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[Journée africaine de lutte contre la corruption] La déclaration de Social Justice

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Le dimanche 11 Juillet 2021, la Côte d’Ivoire ainsi que tous les Etats parties à la convention de de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, célèbre la Journée Africaine de la Lutte contre la corruption. Cette année encore, la journée africaine de lutte contre la corruption intervient dans un contexte spécial et particulièrement difficile précisément dû à la pandémie de COVID 19. Un tel contexte rend encore difficile la lutte contre ce fléau d’autant plus que les défis à relever sont nombreux. Toutefois, la Côte d’Ivoire s’étant inscrite dans la dynamique de la lutte contre la corruption en adoptant la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la lutte contre la Corruption (CUAPCC) en Juillet 2003, bien qu’elle ne soit rentrée en vigueur le 14 février 2012.Aussi, se fondant sur cette convention a mis en place une agence nationale à cet effet, et récemment crée un ministère spécialement dédié à la lutte contre la corruption.

La convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption est l’un des instruments fondamentaux de la lutte contre la corruption dans les pays africains et notamment en Côte d’Ivoire. Elle rentre dans le sens de la réalisation de l’un des Objectifs de Développement Durable (ODD 16) qui est notamment de promouvoir et renforcer la mise en place, par les Etats parties, de mécanismes nécessaires pour prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilés dans les secteurs publics et privés. Depuis lors, la Côte d’Ivoire s’est dotée de textes légaux et institutionnels dont la création de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG), mettant ainsi en place les mécanismes nécessaires à l’application de la convention.

Cette année, le thème choisi par l’Union Africaine pour la Journée Africaine de Lutte contre la Corruption est : « Communautés économiques régionales : Acteurs essentiels dans la mise en œuvre de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption ». Ce thème démontre à suffisance, la nécessité pour les pays parties à la convention de fédérer leurs efforts pour une lutte efficace contre la corruption.

Dans ce cadre, il est primordial et essentiel que les différents acteurs de l’écosystème de lutte contre la corruption dans les Etats travaillent en synergie afin de renforcer l’action des communautés nationales qui seront des remparts internes qui favoriseront la lutte au niveau des communautés économiques. En vue d’éradiquer la corruption ou encore de la contenir, les réflexions doivent davantage porter sur les voies et moyens de renforcer l’engagement des acteurs étatiques, la société civile et les médias dans la lutte contre la corruption et aussi les éclairer sur les défis liés à la lutte contre la corruption.

Dans cette perspective il est nécessaire que les différents acteurs travaillent à titre principal à améliorer à la fois le cadre juridique et l’application dans quatre domaines clés de la convention à savoir le blanchiment de capitaux (Art 6), l’enrichissement illicite (Art 8), le financement des partis politiques (Article 10) et la participation et l’implication de la société civile et des médias dans la lutte contre la corruption (Art 12). Les actions et les engagements dans ces quatre domaines sont essentiels pour mettre en œuvre des cadres solides de lutte contre la corruption dans les Etats parties.

En Côte d’Ivoire quel est l’état de la lutte contre la corruption et de mise en œuvre de la convention dans ces quatre domaines clés de la convention ?

La législation sur l’infraction de blanchiment de capitaux est prévue par la loi n° 2016-992 du 14 novembre 2016 relative à la lutte contre le blanchissement des capitaux et le financement du terrorisme.

Cette loi a été prise afin de lutter contre le phénomène du blanchiment de capitaux et également du terrorisme qui lui est lié. Malgré cette loi prise depuis 2016 et en dépit les différentes déclarations d’opérations suspectes soumises à la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement de l’Information Financière) l’infraction de blanchiment d’argent a rarement fait l’objet de poursuites. Il n’existe qu’un seul cas connu de condamnation pour blanchiment d’argent qui est en instance de jugement.

L’infraction d’enrichissement illicite en Côte d’Ivoire s’applique uniquement aux fonctionnaires qui ne peuvent pas justifier raisonnablement une augmentation substantielle de leurs biens par rapport à leurs revenus. Or, il apparait aussi évident que des personnes privées peuvent se rendre coupables d’enrichissement illicite ou en collusion avec un fonctionnaire. La législation faisant uniquement des agents publics les seuls susceptibles d’être condamnés pour fait d’enrichissement illicite constitue un handicap dans la lutte contre cette infraction.

Le financement des partis politique en Côte d’Ivoire est très restrictif. Il ne concerne que le financement public des partis politiques, ce financement ne représente qu’une infime partie des sources de financement des partis politiques. Aussi, la subvention est octroyée aux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et oblige ceux- ci à rendre compte de leurs dépenses. De ce qui précède, il est à observer que la grande partie du financement des partis politique est privé et échappe donc à la législation. Or, la convention en son article 10 alinéa 1 dispose “prohiber l’utilisation des fonds acquis par des pratiques illégales et de corruption pour financer des partis politiques”; le fait que la législation ne réglemente que le financement public, cela constitue une lacune qui favorise le financement des partis par des ressources susceptibles de provenir de pratiques illégales et /ou de corruption et ses corollaires de blanchiment de capitaux.

