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[Interview sur la crise ivoiro-burkinabé] Sawadogo Lassana s’exprime

Sawadogo Lassana, Burkinabé naturalisé

Abidjan, le 22 octobre 2024 (crocinfos.net) – Sawadogo Lassana, président de Génération solidaire pour la paix et le développement (GSPD), aborde avec gravité la crise entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. D’origine burkinabé, naturalisé ivoirien, il exprime son désarroi face aux tensions entre le capitaine Ibrahim Traoré et le président Ouattara. Pour Lassana, ces relations conflictuelles, bien que gênantes pour les Burkinabè naturalisés, trouveront une solution dans la sagesse.

Il en appelle aussi à l’engagement citoyen, exhortant ses compatriotes naturalisés à s’inscrire sur la liste électorale, condition sine qua non pour participer au futur politique ivoirien. Cette démarche, selon lui, témoigne de leur reconnaissance envers la Côte d’Ivoire, un pays qui a su offrir paix et stabilité à cette communauté.

Vous êtes naturalisé ivoirien depuis 2016. Vous êtes d’origine burkinabé. Comment êtes-vous arrivé en Côte d’Ivoire ?

Tout d’abord, je voudrais vous remercier de l’opportunité que vous me donnez de parler de notre structure. Je suis né à Gagnoa, d’une mère elle-même née à Gagnoa. Ma naturalisation est survenue en 2016 par la loi N° 2013-653 du 13 septembre 2013 portant dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité ivoirienne par déclaration, suite aux accords politiques de Linas Marcoussis.

En tant qu’ivoirien d’origine burkinabé, Comment vivez-vous la situation qui prévaut au Burkina où le capitaine Ibrahim Traoré dirige le pays depuis septembre 2022 ?

Notre vœu le plus ardent, est que le Burkina Faso retrouve sa quiétude, quand on sait la difficulté des déplacés du terrorisme, les enfants qui ne peuvent plus aller à l’école, cela nous attriste et nous souhaitons la paix, que toutes les forces vives sans distinction se mettent ensemble pour sauver la patrie en danger.

Le nouvel homme fort du Burkina entretient des relations conflictuelles avec les dirigeants ivoiriens, notamment, le président Alassane Ouattara qu’il traite de tous les noms d’oiseaux. Comment vivez-vous cette situation ?

A la vérité, c’est gênant pour nous, les Ivoiriens d’origine burkinabé. Les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina anciennement Haute Volta remontent aux années 1920. La Basse Côte d’Ivoire et la Haute Côte d’Ivoire formaient un seul pays. À l’Assemblée nationale française, Ivoiriens et Voltaïques étaient représentés par les mêmes députés, à savoir, Félix Houphouët-Boigny, Philippe Zinda Kaboré et Daniel Ouezzin Coulibaly. Les deux Etats étant étroitement liés par l’histoire, la géographie, par les populations et différents brassages. Ils ont vécu en bonne intelligence, en dépit de quelques crises socio-politiques survenues au fil des années. Pour revenir à votre question, j’ai bon espoir que la raison et la sagesse finiront par prévaloir et que vont s’aplanir les différends entre les deux pays, s’ils en existent. À la suite de la rébellion de septembre 2002, c’était aussi tendu entre les présidents Gbagbo et Compaoré. Puis, les choses étaient rentrées dans l’ordre, puisque je rappelle que c’est à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, que les protagonistes de la crise ivoirienne ont signé l’accord dit de Ouagadougou qui a permis que soit organisée l’élection présidentielle de 2010. Je crois donc que cette tension entre les deux pays va aussi passer. D’autant que le président Alassane Ouattara est un père pour le capitaine Ibrahim Traoré.

En tant qu’Ivoirien naturalisé, la loi vous donne 5 ans pour être électeur et 10 pour être éligible. Êtes-vous inscrit sur la liste électorale ?

Bien évidemment, je suis inscrit sur la liste électorale pour exercer les droits que me confère la loi. Je ne saurais donc rester indifférent à tout ce qui touche ce beau pays qui m’a vu naître et à qui je suis entièrement redevable. Je profite d’ailleurs de vos colonnes pour lancer un appel à toute personne justifiant sa nationalité à s’inscrire sur la liste électorale. Vous avez mis en place une structure dénommée Génération solidaire pour la paix et le développement, en abrégé (GSPD).

Quelles missions assignez-vous à cette association dont vous êtes le président ?

