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La crise du coronavirus : Quelles conséquences économiques pour nos pays ? (Analyse)

Dans cette analyse, Professeur Prao Yao Séraphin, maitre de conférences, agrégé des facultés des sciences économiques s’interroge sur les conséquences économiques du coronavirus sur les pays Africains et fait des propositions.

Depuis le début de cette année 2020, le monde entier est secoué par un virus qui tue, paralyse les économies et éprouve pour une fois, les scientifiques les plus respectés. Ses symptômes les plus fréquents sont la fièvre, la toux et la gêne respiratoire, le plus souvent bénins. Les conséquences de cette maladie sont nombreuses car le confinement total impacte négativement l’activité économique avec son corollaire de chômage. Pour avoir une idée du désastre crée, rappelons qu’il existe deux précédents, la peste noire de 1347-1352 et la grippe espagnole de 1918, mais, dans les deux cas, les économies n’étaient pas aussi interdépendantes.  Aujourd’hui, le monde économique est dans un équilibre précaire. Et c’est une double crise qui débute : d’une part, la panique boursière va avoir des conséquences directes sur l’économie réelle ; d’autre part, les mesures sanitaires prises par les gouvernements, à commencer par le confinement des populations, va mettre à l’arrêt de très nombreuses activités économiques. Nous présentons successivement dans les lignes qui suivent, le constat de la situation, les conséquences économiques et les tentatives de solutions apportées.

  1. Le coronavirus : le constat de la situation

Cette crise a révélé deux grandes puissances, le Chine et la Russie. Elles existaient déjà mais, la révélation est faite authentiquement. Puis, on a noté les fragilités d’une économie mondiale.

Le premier constat à faire, après l’éclatement de cette crise, est qu’en 20 ans, la Chine est devenue bien plus que l’usine du monde, elle est le centre névralgique de la mondialisation. La crise sanitaire du coronavirus Covid-19 montre à quel point l’économie mondiale est devenue ultra-dépendante de la Chine. Au début des années 2000, le pays représentait moins de 5% du PIB mondial, et il était une puissante émergente comme le Brésil, l’Inde, la Russie. Au moment où la Chine entre à l’OMC en 2001, elle pèse économiquement à peu près le poids de la France. Aujourd’hui, c’est la deuxième économie mondiale si ce n’est la première. En 20 ans, son PIB a été multiplié par quatre, et représente 20% de la richesse mondiale, un tiers de la croissance mondiale, 30% de la production manufacturière, et autant du commerce international. Une concentration extrême, fruit des délocalisations massives de l’industrie européenne, attirée par une main-d’œuvre à bas coût. Il en découle qu’avec la crise du coronavirus, certains secteurs vont hiberner. La Chine a envoyé des experts en Europe pour aider des pays en perte de vitesse face à la pandémie. De même, les Etats-Unis ont demandé l’aide de la Russie. Nous voyons bien que le monde va changer après la crise du coronavirus car les rapports de force ont changé.

On constate dans le monde entier, des économies qui sont en sous régime, à cause du confinement. Les économies sont devenues très complexes avec la sophistication de nombreux produits crées mais la fragilité est aussi la nouvelle norme. Tous les grands pays sont en confinement, illustrant cette fragilité. A titre d’exemple, le monde du sport a pris un coup très sérieux car l’annulation et le report des matchs et compétitions, ont des répercussions immédiates sur les finances des fédérations professionnelles. Un autre constat important est le risque d’un krach boursier mondial si on s’en tient à la volatilité des marchés. Or, nous savons que tout krach boursier a des conséquences directes sur l’économie réelle. Dans l’immédiat, les entreprises cotées en bourse perdent de l’argent. Elles doivent donc geler leurs investissements, voire mettre en place des plans d’économies. Cela a des conséquences sur l’emploi, surtout avec une mise au chômage partiel d’une partie des salariés et sur le niveau des salaires, et donc sur la consommation.

  1. Le coronavirus : les conséquences économiques

La pandémie va balafrer les économies. On aura une récession partout, le secteur informel fragilisé, surtout en Afrique, un assèchement des ressources en Afrique, le secteur du transport gravement atteint, le secteur financier ébranlé et une crise budgétaire à venir.