Les organisations de la société civile et les médias ont un rôle essentiel à jouer en attirant l’attention du public sur les pratiques de corruption et en demandant aux gouvernements et aux élus d’être redevables. C’est ce  qui ressort de la convention de l’UA sur la prévention et la lutte contre la corruption en son article 12 alinéa 3 assurer la participation de la société civile au processus de suivi et consulter la société civile dans la mise en œuvre de la présente Conventionet alinéa 4 “veiller à ce que les médias aient accès à information dans les cas de corruption et infractions assimilées sous réserve que la diffusion de cette information n’affecte pas négativement l’enquête ni le droit à un procès équitable». Au regard de ce qui précède, il est à relever que le cadre formel d’engagement du gouvernement, les OSC et les médias n’existe pas encore sur la mise en œuvre de la convention de l’UA et sur la mise en œuvre globale de la politique de lutte contre la corruption.

L’article 22 de la convention exige des Etats parties à soumettre un rapport au conseil consultatif de l’UA sur le niveau d’avancement de la mise en œuvre de la convention. En Côte d’Ivoire ledit rapport est indisponible depuis plusieurs années

Au regard des constats faits relativement à la mise en œuvre de la convention de l’Union Africaine et partant de la lutte contre la corruption, les recommandations ci-après peuvent être formulées pour une mise en œuvre efficace de ladite convention en Côte d’Ivoire.

Garantir la pleine indépendance du parquet et de la justice afin que les infractions de corruption puissent être poursuivies de manière impartial et sans favoriser les individus puissants.

Etendre l’infraction d’enrichissement illicite à tous les individus qui ne peuvent justifier de leurs actifs par leurs revenus.

Réviser la législation sur le financement des partis politiques en renforçant le contrôle de ces financements et en les assortissant de sanctions sévères en cas de non-respect des règles des finances publiques.

La HABG doit favoriser l’implication de la société civile et des médias dans la lutte contre la corruption à travers la mise en place d’un cadre formel.

Envisager une loi portant protection des lanceurs d’alertes afin de favoriser davantage la dénonciation des actes de corruption et infractions assimilées et l’implication de la société civile et des médias.

Produire et soumettre au conseil consultatif de l’UA le rapport sur l’avancement de la mise en œuvre de la convention de l’UA sur la prévention et la lutte contre la corruption.

C’est à ces conditions que nous parviendrons ensemble à faire reculer et même éradiquer la corruption de notre pays.

Fait à Abidjan, le 11 Juillet 2021

Le Secrétaire Général

YOBOUE Constant

Encadré

[Policy brief] Lutte contre la corruption et nécessite d’un cadre de collaboration formel état-société civile-media

Recommandations

Au niveau étatique

–        Réaliser une étude du système national d’intégrité ;

–        Prendre un texte pour instituer le cadre de collaboration multipartite ;

–        Mobiliser les ressources pour le financement du cadre de collaboration.

Au niveau des OSC et médias

–        S’organiser pour constituer une force de proposition représentative.

Résumé

L’un des défis les plus importants que doit relever la Côte d’Ivoire à l’instar de la plupart des pays africain c’est la lutte contre la corruption. L’indice de perception de la corruption (IPC) produit par Transparency International classe la Côte d’Ivoire 104e sur 180 pays avec un score de 36 sur 100 . Un fléau qui pour être combattu doit mobiliser tous les acteurs impliqués à savoir les organes étatiques, la société civile et les médias dans un cadre de concertation et de prise de décisions comme dispose l’article 12 de la Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Une décision à portée de main qui fait appel à une volonté politique en vue de lutter efficacement contre la corruption.

Introduction

La Convention de l’Union Africaine relative à la prévention et la lutte contre la corruption (CUAPCC) signée par la Côte d’Ivoire en juillet 2003, est rentrée en vigueur depuis le 14 février 2012. Elle suscita plusieurs remaniements en ce qui concerne le domaine de la transparence avec la création de la Haute Autorité de la Bonne Gouvernance. Au vue, de ce que nous avons pu constater comme avancé dans le domaine de la prévention et de la lutte  contre la corruption, depuis son entrée en vigueur jusqu’aujourd’hui, nous pouvons conclure sans aucun doute qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire dans le domaine. Nous pensons qu’il serait important, primordial et encore judicieux de faire intervenir tous les acteurs dans la prise de décision. Car pour mener efficacement cette lutte l’Etat,  la Société Civile et les Média devraient dans un élan commun s’atteler à collaborer. Mais comment est-ce que la collaboration devrait se faire ? Selon quel cadre Juridique ? Ou encore quels sont les défis à relever pour assurer l’efficacité d’une telle collaboration ? Voici les préoccupations auxquelles nous allons donner suite.

