[Interview exclusive] Journée Internationale Nelson Mandela : Mme Ouattara épse Kignaman Soro (Drap) de Bouaké explique les enjeux

[Interview exclusive] Journée Internationale Nelson Mandela : Mme Ouattara épse Kignaman Soro (Drap) de Bouaké explique les enjeux

Crocinfos vous propose l’interview exclusive avec Mme Ouattara épouse Kignaman Soro avant la journée portes ouvertes organisée par la Drap de Bouaké le 18 juillet 2024, à l'occasion de la Journée Internationale Nelson Mandela.

Bouaké, Côte d’Ivoire, le 17 juillet 2024 (crocinfos.net)—À l’occasion de la Journée Internationale Nelson Mandela, célébrée chaque 18 juillet, la délégation régionale de l’administration pénitentiaire (Drap) de Bouaké organise une journée portes ouvertes, le jeudi 18 juillet 2024. Cet événement a pour objectif de sensibiliser le public aux enjeux de la réhabilitation des détenus et de favoriser une meilleure compréhension du système pénitentiaire. Pour mieux comprendre les objectifs et les activités prévues pour cette journée spéciale, Crocinfos a interviewé Mme Ouattara épouse Kignaman Soro, déléguée régionale de l’administration pénitentiaire (Drap) de Bouaké.

Crocinfos : Présentez-nous la délégation régionale de l’administration pénitentiaire (Bouaké)…

Mme Ouattara épse Kignaman Soro : La délégation régionale de bouaké regroupe la Maison pénale de Bouaké, la Maison d’arrêt et  de correction de Bouaké, de Katiola, Toumodi, Dimbokro, M’Bahiakro, Bongouanou, et la ferme de Saliakro ( Dimbokro)

Dans le cadre de la célébration de la journée internationale Nelson Mandela, votre délégation organise une journée porte ouverte. Que représente cette journée ?

La journée internationale Nelson Mandela est célébrée le 18 juillet de chaque année dans toutes les prisons du monde, afin de commémorer la contribution de Nelson Mandela à la promotion d’une culture de paix. Le 18 Juillet correspond à la date anniversaire de Nelson Mandela (né le 18 Juillet 1918). En gardant à l’esprit le souvenir de Nelson Mandela qui a dû passer 27ans de sa vie en prison. L’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU), en décembre 2015, a adopté l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus  en tant que ” Règles Nelson Mandela “.

Les principaux objectifs de cette journée sont entre autres, la promotion des conditions de détention humaine; en d’autres mots, agir pour le changement en milieu carcéral en sensibilisant l’opinion sur le fait que les personnes détenues continuent de faire partie de la société et de reconnaître l’importance particulière du travail accompli par le personnel pénitentiaire.

Comment cette journée peut-elle contribuer à sensibiliser le public sur les défis rencontrés par le système pénitentiaire en Côte d’Ivoire ?

Cette journée est une journée portes ouvertes; ce qui signifie déjà que les autorités de notre administration offrent la possibilité au public de visiter nos établissements pénitentiaires. En le faisant, le public voit ce qui se passe en termes d’organisation du travail pénitentiaire et surtout l’implication de tous les services dans la prise en charge des détenus, depuis leur déferrement  jusqu’à leur libération.

Quelles sont les activités prévues et quelle sera la contribution des détenus ?

Pour cette année, plusieurs activités sont au programme. Il s’agit entre autres, d’une conférence sur le thème « Agir pour le changement en milieu carcéral », des matchs de gala, des causeries-débats sur des thèmes en rapport avec la réinsertion des détenus, des expositions-ventes des objects confectionnés par les détenus eux-mêmes et enfin le partage d’un repas amélioré.

La vétusté de la plupart des prisons est un problème crucial.

Ici les détenus feront valoir leur savoir-faire. En effet, dans notre politique de réinsertion, ils fréquentent nos ateliers de formation et apprennent des métiers qui peuvent leur apporter un plus une fois, libérés de prison. Il s’agit de l’artisanat, la couture, la pâtisserie, la broderie, la fabrication de savons (solide et liquide) etc. Bref, l’occasion leur sera donnée d’exposer leur savoir-faire en étant privé de liberté.

Quels sont messages ou quelles sont les valeurs associées à Nelson Mandela souhaiteriez-vous transmettre à travers cette initiative ?

Nelson Mandela a passé 27 ans de sa vie en prison. Cela ne l’a pas empêché d’être déterminé et de s’engager profondément pour la justice et les droits de l’homme, d’avoir une conviction profonde dans l’égalité et la dignité de chaque être humain. Ce sont ces valeurs que nous souhaitons transmettre à travers cette initiative.

‘’Le rôle de la communauté  est donc  plus que déterminant dans la réintégration réussie du détenu.’’

L’emprisonnement n’est pas une fin en soi, mais le début d’un combat pour réinstaurer sa dignité. Cela se fait par le respect qu’on leur doit même s’ils sont en détention, de les aider, de les écouter afin qu’ils aient la force de se reconstruire.

En quoi la réhabilitation des détenus est-elle importante pour la société et comment cette journée peut-elle y contribuer ?