Au niveau mondial, pour le FMI, la pandémie de coronavirus va provoquer une récession économique mondiale en 2020 qui pourrait être plus forte que celle observée lors de la crise financière de 2008-2009 même si l’activité économique mondiale devrait rebondir en 2021. Rappelons qu’en 2009, le PIB mondial avait baissé de 0,6%, selon les données du FMI. Pour les seules économies avancées, il avait chuté de 3,16% et de 4,08% pour les pays de la zone euro. L’Afrique quant à elle connaitrait, sur la base des données provisoires disponibles, une réduction de sa croissance au niveau du continent de 3,2 % à 1,8 %. Concernant la Côte d’Ivoire, selon le premier ministre Gon Coulibaly, la croissance économique estimée à 7,2% pour l’année 2020 serait réduite de moitié et s’établirait à 3,6%, dans l’hypothèse d’une maîtrise de la pandémie à fin juin 2020. La première conséquence, inéluctable, sera donc une récession. Elle durera une année minimum car même si l’activité reprend après la fin de la crise sanitaire, le manque prolongé d’activité provoquera une coupure importante dans la génération, et la circulation des flux de trésorerie pourra seulement être palliée par une reprise des opérations. Au vu de la situation, les banques réduiront drastiquement leur offre de crédit, ce qui posera problème pour une reprise rapide de l’investissement.

Selon le rapport 2018 de l’OIT (Organisation internationale du travail) sur le secteur informel en Afrique, 76% des populations générales du continent évoluent dans l’informel, quand l’on sait que ce secteur ne se soumet à aucune législation nationale, échappe le plus souvent aux différents impôts et taxes et surtout, ne bénéficie d’aucune protection sociale. Sur le continent, les pays situés entre le sud du Sahara et l‘équateur sont les plus concernés par la réalité de l’informel, toujours selon le même rapport de l’OIT. À titre d’exemples, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale détiennent à elles seules 92,4% (à l’ouest) et 91% (au centre) des personnes évoluant dans l’informel. Les chiffres sont moins élevés côté nord et sud du continent, où l’OIT rapporte 67,3% (au nord) et 40% (au sud). En Côte d’Ivoire, le secteur informel représente 89,4% de l’emploi en Côte d’Ivoire dont 44% de femmes employées. Sous cet angle, le secteur constitue un poids dans le tissu socioéconomique de la Côte d’Ivoire. Le confinement va donc poser un gros problème de survie pour presque tous les Africains, car ils sont obligés de travailler hors de chez eux, sans quoi, ils n’ont pas de quoi subvenir à leurs besoins. La plupart d’entre eux n’ont pas de réserves bancaires et ne feront pas de télétravail.

La crise sanitaire actuelle liée au Covid-19 pèse fortement sur les économies du continent qui ont misé, soit sur le tourisme, soit sur les exportations des matières premières, notamment les hydrocarbures. La pandémie a fait chuter brutalement les prix des hydrocarbures. Une catastrophe pour de nombreux pays africains, dépendants de cette manne. Le prix du baril de pétrole de référence, le Brent, s’est échangé à 28 dollars le 18 mars sur les marchés. Il était encore à un peu plus de 50 dollars au mois de février. Le Nigeria, premier pays producteur d’hydrocarbures du continent, est le pays le plus fragilisé par cette violente chute des prix. La production de pétrole y représente plus de la moitié des recettes publiques. Dans son budget 2020, le gouvernement avait fixé le prix du pétrole à 57 dollars le baril, avant d’assister à une plongée des prix de plus de 30% depuis le début de la crise sanitaire. En Angola, deuxième pays producteur d’or noir sur le continent, connaît également une situation économique fragile, car très dépendant de la manne pétrolière. Dans ce pays, les exportations d’hydrocarbures représentent un peu plus de 70% des recettes de ce pays qui, comme le Nigeria, a connu une récession, à la suite de la même chute des prix du baril de pétrole en 2015. Mais par quel mécanisme, les pays devraient tant souffrir ? En fait, avec près de 1,4 milliard d’habitants, la Chine est aujourd’hui l’un des principaux marchés de consommation au monde. Pour satisfaire sa demande, le pays importe de nombreux produits (bois, pétrole, produits agricoles, etc.), notamment de l’Afrique. C’est ainsi donc que l’impact sera fortement ressenti par le Nigéria, l’Angola, l’Algérie, le Gabon ou encore le Congo. Notons également que l’Afrique du Sud, la Guinée, le Nigéria et la Mauritanie ont vu le cours du mentirai de fer plonger de 8%. La RD Congo, la Zambie et l’Ouganda peinent à écouler leur cuivre, tandis que le nickel malgache ou sud-africain s’entasse en attendant la réouverture des usines chinoises.

