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[Interview] Eba Kamenan Joseph, l’ancien morguier devenu maire de M’Batto parle

''Comme chef de la zone Centre-est, j’avais la responsabilité de six morgues.''

‎-« Les  52 millions FCFA de budget qui nous sont alloués par l’Etat sont engloutis par les salaires »

Il s’appelle Eba Kamenan Joseph. Un ancien morguier devenu maire de M’Batto, une ville du centre-est de la Côte d’Ivoire dans la région du Moronou. Dans l’interview qui suit, M. Eba Kamenan explique pourquoi, il garde la casquette ‘’Indépendant’’ et plante un décor peu encourageant quant au budget de fonctionnement qu’octroie l’Etat.

L’on vous connaît comme ‘’morguier’’. Parlez-nous de votre vie antérieure. Vous travailliez dans quelle société ?

C’était une société de pompes funèbres basée à Anyama et avec des succursales un peu partout en Côte d’Ivoire. Dans ma zone de compétence, je dirigeais Arrah, Agnibilékro, M’Batto, Ouéllé, Sakassou. Comme chef de la zone Centre-est, j’avais la responsabilité de six morgues. En 2000, j’ai demandé au comptable de la mairie feu Koffi Brou François, de se présenter aux élections municipales. J’étais son directeur de campagne et il a battu celui qui nous avait renvoyé de la mairie. Il a exercé jusqu’en 2004 avant d’être emporté par la mort. En ces temps-là, j’étais conseiller municipal. Entre temps, en 2010, j’ai été élu président des jeunes de M’Batto. À l’approche des municipales, j’ai été appelé par la maman Aka Véronique qui m’a encouragé à me présenter. Fort du soutien de la jeunesse, je m’y suis engagé. Et nous sommes parvenus à faire mentir tous les pronostics en notre encontre.

À combien de personnes pouvez-vous évaluer la population de votre commune ?

Elle est évaluée à 42.000 habitants pour 7 villages.

Votre commune est relativement petite. À combien s’élève le volume des recettes que vous déposez au Trésor public ?

Cela dépend des recettes journalières qui peuvent varier selon les jours. Il y a des jours où les recettes peuvent atteindre les 130.000 FCFA et des jours, notamment les périodes creuses, descendre à 95.000 FCFA. Au total, au niveau du marché uniquement, nous mobilisons mensuellement la somme de 4 millions FCFA.

Sur cette base, il est clair que le budget de fonctionnement dont vous disposez est très insignifiant…

Vous n’avez pas tort de le dire. Et c’est la raison pour laquelle, d’ailleurs qu’au niveau de l’Uvicoci (Ndlr : Union des villes et communes de Côte d’Ivoire), nous n’arrêtons pas de plaider auprès du président Gilbert Kafana Koné, en vue de l’augmentation des budgets des petites municipalités comme M’Batto. Comprenez que les  52 millions FCFA de budget qui nous sont alloués par l’Etat sont engloutis par les salaires.

Cependant, le constat est que vous êtes parvenu à réhabiliter la mairie, plusieurs établissements scolaires du primaire, construire deux foyers de jeunes dans les villages d’Akpessekro et d’Assoumoukro et doter plusieurs quartiers de marchés couverts. Toutes ces réalisations entrent-elles dans le budget alloué à la mairie ?

Ce que vous venez d’énumérer est bien au-dessus de mes recettes. D’ailleurs, vous n’avez pas tout cité, d’autant plus que nous avons réhabilité les foyers des jeunes de trois villages dont Ahounan, Assoumoukro et Asse-Akpessé. Comprenez toutefois que le budget est minime. Ces réalisations sont le fruit de mes relations personnelles.

Vous avez en projet la dotation en électricité solaire de certains foyers de la commune. Ce qui nécessite d’importants moyens. Où allez-vous trouver les ressources nécessaires pour réaliser ce projet ?

Je tiens à préciser que ce n’est pas la mairie qui va réaliser ce projet. Sa réalisation est confiée à une entreprise. Il s’agit de Daoukro Energie qui a réussi le même projet à Daoukro. Par le truchement du PCA de la société, N’Da Komoé qui est un ami, j’ai décidé de l’expérimenter dans la commune de M’Batto. La contribution de la mairie se limite à la parcelle de 1500 hectares octroyés.

