeur général de l’Oni. Ph.Dr

À travers le monde, au moins 10 millions de personnes souffrent d’‘’une vie sans éducation, ni soins de santé ou emploi formel, une vie sans liberté de mouvement, sans espoir ni perspective d’avenir’’, selon la lettre ouverte du HCR pour exprimer ce qu’il qualifie de vide juridique ‘’dévastateur.’’

En Côte d’Ivoire, sur une population de plus de 23 millions d’habitants (l’on a recensé 22.671.000 habitants Rgph de 2014), le ministère de la Justice estime à 700.000 personnes depuis décembre 2016, comme migrants historiques à risque d’apatridie. Au nombre desquelles le recensement du ministère de l’Education et de l’enquête démographique de santé (EDS) datant de 2016, révèle 3.111.706 élèves âgés de 0 à 12 ans, sans extrait d’acte de naissance.

Cependant, une étude menée pour le compte du HCR par Me Mirna Adjami, experte en apatridie, en décembre 2014, démontre que les lois sur la nationalité en Côte d’Ivoire sont parmi les plus complexes d’Afrique. La synthèse de l’évolution des lois et règlements sur la nationalité en Côte d’Ivoire souligne les caractéristiques essentielles des réformes progressives. En revanche, de la  loi n° 61-415 portant Code de la nationalité ivoirienne, au programme d’acquisition de la nationalité par déclaration (2014-2016), les autorités ivoiriennes s’activent à rendre le système d’état civil accessible et fiable.

Une progression, mais… Outre la Convention, la Côte d’Ivoire a adopté un deuxième programme spécial relatif à la nationalité qui a intégré les leçons apprises lors de l’exercice du programme de Linas-Marcoussis. D’emblée, le deuxième programme a choisi de promouvoir l’acquisition de la nationalité ivoirienne par déclaration plutôt que par naturalisation. « Il s’agit là (dans une certaine mesure) d’une procédure plus directe où la nationalité est acquise par déclaration de plein droit quand une personne remplit les critères nécessaires, plutôt qu’à la discrétion de l’exécutif, comme c’est le cas pour la naturalisation », explique l’experte dans son rapport.

Ensuite, concernant l’apatridie, ceux qui acquièrent la nationalité ivoirienne par déclaration ne sont pas soumis aux incapacités prévues à l’Article 43 du Code de la nationalité. « Au contraire, ils accumulent tous les droits en tant que citoyens ivoiriens après acquisition de la nationalité par déclaration », poursuit Me Mirna Adjami.

Toutefois, en janvier 2016, 123.810 personnes avaient demandé à acquérir la nationalité par déclaration. Ainsi, 11.762 certificats administratifs de nationalité ont été délivrés à la date du 30 novembre 2016 et les dossiers restants étaient en attente d’examen ou de délivrance de leur certificat de nationalité. Ces chiffres montrent que ce programme a eu plus de succès que le programme de naturalisation de Linas-Marcoussis.

Par ailleurs, le processus d’identification ordinaire prévu par l’Accord politique de Ouagadougou (APO) a démarré en juillet 2014, exigeant des certificats de nationalité pour obtenir une CNI.

L’Oni confronté à la fraude et aux moyens financiers. L’Office national d’Identification (Oni) dont la mission principale est l’identification des populations se trouve confronté à de nombreux cas de fraudes. Un communiqué de presse de la direction de l’ONI du 4 janvier 2018 a révélé que deux individus de race blanche se disant ivoiriens, vivant en Italie et qui sollicitaient des CNI, ont fait du ‘’faux sur l’ensemble des documents produits’’. Pis, les résultats des procédures judiciaires de l’enquête indiquaient que soixante dossiers ont connu une instruction judiciaire, quarante-six personnes ont été interpellées dont  trente et un faussaire déférées devant le parquet. Il s’agit de 3 agents d’état civil de sous-préfecture, 4 Burkinabés, 2 Nigérians, 1 Malien et 21 Ivoiriens.

En revanche, les résultats des procédures contentieuses révélaient un total de 556 dossiers ayant fait l’objet d’investigation à l’effet d’approfondir les recherches sur des irrégularités constatées sur certains documents. À l’analyse, 423  dossiers comportent des anomalies relatives à la modification volontaire d’un élément sur l’extrait d’acte de naissance (Nom, prénoms, date de naissance, lieu de naissance ou la filiation du requérant) dont 133 comportent des erreurs à l’enregistrement ou des photos interverties (dossiers Alpha numériques). Autant affirmer que l’ONI prend du poil de la bête et sécurise selon les moyens du bord, l’identification en Côte d’Ivoire.

Pour la mise en œuvre effective de la réforme globale de l’enregistrement des naissances de l’état civil en Côte d’Ivoire, « Nous sautons sur l’occasion de votre distinguée présence pour solliciter l’appui d’UNICEF-France pour la réforme de l’état civil, dont le coût est estimé à 85.371.449 €, soit 56 milliards FCFA», avait plaidé le directeur général de l’ONI, Konaté Diakalidia  à Guiglo, le mercredi 24 août 2016, auprès du directeur général d’UNICEF-France, Sébastien Lyon.

Autant affirmer que les moyens financiers pour accompagner le processus d’éradication de l’apatridie en Côte d’Ivoire d’ici 2024 restent le nœud gordien.

Sériba Koné

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