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[Interview] Dr Amadou Moustapha Bèye (expert dans le domaine du riz) analyse, critique et propose des solutions

Dr Amadou Moustapha Bèye

Dr Amadou Moustapha Bèye

-‘’Il est risqué de dépendre de l’extérieur pour sa nourriture’’

Abidjan, le 06-07-21 (crocinfos.net) Le directeur général de MANY SA, par ailleurs, ancien représentant régional d’AfricaRice (ex-Adrao), Dr Amadou Moustapha Bèye, est généticien et expert dans le domaine de la riziculture. Il travaillait au Centre d’investissements de la FAO à Rome, qui contribue au montage de programmes des États et institutions internationales quand la crise de 2008 a éclaté. Il avait pour mission d’aider à mettre en place des programmes d’urgence et ceux de la de reconstruction de l’agriculture des pays de l’Afrique de l’Ouest, du Centre, et Madagascar. Il fait partie de ceux qui ont œuvré à résoudre la crise alimentaire d’alors provoquée par le manque de riz dû à des spéculations qui avaient fini par déstabiliser les pays africains. Dans cet entretien, l’expert analyse, critique et propose des solutions pour l’autosuffisance en riz en Côte d’Ivoire. Interview…

Comment s’est faite votre approche avec les riziculteurs de Dabakala ?

À ce niveau, je dois rappeler que la société MANY SA a été désignée, leader de pool des zones de Dabakala et Marabadiassa par le ministère de la Promotion de la riziculture (MPR) pour promouvoir le développement de la riziculture. Ainsi, nous nous sommes rapprochés des Organisations paysannes (OPA) opérant dans ces localités pour voir avec elles comment les aider à produire plus de riz et de meilleure qualité. C’est ainsi que nous avons organisé des ateliers pratiques in-situ afin d’identifier les contraintes sociales et économiques auxquelles celles-ci sont confrontées. Au terme de ces ateliers, des propositions ont été soumises à l’attention des agriculteurs et des contrats de production signés.

Quel est le contenu des contrats ?

Dans ces contrats, il est prévu l’appui de la société MANY SA pour le labour des champs des paysans, le repiquage, l’accès aux semences et intrants (engrais, herbicides, insecticides), la récolte et les travaux post-récoltes (battage et vannage). Les prix des récoltes ont été définis dès le début et précisés dans les contrats. Ils sont de 180 F/kg pour le paddy et de 300 F/kg pour la semence.

‘’La pandémie de Covid -19 montre à quel point il est risqué de dépendre de l’extérieur pour sa nourriture. Il revient donc au pays d’inverser la tendance au plus vite’’

Notre intention est de faire le développement autrement, c’est-à-dire aider l’agriculteur à tirer le maximum de profit de son champ. Oui, de son champ car celui-ci est pour lui un patrimoine familial qui mérite d’être bien préservé et bien géré pour lui et ses descendants. Notre rôle ici se limite à apporter des moyens additionnels tels que la technologie, la connaissance et le coaching de proximité. Dans cette démarche, l’agriculteur est assuré d’avoir des rendements allant de 8 à 9 T/ha contre habituellement 2 à 3 T/ha. Telle est la première étape de nos rencontres qui sont essentiellement ponctuées de réunions et de séances de formation.

Combien y-a-il d’organisations professionnelles agricoles en Côte d’Ivoire ?

Il est difficile de répondre de façon précise à cette question car il y a une multitude d’OPA, mais elles ne sont pas toutes fonctionnelles. Cependant, nous travaillons à Dabakala avec 174 exploitants agricoles regroupés dans une seule coopérative, sur le périmètre irrigué de 114 hectares, et à Marabadiassa avec 10 coopératives dont cinq que nous venons de créer.

Quelle est la dénomination du projet que vous lancez?

‘’Dabakala est peut-être le point de départ de la révolution agricole en Côte d’Ivoire.’’

Oui, bien entendu ! Il s’agit en fait du Programme de développement intégré des affaires agricoles (PDIAA). Dans le cas d’espèce, cinq projets s’imbriquent les uns dans les autres, dont le « Village semencier » de Dabakala, le projet d’amélioration de la productivité du riz, le centre de machinisme agricole, qui est le cœur du programme, le projet de bio-gazéification et le système d’irrigation goutte-à-goutte. Ces différents projets seront complétés par des activités sociales avec l’ouverture à Marabadiassa d’une grande université privée agricole et d’un hôpital général de troisième génération.