À combien estimez-vous le nombre de jeunes qui pourront bénéficier d’un emploi direct à travers ce projet ?

Le PCA N’Da Komoé nous garantit plus de 400 emplois directs.

Quel est votre secret pour réussir autant de projets dans la gestion de la mairie de M’Batto ?

Je crois aux vertus de l’humilité et de la courtoisie. Grâce aux prières de mes parents, quand je me rends à Abidjan pour des rendez-vous, j’en reviens les bras chargés de projets pour le développement de notre cité.

Au niveau environnemental, les ordures sont collectées partiellement. Comment organisez-vous la collecte de ces déchets ?

J’avoue que ce n’est pas une tâche facile pour les maires de l’intérieur du pays. Les moyens matériels nous font terriblement défaut dans l’exercice de cette tâche essentielle. Certes, nous avons bénéficié d’un tracteur, mais il date de 2010. Son âge est un frein à son véritable rendement. Il est actuellement garé à cause d’une panne mécanique. Mais grâce à de bonnes volontés, nous arrivons tant bien que mal à collecter les ordures dans notre localité.

Monsieur le Maire, vous avez été élu sous la bannière de ‘’Candidat indépendant’’ ; toutefois, il revient que vous roulez en réalité pour le Pdci ou pour le Fpi. Qu’en est-il exactement ?

Comprenez que je suis obligé de composer avec tout le monde. Pour preuve, j’ai même fait la campagne du Président de la République. Je reçois tous ceux qui peuvent m’aider à transformer ma localité et aider les populations. C’est dans ce cadre que nous avons reçu le Président de l’Assemblée Nationale (Ndlr : Guillaume Kigbafori Soro) qui a profité de son séjour pour inaugurer une école primaire qui porte son nom.

Avez-vous l’intention de briguer un deuxième mandat à la tête de la mairie de M’Batto ?

En effet, je nourris l’ambition de briguer un autre mandat. Voyez-vous, nous avons commencé plusieurs projets pour l’essor de notre ville. Certes beaucoup sont achevés, mais il en reste encore sous forme de chantiers. Evidemment, notre souhait est de les achever et les mettre à la disposition de nos populations. Cela passe nécessairement par un autre mandat.

Entretien réalisé par Le Montagnard à M’Batto

Encadré

Eba Kamelan Joseph

Faites connaissance avec le morguier devenu maire. Je suis natif de M’Bato. Je suis né le 20 novembre 1961 à M’Bato. J’ai pour père feu Kamenan Eba et pour mère feue Ahoundjo Adjoua Colette. Depuis un moment, je suis à M’Bato. J’ai  fait mes études primaires à M’Bato, puis le secondaire dans la ville d’Agboville avant de m’engager à l’aventure à Abidjan où j’ai obtenu un emploi de contractuel à Café Côte d’Ivoire. A la suite de mon licenciement, je suis revenu à M’Bato. Avec l’érection de la localité en mairie, l’ex-maire, feu Alla Brou Fulgence m’adopta comme son homme de main. Je l’accompagnais lors de ses tournées et voyages. Ce qui a été couronné par mon engagement comme agent municipal de 1985 à 1990 à la mairie de M’Bato. Malheureusement, son successeur Konan N’Goran qui a trouvé que j’étais trop proche de son prédécesseur m’a remercié avec deux autres agents Kamenan Krou Etienne et Sindou Dosso. Dans nos démarches, nous avons pu rencontrer le Président Henri Konan Bédié. Celui-ci nous a remis des documents que nous avons acheminés au ministère de l’Intérieur au temps de M. Albert Oba. Sur instructions de M. Oba, le Maire Konan N’Groan devait nous autoriser à reprendre le service. Malheureusement, celui-ci y opposa une fin de non recevoir. Raison évoquée, il a indiqué qu’il ne voulait pas se dédire. Grâce au soutien du Président Bédié qui nous recommandait la sérénité, nos droits ont été payés. A la faveur de la création d’une entreprise par le Maire Alla Brou Fulgence avec des partenaires, j’ai été coopté pour être son représentant au sein de l’entreprise localisée dans la ville d’Anyama où j’ai passé un an et six mois. Après le stage, j’ai été muté dans la ville d’Arrah comme chef de zone.

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