Une application incomplète de la convention

La convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption recommande en son article 12 aux Etats parties de « créer un environnement favorable qui permet à la société civile et aux médias d’emmener les gouvernements à faire preuve du maximum de transparence et de responsabilité dans la gestion des affaires publiques » ;  et « d’assurer la participation de la société civile et des médias au processus de suivi et consulter la société civile dans la mise en œuvre de la présente convention ». Il ressort de cet article que toutes les parties prenantes à la lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire, doivent travailler ensemble pour parvenir à de meilleurs résultats et atteindre les objectifs fixés par la convention.

Malheureusement, cette recommandation ne trouve pas d’application effective. En effet, bien qu’ayant pris des textes à l’effet d’internaliser la convention, force est de constater que toutes les parties prenantes à ladite convention à savoir le gouvernement, la société civile et les médias vont en rang dispersé.

Une étude menée par SOCIAL JUSTICE en 2018 a révélé que l’internalisation de la convention n’a pas pris en compte les médias et la société civile alors que ceux-ci restent des acteurs importants dans la lutte contre la corruption au sens de la CUAPCC .

L’Etat, à travers la création de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance et désormais la création récente du Ministère de la promotion de la Bonne Gouvernance, du Renforcement des capacités, et de la lutte contre la corruption, a augmenté le nombre  des acteurs de l’écosystème de lutte contre la corruption. Ceux-ci déroulant les missions auxquelles ils sont assignés sans une réelle implication de la société civile et des médias.

La Société civile et les médias quant à eux, essaient de mener des actions de sensibilisation et de divulgation de la convention pour son appropriation  par la population. Mais comme l’a fait remarquer l’étude susmentionnée, les actions  des acteurs étatiques et celles de la société civile et des médias restent isolées les unes des autres.

Somme toute, or mis des invitations occasionnelles à certaines activités, l’on peut retenir que la collaboration entre les acteurs de lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire à savoir le gouvernement, la société civile et les médias n’est pas constante. En outre, cette collaboration reste occasionnelle et non formelle. Ce qui demeure inefficace dans la lutte contre la corruption.

Quel type de collaboration possible ?

La lutte contre la corruption est un combat qui demande une conjugaison des efforts des différentes parties pour reculer ce fléau. Ainsi, le cadre de collaboration est une solution pouvant permettre de prendre en compte un large spectre de propositions afin de lutter efficacement contre la corruption. Ce cadre de collaboration devrait prendre en compte en plus des organes étatiques luttant contre la corruption, les organisations de la société civile et les médias s’intéressant à cette thématique. Le cadre de collaboration pourrait prendre plusieurs configurations. L’on pourrait s’inspirer des cadres de collaboration déjà existant dans certains domaines. Ceux-ci peuvent être une source d’inspiration.  Il s’agit notamment du cadre de l’Open Governement Partenrship dont l’organe opérationnel à savoir le Comité Technique OGP (CT-OGP) regroupe des représentants de l’Etat, de la société civile et du secteur privé. Ce groupe élabore chaque 2 ans un plan d’action avec des activités portées par chaque entité porteuse d’une action spécifique (porteur d’engagement). A la fin de l’échéance, c’est-à-dire après 2 ans une évaluation de ce plan d’action est faite par un évaluateur indépendant. D’autres exemples similaires tels que le Conseil National de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (CN-ITIE) peuvent être des sources d’inspiration pour la mise en place de ce cadre de collaboration.

Institution d’un cadre de collaboration formel : des défis à portée de main ?

La lutte contre la corruption est encadrée par des textes qui sont déjà en application. L’introduction d’un nouveau cadre formel de lutte exige une modification du corpus juridique à travers la prise d’un texte. La prise de ce nouveau texte pourrait être une cause de ralentissement dans la mise en place de ce cadre de collaboration dont l’importance est évidente. Il s’agit de faire diligence dans la prise de réforme pour que ce cadre de collaboration voie le jour dans les meilleurs délais. L’autre défi serait d’attribuer des missions à ce cadre de collaboration, qui n’empiète pas sur les missions des autres organes déjà existants. Il s’agit de trouver l’équilibre afin de confier des missions spécifiques et complémentaires à cet organe. En outre, la représentativité des organisations de la société civile et des médias dans ce cadre de collaboration pourrait constituer un défi pour ceux-ci si des coalitions ne sont pas constituées afin de fédérer leurs actions. Car du niveau de représentativité dépend le niveau de légitimité dans les décisions qui seront prises. Enfin, pour son opérationnalisation,  les appuis techniques, matériels et financiers sont une condition sine qua none pour un fonctionnement de ce cadre de collaboration. Le défi ici serait de trouver des sources de financement et mobiliser des fonds pour faire fonctionner cet organe.

Conclusion

En définitive, l’application de la convention de l’union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire reste inachevée. Notamment au vu de l’absence du cadre de collaboration des acteurs étatiques et non étatiques de lutte contre la corruption. La nécessité de mettre en place ce cadre de collaboration formel conformément aux dispositions de ladite convention, présente des défis qui bien que réels peuvent être relevé avec une volonté politique.

 

 

 

 

 

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