Qu’est-ce qui fait la différence entre ce programme et celui que l’État avait lancé en son temps ?

Notons que le programme de l’État est global et multidimensionnel alors que celui de MANY SA concerne, pour le moment, uniquement la chaîne de valeur riz. Notre force réside dans notre capacité à bien valoriser les infrastructures de base créées par l’État (routes, barrages, électricité, internet, etc.) et à exploiter des modèles de développement économiques innovants prenant en compte les réalités paysannes, en particulier, la grande diversité des systèmes de production, la pratique multiséculaire de la diversification et de l’association des cultures. Le PDIAA entre dans ce cadre.

Au plan cultural, quelles sont les innovations agricoles que vous apportez ?

La première innovation est que nous comptons gérer de manière autonome les travaux relatifs à la préparation des sols, aux entretiens des cultures et à leurs récoltes. Tout ceci va être mécanisé, avec un personnel de qualité et des machines de dernière génération. En plus de la mécanisation, il y aura des usines de décorticage du riz. Celles-ci consomment beaucoup d’électricité. Aussi, des unités de bio-gazéification fonctionnant à partir de déchets produits sur place (balles et tiges de riz, déchets de mangues et épluchures de manioc) seront installées. C’est-à-dire de l’énergie propre que nous allons utiliser à la place de l’énergie électrique provenant du pétrole. La troisième innovation concerne le mode d’intervention de proximité avec, notamment, des techniciens qui travaillent directement avec les producteurs dans une approche filière intégrant les connaissances endogènes des agriculteurs. Tout ceci nous permettra de réaliser la révolution agricole de manière pragmatique et selon un timing bien ficelé.

À ce jour, à combien peut-on évaluer la quantité de riz consommée par habitant en Côte d’Ivoire et un peu partout en Afrique ?

En Côte d’Ivoire et en Guinée, c’est autour de 90 kilogrammes par habitant et par an, ce qui est déjà beaucoup, comparé à 50 ans en arrière où c’était le tiers. Il faut noter qu’au niveau sous-régional, la Sierra-Léone est le plus gros consommateur de riz avec une moyenne qui se situe autour de 120 kilogrammes par habitant et par an. Ces importantes consommations de riz continuent de grandir si bien que la Côte d’Ivoire a d’énormes problèmes à faire face à la demande nationale. Ainsi, chaque année, le pays doit importer environ 1 million de tonnes pour un coût de 235 milliards Fcfa. On note une désharmonie en Afrique entre l’augmentation de la consommation et celle de la production. En effet, tandis que la production augmente de 4,6%, les consommations croissent de 6,2%. Pire, les rendements peinent à décoller. Ils ont évolué de 1,04 T/ha en 2008 à 1,35 T/ha en 2015 (USDA, 2016). Ainsi, la production de riz en Côte d’Ivoire peine à suivre le rythme de la consommation intérieure portée par la croissance démographique, l’urbanisation et le changement du régime alimentaire.

Si la tendance continue, l’Etat devra mobiliser quelque 300 milliards Fcfa par an pour combler le gap de consommation de riz. Cette situation est inadmissible car, en plus d’injecter des milliards en devises étrangères dans les économies asiatiques, on s’expose à une instabilité des marchés due à plusieurs facteurs (changements climatiques, instabilités politiques,  etc). La pandémie de Covid -19 montre à quel point, il est risqué de dépendre de l’extérieur pour sa nourriture. Il revient donc au pays d’inverser la tendance au plus vite.

Grâce à votre technologie à Dabakala, les agriculteurs de riz sont passés à plus de 4 tonnes à l’hectare. Comment expliquer une telle performance ?