Concernant la Côte d’Ivoire, les prix de l’huile de palme et du café reculent aussi impactant directement la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Le cacao a été malmené sur les marchés la semaine dernière, les investisseurs s’interrogeant sur le déséquilibre généré par une offre abondante face à une demande qui ralentit. Selon les experts, la demande est toujours forte mais moins qu’auparavant.  Une situation à même de fragiliser les prix de ce produit qui permet à des millions de petits producteurs ivoiriens de vivre. Pour rappel, l’agriculture est un secteur-clé en Côte d’Ivoire. Principalement constitué de petits exploitants agricoles, le secteur représentait près de la moitié des emplois en 2018. En outre, sa contribution au PIB s’élevait à environ 23% et il était à l’origine de près de 40% de l’ensemble des exportations.

Selon les données du ministère ivoirien de l’économie et des finances, la balance commerciale (hors bien exceptionnels) de la Côte d’Ivoire, a enregistré un excédent de 724,3 milliards FCFA (1,22 milliards $) à fin août 2019.  Avec la Chine, l’excédent commercial était estimé à 440,4 milliards de francs CFA (plus de 754 millions de dollars) en 2018 contre 1 708 milliards de francs CFA (plus de 2,9 milliards de dollars), en 2017. Mais avec cette crise, le pays risque d’enregistrer au mieux, un faible excédent

Au total, la grande dépendance des économies africaines aux exportations de matières premières, notamment vers la Chine, les rend particulièrement vulnérables à l’épidémie du coronavirus.

Dans l’industrie aéronautique, ce sont les réductions d’activité en raison des restrictions de déplacement et de la demande en baisse.  Le groupe Air France-KLM a annoncé réduire son activité de manière très significative entre 70 % et 90 % lors des deux prochains mois au moins. Les suppressions des différents vols en direction des pays africains créent un manque à gagner pour nos pays. Nous savons que ces dernières décennies, les pays de l’Afrique de l’Est, tels que l‘Ethiopie et le Kenya, ont su développer une vraie “industrie de l’hospitalité”, avec notamment le développement de grandes compagnies aériennesEthiopian Airlines est devenu un géant du transport aérien sur le continent. L’impact de cette crise sur les compagnies aériennes nationales est grave car il y a une limitation des destinations de voyage dans le monde. L’impact réel doit être étudié mais il est clair que le tourisme et toute l’industrie de l’hospitalité sont largement affectés. Au niveau local, le confinement va ralentir l’activité aérienne nationale et le transport terrestre.

En effet, le surendettement des entreprises et leurs soucis de trésorerie vont peser sur les résultats bancaires car les prêts non performants vont augmenter. Ainsi, les banques doivent en parallèle faire face à un risque de panique bancaire, due à l’affluence massive de leurs clients, en particulier les entreprises en manque de liquidités, qui viennent pour retirer leurs économies. A leur tour, les banques vont être en manque d’argent et se tourner vers les banques centrales. Au niveau mondial, il est remarquable de noter la récente baisse de l’or qui est généralement considéré comme une valeur refuge en période d’incertitudes. Avec la dégringolade des marchés actions et du pétrole, les investisseurs ont pu être tentés de vendre le métal jaune, qui avait atteint un plus haut en sept ans il y a dix jours.  Les métaux précieux ont également fait grise mine, notamment le platine et le palladium.  L’argent, lui, est tombé la semaine dernière, à un plus bas depuis 2009, et le cuivre au plus bas depuis janvier 2016, malgré les signes de reprise que montre l’économie chinoise.

