#JeSuisWAN. Figure artistique majeure africaine, Tiken Jah Fakoly n’a pas hésité un seul moment à être partie prenante du projet WAN (Worldwide Afro Network).
Journée mondiale de l’Afrique, le 25 mai a été choisi pour commémorer la fondation de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1963 devenue en 2002 à Syrte, en Libye, l’Union africaine. À cette occasion, les artistes et la société civile du continent africain et de sa diaspora se sont mobilisés autour du projet WAN (Worldwide Afro Network)* avec comme objectif de sensibiliser les populations aux risques d’infection, d’engager une réflexion collective sur l’Afrique et de donner une visibilité aux acteurs de la construction post-crise Covid-19 du continent. À cette occasion, plusieurs artistes africains de renom ont accepté, sous l’impulsion de l’animateur, journaliste et producteur camerounais Amobé Mévégué bien connu des auditeurs de Radio France Internationale (Plein Sud) et des téléspectateurs de Canal France Internationale (Africa Musica), de MCM Africa, de TV5 Monde (Acoustic, Africanités), de France 24 (Journal de la culture musique) et de la chaîne panafricaine Ubiznews, une centaine d’artistes africains et le parrainage de Youssou Ndour, de participer à ce show panafricain. Ils ont pour nom Angélique Kidjo, Fally Ipupa et bien d’autres auxquels s’est jointe la chanteuse du groupe Kassav, Jocelyne Béroard. Tête d’affiche de cette grande scène virtuelle, Tiken Jah Fakoly a accepté de répondre au Point Afrique à propos de cette manifestation et de sa vision de l’Afrique post-crise Covid-19.
Le Point Afrique : quelles réflexions vous suggère la survenue de cette pandémie du Covid-19 ?
Tiken Jah Fakoly : Tout le monde pensait que cette maladie allait ravager l’Afrique. Bien sûr, tous les Africains n’ont pas pris conscience du danger de la maladie, mais on a vu que les gouvernements ont commencé à s’organiser très tôt et que les gens ont suivi le mouvement pour faire passer les messages. Ces dispositions ont été respectées en partie. Je dis en partie parce qu’il faut savoir que beaucoup d’Africains ne croient pas en l’existence de cette maladie, encore aujourd’hui. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on a tous observé la réactivité des dirigeants dès les premiers cas. Ils ont pris des dispositions au niveau de la prévention.
Maintenant la grande question, c’est de savoir pourquoi cette maladie ne s’est pas propagée en Afrique comme ailleurs ? Tout le monde cherche la réponse à cette énigme. Pour ma part, je dirai qu’il y a peut-être une résistance des Africains du fait de médicaments pris contre le paludisme ou bien d’autres maladies. Par ailleurs, on ne peut pas dire que c’est parce que nous sommes des Noirs. Nos frères africains-américains paient le prix fort aux États-Unis et même en Amérique latine. Il y a peut-être aussi la grande chaleur qui a empêché le virus de se propager. Il ne faut pas aussi oublier que nous avons une population qui est très très jeune. Dans les mois à venir, les scientifiques auront certainement des réponses à nous apporter.
Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à cet événement autour du #IamWAN ?
J’ai accepté de participer à cette initiative parce qu’il s’agit d’un projet fait par des Africains pour les Africains. Vous savez à chaque fois que l’Afrique a un problème, ce sont les autres qui viennent proposer des solutions. Cette fois, c’est différent. J’ai adhéré tout de suite à ce projet parce que, dans les coulisses, Amobé Mévégué et Mory Touré, ainsi que leurs équipes, font un travail très encourageant. Je me suis engagé pour en faire ma partie. J’ai préparé un morceau en acoustique. C’est aux Africains de sensibiliser les Africains. En tant que panafricaniste, j’en suis convaincu. Je ne pouvais pas manquer ce rendez-vous-là.
Sinon, il y a aussi que nous les artistes avons la chance que nos voix soient écoutées, parfois bien plus que celles des politiques. Modestement, je pense être l’une des voix les plus écoutées sur le continent. C’était donc super important que je me mette au service de cette cause parce que sensibiliser les autres, c’était et c’est toujours me protéger moi-même. Parce que si les autres sont contaminés, je risque de me contaminer. En plus des gestes barrières, il me fallait mettre ma voix au service de cette cause. Dès l’annonce des premiers cas sur le continent africain, j’ai commencé à penser à faire une chanson. Le refrain est venu, puis les couplets aussi. Alors, je suis allé en studio pour enregistrer.
Quoi qu’il en soit, je veux continuer à faire de la musique, continuer à enregistrer des albums, sortir des chansons et, à travers mon art, éveiller les consciences. Je ne peux aider l’Afrique qu’à travers mes chansons. Je veux galvaniser la jeunesse africaine pour changer les choses, ensemble. Cela nous permettra de nous prendre en charge, car personne ne viendra changer ce continent à notre place.
Que diriez-vous par rapport à l’Afrique d’après-Covid-19 ?
Je pense à la jeunesse africaine. Il faut qu’on arrête de se battre entre nous à cause des politiques. Tout un chacun de nous a des opinions, ce qui est son droit le plus strict, mais il faut privilégier l’unité contre les dirigeants pour les obliger à faire les choses comme il faut. Tout le monde sait que ce continent est très riche avec des habitants pauvres. Il y a les matières premières et l’argent circule. Nous devons tout simplement nous mettre en situation d’obliger nos dirigeants à créer des emplois et à tenir leurs promesses.
Une autre idée, c’est qu’il ne faut pas toujours s’attendre à travailler dans des bureaux. Beaucoup d’Africains veulent travailler dans des bureaux, porter des cravates ou être dans l’administration publique. Il est temps de prendre d’autres voies car, dans beaucoup de pays, tous les jeunes ne travaillent pas dans l’administration.
Autre point important : on ne doit pas trop s’appuyer sur Dieu, pour tout et tout le temps. Les Africains ont tendance à dire « Je compte sur Dieu, ça va aller, ça va aller. » Je réponds que Dieu est très occupé. Il doit s’occuper des Asiatiques, des Américains, des Européens, etc. Alors, si les Africains sont là à seulement se dire » Ça va aller, Dieu est grand, Dieu est grand… », rien ne va changer. Il faut rester croyant mais il faut alléger la responsabilité de Dieu. Pour cela, il faut être unis face aux hommes politiques et les sanctionner quand ils ne font pas ce qu’il faut. Et à force de changer, de nombreux pays africains finiront par trouver le bon dirigeant.
Point.fr
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