C’est tout simplement une question de connaissance du milieu et de pratiques culturales, mais également de moyens mis à la disposition des agriculteurs. Comprenez qu’en plus de cela, nous assurons un encadrement rapproché des agriculteurs. Nous dégageons des moyens modernes pour les opérations de travail des sols, de récoltes et post-récoltes (tracteurs, moissonneuses-batteuses, vanneuses, etc.) et de gestion des périmètres (GPS, drones, Rice-Advice …) Nous aidons aussi les agriculteurs à faire face aux opérations de repiquage. Tout cela nécessite des moyens financiers importants que la société MANY SA préfinance en relation avec les bailleurs de fonds. Il s’agit bien d’une bagatelle de 500 000 Fcfa à l’hectare qui seront remboursés en nature pour une partie à la récolte à la société, ou comme fonds d’intrants. À cela s’ajoute un accompagnement en termes de partages de connaissances à travers des ateliers pratiques in-situ où le producteur apporte son savoir-faire en tant qu’expert connaissant bien son environnement. Pour la première campagne que nous venons de boucler, les producteurs ont bien apprécié la démarche à tel point qu’ils demandent de répéter l’expérience.

Pouvez-vous nous expliquer les échecs des différents programmes que vous aviez initiés dans le cadre de l’autosuffisance en riz ?

Plusieurs facteurs expliquent les échecs de ces programmes dont j’ai participé à la conception. En 2008, j’étais encore au Centre d’investissements de la FAO à Rome, qui contribue au montage des programmes de développement des États et institutions internationales (FIDA, BAD, Banque mondiale…). En ces temps-là, j’étais surtout concerné par les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre et Madagascar. Nous avions travaillé à trouver des solutions à la crise alimentaire d’alors provoquée par le manque de céréales (riz, maïs, blé) dû à des spéculations qui ont déstabilisé les pays africains. Cette situation a provoqué la colère des populations dans plusieurs pays suite à des augmentations de prix.

À Abidjan, par exemple, le prix du kilogramme de riz de grande consommation était passé de 240 Fcfa (janvier 2008) à 400 F CFA (fin mars 2008), soit une augmentation de 64% en trois mois. C’est dans ces conditions que nous sommes venus en urgence pour envisager des solutions en collaboration avec les ministères de l’Agriculture et de l’Economie et des Finances. La bagatelle de 13 sur 17 milliards Fcfa requis avait alors été mobilisée en appui aux ménages. Elle comprenait entre autres : l’achat et la distribution de semences et intrants (engrais NPK et urée, herbicides), l’achat et l’installation de décortiqueuses, l’achat et la distribution de motoculteurs, de batteuses et de bâches, l’aménagement d’aires de séchage de paddy, la réhabilitation d’ouvrages d’irrigation, l’appui à la commercialisation et le renforcement des capacités des acteurs (appui-conseil aux riziculteurs et aux coopératives, formation des opérateurs, sensibilisation des riziculteurs).

Qu’est-ce qui explique cela ?

Il y avait quelques tensions politiques. Comprenez que je suis arrivé fin mai et le programme a été monté en juin. Je suis resté ici jusqu’au 15 juillet. À cet effet, la réaction des bailleurs était que nous n’étions plus dans l’urgence, d’autant plus que ceux qui devaient utiliser ces financements, c’est-à-dire les agriculteurs de l’agriculture familiale auraient déjà trouvé d’autres solutions pour leurs cultures. La crainte était que ces fonds ne soient utilisés à des fins politiques durant les élections qui devaient avoir lieu quelques mois plus tard.

‘’La Côte d’Ivoire a besoin de 2,5 millions de tonnes de riz blanchi pour se nourrir’’

Il faut reconnaître qu’il y a eu plusieurs programmes d’urgence en Afrique. Mais, comme dans la plupart des cas, ils n’aboutissent pas, les financements étant captés ailleurs par des personnes tapies dans l’ombre. L’année dernière, nous avons obtenu en réponse à la crise sanitaire du Covid-19, à travers le Padfa (Programme d’appui au développement des filières agricoles) un programme d’urgence financé par l’État de Côte d’Ivoire et le FIDA. Il s’est soldé par un succès parce que nous avons réussi à doter une centaine d’organisations paysannes (OPA) des localités ciblées des régions du Poro, du Tchologo, de la Bagoué, du Hambol et du Gbéké) en semences, engrais, herbicides et insecticides. Les agriculteurs ont pu ainsi cultiver dans la sérénité et faire de belles récoltes. Actuellement, ils sont engagés pour la deuxième saison en zone irriguée. Nous saluons ce programme d’urgence qui est le seul, parmi tant d’autres, à être couronné de succès car les producteurs ont reçu la quasi-totalité des semences et intrants commandés.

Malgré tous les programmes en faveur du développement du riz en Côte d’Ivoire, les producteurs restent inquiets. Qu’est-ce qui peut bien expliquer une telle situation ?