Génération solidaire pour la paix et le développement (GSPD) est née il y a un an sur les cendres d’une structure qui s’appelait Union des jeunes d’origine burkinabé en Côte d’Ivoire (Ujobci) et que nous avons créée avec nos devanciers et doyens, notamment, feu Adama Sankara (il fut fonctionnaire au ministère des Transports), feu Ouédraogo Boniface (maire délégué de Koumassi et ex-conseiller économique et social), feu Ouédraogo Bilasse (professeur de lycée), feu Salogo Mohamed (opérateur économique) et j’en passe… Qui se sont battus pour la reconnaissance de la citoyenneté ivoirienne des ayant-droits. Entre autres objectifs, nous voulons promouvoir le civisme, le respect des valeurs de la République en vue de susciter l’émergence d’un Ivoirien nouveau, respectueux des lois pour l’égalité des chances entre tous les Ivoiriens, qu’ils soient naturalisés ou pas.

Vous invitez donc les Burkinabè d’origine naturalisés ivoiriens et les Ivoiriens d’origine burkinabé à s’inscrire massivement sur la liste électorale. Pourquoi ?

On ne saurait rester en marge de cette opération de révision de la liste électorale. Le devoir nous appelle et notre responsabilité est engagée pour nous prononcer, le moment venu, sur le choix des dirigeants pour une Côte d’Ivoire toujours rayonnante, de paix et de progrès profitable à tous.

De quel parti vous sentez-vous le plus proche dans votre association ?

Le parti du développement et de l’intégration. Nos parents ont soutenu par le passé le père fondateur de la nation dans sa vision d’une Côte d’Ivoire prospère. La Côte d’Ivoire peut être fière d’avoir un président bosseur à qui nous sommes reconnaissants pour avoir repositionné le pays et pour ses grands chantiers de développement en cours.

Cependant, tout en reconnaissant le droit de chacun d’entre les membres de notre association à voter en 2025 pour le candidat de son

choix, je voudrais affirmer que notre structure se sent particulièrement reconnaissante au président Alassane Ouattara. Pour la bonne raison que sous son magistère, les Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire, qu’ils soient naturalisés ou pas, n’ont plus de soucis à se faire. Ils ne sont pas victimes de brimades, d’humiliations, de vexations ou autres pratiques dégradantes. On rappelle que sous le défunt régime de la Refondation, ce n’était pas le cas. On sait le prix que les Burkinabè ont payé à la crise postélectorale et même bien avant, à l’ex-rébellion qui a éclaté les 18 et 19 septembre 2002. En ce temps-là, il ne faisait pas bon être Burkinabé. C’était difficile. Je m’arrête là pour ne pas remuer le couteau dans la plaie.

Allez-vous appeler les membres de votre structure à voter pour ce parti ou alors, chacun est-il libre de voter le parti de son choix ?

Nous aviserons le moment venu, mais je l’ai déjà dit plus haut, la liberté d’opinion et de choix sont des droits pour chacun.

L’opposition estime qu’il y a plus de 2 millions d’étrangers sur la liste électorale. Ne pensez-vous pas que vous êtes visés ? Et que pourriez-vous répondre pour votre défense ?

Le président Houphouët-Boigny a naturalisé des milliers de personnes, le président Bédié autant, le président Gbagbo dans la même ligne à naturaliser des personnes, le président Alassane Ouattara n’a pas dérogé à la règle au bénéfice de ceux qui le méritent, surtout, suite aux accords politiques de Linas Marcoussis. Vous avez les nouvelles du pays à la télévision (RTI, 1ère chaine, ndlr) comme à la radio (Radio Côte d’Ivoire, ndlr) en langue moré, ce qui explique une très forte communauté burkinabé en Côte d’Ivoire. Dans certaines régions, vous trouverez de gros villages nommés Koudougou ou Garango et autres noms à consonance moré. À un moment donné, il faut savoir raison garder et se rendre à l’évidence que la Côte d’Ivoire, c’est les États-Unis d’Afrique. Les présidents Houphouët et Yaméogo ont proposé la double nationalité, sans oublier le Conseil des ministres conjoint qui se tient à la faveur du Traité d’Amitié et de Coopération (TAC) qui lie toujours les deux pays. C’est dire la proximité entre les deux peuples. Il est douteux de traiter les gens d’étrangers à travers leur nom patronymique. Sachant bien que ce n’est pas le nom qui fonde la nationalité de tout citoyen.

Quel message lancez-vous à tous ceux qui sont dans votre situation, à quelques mois de l’élection présidentielle ?

Je voudrais que les gens n’aient pas peur, surtout ceux qui sont dans

notre situation, je veux parler des Burkinabè naturalisés, qu’ils s’assument pour défendre une cause qui est noble, à savoir, contribuer au développement de la Côte d’Ivoire pour notre génération et les générations à venir. Notre place est ici et nulle part ailleurs. Très bientôt, nous donnerons davantage de la voix.

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