Le classement 2020 de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières sera dévoilé ce jour. Selon son directeur général, Christophe Deloire, on peut établir une corrélation avec le respect ou non du droit à l’information pendant la crise du Covid-19.
C’est un rendez-vous attendu chaque année : l’édition 2020 du classement mondial de la liberté de la presse, réalisé par Reporters Sans Frontières, sera dévoilée mardi. Il a été établi sur la base de données d’avant l’épidémie de Covid-19. Mais Christophe Deloire, le directeur général de RSF, y voit néanmoins “une corrélation très claire avec la manière dont est respecté le droit à l’information pendant cette crise sanitaire”. “L’épidémie accroît les inégalités entre les pays du point de vue de la liberté de la presse”, explique l’ancien journaliste au Point.
“Les régimes les pires en profitent pour pousser la répression encore plus loin, et, en faisant ça, mettent en danger la vie de leurs populations, mais aussi des personnes dans l’ensemble du monde, développe encore Christophe Deloire. Cette épidémie prouve si besoin en était que la censure n’est pas une affaire intérieure. Le contrôle de l’information dans un pays affecte des citoyens au bout du monde.”
La France était 32e en 2019
Pour Christophe Deloire, ce classement 2020 doit donc être “l’occasion d’une mobilisation mondiale, considérant que le droit à l’information est inhérent au droit à la santé et à la vie”.
L’édition 2019 était dominée, dans l’ordre, par la Norvège, la Finlande et la Suède. La France était 32e. La Chine, accusée de mensonges sur les chiffres et la réalité du coronavirus, était 177e l’an passé d’un classement fermé par le Turkménistan, 180e et dernier (juste derrière la Corée du Nord).
Dans son alarmiste Classement mondial de la liberté de la presse 2020, Reporters sans frontières (RSF) estime que la pandémie du Covid-19 amplifie les crises qui pèsent déjà sur le journalisme. L’organisation a déposé plainte auprès de l’ONU pour les violations de la liberté de la presse constatées pendant la crise sanitaire
« La décennie à venir sera décisive pour l’avenir du journalisme », prévient l’organisation Reporters sans frontières (RSF), qui chaque année évalue la situation du journalisme dans 180 pays et territoires. Dans l’édition 2020 de son Classement mondial de la liberté de la presse, la liberté de l’information est jugée « bonne » (8 %) ou « assez bonne » (18 %) dans seulement un quart des États, et se dégrade sur tous les continents.
La Croix choisit dans le flot de l’actualité des pépites à mettre en lumière, en privilégiant le recul et l’analyse.
Avant la propagation de l’épidémie, RSF avait identifié cinq menaces pesant sur l’avenir du journalisme : une crise géopolitique (impulsée par des modèles autoritaires de plus en plus répressifs vis-à-vis des journalistes), technologique (manque de régulations numériques avec des garanties démocratiques), démocratique (médias discrédités par le pouvoir en place, politiques de répression), de confiance (suspicion, attaques de journalistes) et économique (appauvrissement du journalisme de qualité).
Une sixième crise, sanitaire
« La pandémie de Covid-19 met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable », estime RSF. L’organisation établit « une corrélation évidente entre la répression de la liberté de la presse à l’occasion de l’épidémie et la place des pays au Classement mondial ».
En Chine (177e), la répression envers les journalistes et les lanceurs d’alertes a contribué à ce que l’épidémie se propage, à Wuhan puis dans le monde. L’Iran (173e, – 3), autre foyer de l’épidémie, a mis en place « des dispositifs de censure massifs ». En Irak (162e, – 6), la licence de l’agence de presse Reuters a été suspendue après une dépêche remettant en cause les chiffres officiels des cas de coronavirus.
La « doctrine du choc »
Pour Christophe Deloire, directeur général de RSF, « la crise sanitaire est l’occasion pour des gouvernements autoritaires de mettre en œuvre la fameuse “doctrine du choc” : profiter de la neutralisation de la vie politique, de la sidération du public et de l’affaiblissement de la mobilisation pour imposer des mesures impossibles à adopter en temps normal ».
Au Brésil (107e, – 2) comme aux États-Unis (45e), les présidents Bolsonaro et Trump redoublent d’hostilité vis-à-vis des journalistes, accusés de propager la peur. En Hongrie (89e, – 2), le premier ministre Viktor Orbán a fait voter une loi dite “coronavirus” prévoyant des peines de cinq ans de prison pour diffusion de fausses informations. Des journalistes ont été arrêtés en Jordanie (128e, + 2) ou au Zimbabwe (127e, + 1). En Algérie (146e, – 5), le correspondant de RSF Khaled Drareni a été emprisonné à la faveur de l’épidémie. Hong Kong (80e, – 7) a profité de sa crise sanitaire pour arrêter quatorze leaders du mouvement pro-démocratique. RSF s’inquiète aussi de la vulnérabilité face au virus des journalistes maintenus en détention en Turquie (154e, + 3) ou en Arabie saoudite (170e, + 2).
Plainte devant l’ONU
« Pour que cette décennie décisive ne soit pas une décennie funeste, déclare Christophe Deloire, les humains de bonne volonté, quels qu’ils soient, doivent se mobiliser pour que les journalistes puissent exercer cette fonction essentielle d’être les tiers de confiance des sociétés ».
Pour sa part, RSF a déposé une plainte auprès de l’ONU, le 13 avril 2020, pour demander la dénonciation des États « qui violent le droit à l’information malgré, au prétexte ou à l’occasion de l’épidémie de Coronavirus, et mettent ainsi en danger la santé des personnes, sur leur territoire comme dans le reste du monde ».
En France
Concernant la France (34e), qui perd deux points, RSF déplore que des journalistes aient été blessés par les tirs de LBD ou de gaz lacrymogène des forces de l’ordre, et agressés par des manifestants en colère en couvrant le mouvement des Gilets jaunes. Ce phénomène qui se développe partout en Europe est, selon RSF, « la conséquence des campagnes de haine et de la perte de confiance de la population envers la profession ».
Avec La Croix