Il faut dire que ces programmes peuvent représenter un montant global de 200 milliards Fcfa, voire plus. On compte parmi eux, entre autres : le Propacom (Projet d’appui à la Production agricole et à la Commercialisation extension ouest), le 2PAI (Projet de pôle agro-industriel) nord, le 2PAI centre, le Padfa (Programme d’appui au développement des filières agricoles) et le Proril (Projet de promotion du riz local). Il n’y a donc pas de problème de budget, mais plutôt des problèmes d’organisation, de déblocage, à temps, de financements, de réponses aux préoccupations de l’heure et de disponibilité d’expertise sur le terrain. Les gens ne s’en rendent pas compte, mais la Côte d’Ivoire a connu une crise qui a duré 12 ans et qui a beaucoup impacté la question de l’expertise. L’expertise tend à se faire rare et ne se retrouve que chez les Séniors (ou doyens dans le jargon local). La relève n’existe malheureusement pas.

‘’Quand bien même les problèmes techniques ont trouvé des réponses, il faut que les agriculteurs africains  puissent bénéficier de subventions pour relever le défi de l’autosuffisance’’

Aujourd’hui, nous avons tous les problèmes pour trouver des cadres moyens tels que les techniciens supérieurs. Nous sommes obligés de recourir à de jeunes titulaires du BTS (Brevet de Technicien Supérieur) que nous recrutons directement à la sortie de l’école et que nous formons au métier d’agriculture moderne respectueuse de l’environnement.

Par ailleurs, les agriculteurs ne trouvent pas de semences certifiées, ni d’intrants de qualité, ni d’équipements. De plus, ils n’ont pas accès aux financements.

Que prévoit la Stratégie nationale de développement du riz (SNDR) par rapport à la lutte pour l’alimentation en riz ?

À ce niveau, la SNDR prévoit que l’autosuffisance en riz sera une réalité en 2025. Et au-delà de cette période, des stocks de sécurité pourront être constitués de sorte que la Côte d’Ivoire devienne exportatrice de riz. Il y a certes des lourdeurs en matière de mobilisation des financements, mais l’Aderiz (Agence pour le développement de la filière riz) fait ce qu’elle peut. C’est pourquoi nous devons mutualiser nos efforts pour que chaque fois que des financements sont mobilisés, ils soient dégagés, à temps, pour pouvoir avancer. À noter qu’avec le Programme d’urgence (PUR_2020), au mois de juin 2020, il nous avait été quasi impossible de livrer les semences à cause des questions de signatures non apposées. Les montages étant très lourds, c’est seulement au mois de novembre 2020 que nous avons eu l’autorisation officielle et, en février 2021, que la livraison des semences a pu commencer à se faire. Et pourtant, l’agriculture demande des réponses précises à des moments précis. Le secteur privé est à ce niveau beaucoup plus efficace en termes de réaction.

Peut-on évoquer, à l’avenir, penser à une subvention aux producteurs en vue de réaliser leur rêve ?

Je pense que cela sera nécessaire si l’on veut avancer vite et bien. La réalité est que l’agriculture coûte cher. Tenez-vous bien ! il a fallu combiner les efforts de trois institutions pour aider les producteurs de Dabakala à obtenir de bons résultats durant la première saison de 2021. En effet, pour chaque hectare, 500 000 FCFA ont été mobilisés répartis, comme suit :

300,000 FCFA de la société MANY SA comprenant :

-200,000 FCFA des projets d’urgence FIDA / PADFA et CORIZ / GIZ / AfricaRice et FIDA / PADFA:

Ces fonds d’urgence doivent être vus comme des subventions mais sur une courte période. L’idéal serait néanmoins de les répéter sur une longue période, le temps de rendre les pays africains autosuffisants en vivriers. À ce propos, la position de certains intellectuels est tout de même bizarre. Je les invite à revisiter l’histoire des peuples d’Europe, d’Asie, des États-Unis et d’Amérique Latine pour comprendre que dans ces continents, les subventions ont permis de mettre l’agriculture sur la rampe de lancement.