Aucun économiste ne peut critiquer les montants colossaux annoncés pour mettre fin à cette pandémie. Nous sommes très nombreux à dire qu’il ne faut pas regarder à la dépense dans une telle situation. Nous sommes quasiment dans un état de guerre et dans ces conditions, on dépense et on réfléchit après.  Pendant la guerre, vous faites tout pour gagner la guerre et c’est ce que les gouvernements du monde font en ce moment. On voit bien que l’Etat agit vigoureusement pour limiter les dégâts, mais c’est au risque de provoquer, dans un second temps, une crise budgétaire.

Les mesures palliatives sont nombreuses. On note des soutiens aux économies, le renforcement des infrastructures hospitalières, des soutiens à la demande et les banques centrales qui viennent à la rescousse.

En Italie, par exemple, un des pays les plus touchés, a adopté un décret contenant des mesures d’un montant d’environ 25 milliards d’euros pour soutenir les familles et les entreprises, assurant que des mesures supplémentaires seront adoptées dans ce mois d’Avril.

En Côte d’Ivoire, on note avec le Premier ministre, la mise en place d’un fonds de soutien au secteur privé pour un montant de 250 milliards de FCFA, prenant en compte le renforcement du soutien aux PME pour au moins 100 milliards de FCFA et la mise en place de fonds de garantie. Pour le secteur informel, on note la mise en place d’un fonds spécifique d’appui aux entreprises du secteur informel touchées par la crise pour un montant de 100 milliards de FCFA. Il y a aussi un soutien aux principales filières de l’économie nationale, notamment l’anacarde, le coton, l’hévéa, le palmier à huile, le cacao, le café, pour un montant de 250 milliards de FCFA et le soutien à la production vivrière, maraichère et fruitière pour un montant de 50 milliards de FCFA, dont 20 milliards au titre des intrants. Au total, c’est un soutien qui est évalué à 1700 milliards de FCFA, soit environ 5% du PIB.

En Côte d’Ivoire, selon le Premier ministre, le Gouvernement s’attèle à la mise en œuvre rapide d’un fonds de 25 milliards de FCFA. Nous ne comprenons toutefois pas le manque de matériels dans nos hôpitaux lorsque le gouvernement ivoirien informe que le budget alloué au secteur de la santé par l’Etat de Côte d’Ivoire est passé de 105 milliards FCFA en 2011 à 415 milliards FCFA en 2018, soit une hausse de 200%. On note également que la loi de finance 2020 consacre 16,6% à la santé conformément aux engagements pris par le gouvernement lors de la conférence d’Oslo sur le financement de la santé.

En dehors de l’appareil productif qui a pris un coup, la demande est, elle aussi en détresse. Les gouvernements du monde entier ont donc pris des mesures de soutien aux populations. En Côte d’Ivoire, au titre des mesures sociales, le Gouvernement entend décaler, pour l’ensemble des abonnés, les dates limites de paiement des factures d’électricité et d’eau, d’avril à juillet 2020, et de mai à août 2020. A cet effet, des facilités de paiement seront proposées pour soulager les populations. Il accepte de prendre en charge les factures d’électricité et d’eau, devant être payées en avril et en mai 2020, des couches défavorisées c’est-à-dire des ménages abonnés au tarif social d’électricité, et des ménages facturés uniquement dans la tranche sociale pour l’eau. Cela concerne plus d’un million de ménages soit environ 6 millions de nos concitoyens. Il est proposé également l’instauration d’un fonds de solidarité pour un montant de 170 milliards de FCFA, en vue de financer les populations les plus vulnérables dans le cadre du soutien humanitaire d’urgence, à travers notamment l’élargissement du champ des filets sociaux.  Au niveau du soutien à la demande, le gouvernement aurait pu déclarer la gratuité des facteurs des mois d’avril et de mai, pour soulager les ménages et relancer la consommation, une catégorie très importante du produit intérieur brut.

Les banques centrales du monde ont remis sur le feu les recettes qu’elles avaient appliquées avec succès lors de la crise de 2008, pour soutenir l’activité et calmer les marchés financiers.