La réhabilitation des détenus est importante pour la société car elle gagne beaucoup. D’abord, elle fait non seulement perdurer la paix, la tranquillité et la sécurité dans la société, mais aussi, elle est le meilleur moyen pour éviter la récidive de façon durable. Il faut noter que des milliers de personnes sont en détention alors que cela peut constituer aussi une main d’œuvre très importante dans les usines, dans les plantations, etc. La réhabilitation ou la réinsertion post carcérale se fait d’abord en amont ; c’est à dire  au sein de la prison en faisant apprendre un métier aux détenus, en leur inculquant la notion de travail pour vivre dignement après leur libération de la prison. Ce sera donc l’occasion pour la journée Nelson Mandela de montrer au public le savoir-faire de nos pensionnaires.

Quel rôle la communauté peut-elle jouer pour soutenir la réinsertion des détenus après leur libération ?

D’abord, il faut savoir qu’une communauté est un regroupement de personnes qui inter agissent et vivent dans un lieu commun. Il faut donc, avant la libération du détenu, faire un travail en amont en visitant et en sensibilisant  cette communauté  sur l’aide et  l’assistance qu’elle doit apporter au détenu afin que ce dernier ne se sente pas rejeté  et qu’il puisse se réinsérer dans la société  sans grande difficulté . Elle doit tout mettre en œuvre  pour l’accepter comme un membre de la communauté à travers la confiance. Le rôle de la communauté  est donc  plus que déterminant dans la réintégration réussie du détenu.

Comment l’administration pénitentiaire de Bouaké travaille-t-elle en collaboration avec d’autres acteurs pour améliorer  les conditions de détention  et  favoriser la réinsertion  des détenus ?

Cette question fait appel aux différents partenaires que nous sollicitons et qui nous aident  dans l’amélioration des conditions de détention. À cet effet, il faut noter que la collaboration est bonne et nous mettons tout en œuvre pour maintenir le cap, car l’administration elle seule ne peut pas tout faire. Nous travaillons donc en symbiose et en synergie.

’Pour le problème de la surpopulation carcérale, la surcharge est un risque pour la sécurité, mais aussi dénote des conditions de détentions inhumaines.’’

Nous les sollicitons toutes les fois que nous avons besoin d’eux. Aussi, pour leur faciliter l’accès  du pénitencier, une autorisation leur est-elle délivrée par l’autorité compétente afin qu’ils mènent leurs activités comme il se doit. Tout se fait sous la supervision du personnel pénitentiaire.

Quels sont les principaux défis auxquels est confronté le système pénitentiaire en Côte d’Ivoire et les solutions envisagées ?

Les principaux défis auxquels est confronté le système pénitentiaire en Côte d’Ivoire sont entre autres, la surpopulation carcérale, la vétusté de la plupart des prisons, l’absence de caméras de surveillance… Pour le problème de la surpopulation carcérale, la surcharge est un risque pour la sécurité, mais aussi dénote des conditions de détentions inhumaines.

Pour pallier aux défis énumérés plus haut, les lieux de détention sont en réhabilitation et de plus en plus le personnel pénitentiaire est formé sur les droits et devoirs dans ce milieu spécial.

Comment envisagez-vous de changer les perceptions du public sur les détenus et le système carcéral en général ?

Comme nous l’avons signifié un peu plus haut, le but de cette journée portes ouvertes  est de permettre au public de visiter et voir ce qui se passe dans une maison d’arrêt. Cela brise le mystère sur cet endroit interdit au public en général et permet de changer la perception sur le système. Ici, le public a l’occasion de parler avec les détenus ainsi que le personnel en charge de leur encadrement, visiter les locaux, notamment le service social, médical, les ateliers de formation…etc.

Pour l’amélioration de la politique de réhabilitation et la promotion de la justice réparatrice dans la région, quels projets prévoyez-vous ?

Dans le cadre pénitentiaire, il nous faut œuvrer  pour la création d’autres ateliers de formation afin de varier les métiers d’apprentissage. Cela incitera les détenus à fréquenter les ateliers et mettra fin à la routine.

’Le but de cette journée porte ouverte  est de permettre au public de visiter et voir ce qui se passe dans une maison d’arrêt. Cela brise le mystère sur cet endroit interdit au public en général et permet de changer la perception sur le système.’’

Au-delà de cet aspect, nous envisageons impliquer la société dans l’amélioration de la politique de réhabilitation des détenus, car il faut toujours  la participation de la communauté locale, des religieux et surtout de la famille du détenu lui-même. Pour la promotion de la justice réparatrice dans la région, il faut pousser la résolution des problèmes vers la voie non judiciaire ; c’est-à-dire chercher à régler les différends en donnant la possibilité à ceux qui ont subi un préjudice et à ceux qui en assument la responsabilité de communiquer par la voie de la médiation. En d’autres termes, c’est revenir à nos valeurs ancestrales pour les règlements des conflits “sous l’arbre  à palabres.”

Interview réalisée par  François M’BRA II, Correspondant Région de Gbêkê.

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