‘’Si le pays veut travailler à s’autosuffire en riz, il faut désormais qu’il s’attèle à retenir la moitié des 235 milliards Fcfa ici’’

Les pouvoirs publics ont vite compris qu’il fallait, avant tout, développer l’agriculture (ou secteur primaire) pour disposer de matières premières et prétendre à un développement harmonieux. Ensuite, viennent la transformation pour la valeur ajoutée (ou secteur secondaire) et la commercialisation ainsi que les services (ou secteur tertiaire). Les avantages des subventions, si elles sont bien encadrées, peuvent se résumer comme suit:

Dans le cas, par exemple de l’Inde, plusieurs types de subventions sont utilisés. Ils concernent : les engrais, l’irrigation, l’électricité, la semence, le crédit, les prix, les infrastructures et l’export.

Je dois rappeler que dans le cas de l’Europe, les subventions ont permis de régler le problème de la faim et de faire redémarrer l’économie des pays entre 1957 et 1962. Il appartient maintenant aux gouvernants africains  de donner l’occasion aux agriculteurs d’évoluer dans un environnement sécurisé. Cela avait été le cas du temps du Président Félix Houphouët-Boigny ; ce qui avait permis à la Côte d’Ivoire d’être autosuffisante en riz dans les années 1974.

Comment pensez-vous réussir la révolution de l’autosuffisance en Côte d’Ivoire et en Afrique ?

Il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte au nombre desquelles la bonne gouvernance, les réformes foncières pour favoriser la mécanisation dans les parcelles, la recherche-développement avec les petits exploitants agricoles, l’éducation et, pour ne pas répéter les erreurs de la révolution verte, la préservation de la biodiversité et des écosystèmes. Tout ceci nécessite des ressources financières importantes qui sont pour la plupart du ressort de l’Etat. Je pense, à cet effet, qu’un fonds de développement devra être mis en place avec pour objectifs spécifiques de : accroître les disponibilités de crédits en vue de recapitaliser les agriculteurs et dé-risquer les différents financements destinés au développement de la chaîne de valeur du riz. Ce fonds devra s’inspirer du Plan Marshall qui a permis aux pays européens de réussir la révolution agricole. Mais en attendant, il faudra un fonds de garantie de 30 milliards Fcfa, confié à un comité ad hoc, pour garantir des prêts aux Leaders de pôles en appui aux petits exploitants agricoles. En principe, une période de 5 ans sera suffisante pour produire assez de riz et stopper les importations. Il faudra aussi ouvrir de nouveaux aménagements, mais surtout valoriser les énormes plaines inondables du pays.

Cela est-il lié à une mauvaise gestion ?

Pas vraiment, mais il fallait mettre des balises comme cela a été le cas en Europe avec la coordination de l’utilisation des fonds du Plan Marshall par une organisation intergouvernementale – l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, devenue l’OCDE en 1961). Par la suite, Il y a eu la mise en place de la PAC (Politique agricole commune). Quand bien même les problèmes techniques ont trouvé des réponses, il faut que les agriculteurs africains  puissent bénéficier de subventions pour relever le défi de l’autosuffisance. Il est important de protéger le riz produit en Afrique car il est naturel et biologiquement sain.

Aujourd’hui, quels sont les moyens dont la Côte d’Ivoire a besoin pour s’autosuffire en riz ?

Je voudrais indiquer que les 235 milliards Fcfa correspondent aux coûts d’importation de 1 million de tonnes de riz blanchi. Actuellement, la Côte d’Ivoire a besoin de 2,5 millions de tonnes de riz blanchi pour se nourrir. Si le pays importe 1 million de tonnes, il est clair que le gap de 1,5 tonne est produit localement par les familles et les exploitants agricoles. Aussi, si le pays veut travailler à s’autosuffire en riz, il faut désormais qu’il s’attèle à retenir la moitié des 235 milliards Fcfa ici. Cela va se traduire subséquemment par la création d’emplois pour les jeunes et les femmes dans les champs, les usines et le commerce, mais également, par plus d’impôts et de taxes pour l’État. Le cas de Dabakala, une zone d’orpaillage est révélateur. Ici, 90% des agriculteurs sont des jeunes dont l’âge varie entre 20 et 40 ans. Ils ont tous eu plus de 5 tonnes à l’hectare, ce qui veut dire que chacun d’eux empochera au minimum 1 500 000 Fcfa en 4 mois de labeur. C’est peut-être le point de départ de la révolution agricole en Côte d’Ivoire.

Interview réalisée à Dabakala par  Sériba Koné

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