La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), vient d’annoncer les premières mesures pour appuyer les économies membres de l’UEMOA (Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest), et pour faire face à la pandémie de Coronavirus, qui se répand de plus en plus vite dans la sous-région. Elle a décidé d’augmenter de 340 milliards FCFA le montant accordé chaque semaine aux établissements bancaires (et qui s’élève donc désormais à 4 750 milliards FCFA).  Avec cette technique financière, les banques pourront financer sereinement l’économie. La BCEAO a aussi décidé d’élargir le champ des mécanismes à la disposition des banques pour accéder au refinancement à son niveau, et coter 1700 entreprises, jusqu’alors exclues de ce portefeuille, leur permettant ainsi d’accéder à des ressources complémentaires de 1050 milliards, et aux entreprises concernées de négocier et bénéficier de meilleures conditions pour leurs emprunts. En outre, elle viendra en soutien à hauteur de 25 milliards FCFA, à la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), en vue de lui permettre à son tour d’accorder plus de prêts concessionnels, et à de meilleurs taux, aux États-membres, dans le financement des dépenses urgentes d’investissement et d’équipement dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Toujours, selon la BCEAO, les banques sont incitées à utiliser ces fonds disponibles via le guichet spécial de refinancement des crédits accordés aux petites et moyennes entreprises (PME/PMI). Un guichet sans plafond, conçu pour promouvoir le promouvoir le financement de ces petits acteurs dans l’Union.

La Chine, premier importateur mondial de matières premières, a dévoilé une série d’indicateurs moroses pour janvier et février, sur fond de pandémie de Covid-19 : la production industrielle s’est contractée de 13,5 %, pour la première fois en près de trente ans, selon le Bureau national des statistiques (BNS). Mais il y a une lueur d’espoir, la situation s’améliore en Chine au cours du mois de mars. L’activité a ainsi repris à plus de 90 % en dehors de la province du Hubei, la plus touchée par le virus, a assuré mardi la puissante commission de planification. Les inquiétudes des investisseurs se portent désormais sur les Etats-Unis, deuxième plus grand consommateur mondial de nombreux métaux, qui connaîtront une interruption temporaire de la demande.

NB : les faiblesses du dispositif du gouvernement ivoirien

Dans son plan, le gouvernement a annoncé 100 milliards pour ce secteur. Or, lors d’une intervention du ministre de l’Economie, sur France 24, le 1er avril, il disait que ce fond allait être disponible à moyen terne. Pour ma part, le mimétisme peu réaliste des pays africains est incompréhensible, en matière de confinement. La raison est que la plupart des Africains vivent au jour le jour. Ils n’ont pas les moyens de s’approvisionner en nourriture pour une petite semaine ! Ils n’ont pas de frigo et, pour la plupart, pas d’électricité pour pouvoir se payer ce luxe qui est le confinement. Même si le secteur informel contribue peu sinon pas du tout aux recettes de l’Etat en termes d’impôts, ne pas soutenir de façon chirurgicale le secteur équivaut à laisser des millions de personnes mourir de faim. Le gouvernement doit débloquer immédiatement ces fonds pour ces secteurs vitaux.

Le gouvernement gagnerait à discuter avec la CIE et la SODECI pour la gratuité des factures de toute la population, pour les mois d’avril et de mai. Ce serait un grand coup de pouce aux ménages et à la demande. Cela est possible car pendant la crise de 2002 à 2009, dans les zones CNO, les populations ne payaient pas les factures pour autant, ces deux grandes sociétés n’ont pas fait faillite. Avec la paralysie de pans entiers de l’économie, la fermeture des établissements scolaires et les mesures de confinement, les ménages devraient connaître une perte de revenus relativement conséquente, même si le gouvernement a pris des dispositions pour limiter la casse. La sortie de crise devrait être déterminante pour assurer une reprise rapide. Les économistes plaident pour le système de la monnaie hélicoptère, c’est-à-dire, donner de l’argent aux ménages peut être une piste intéressante.

À court terme, il faut absolument soutenir la trésorerie des entreprises en priorité et mettre en place des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages par des dispositifs qui consisteront à donner une prime aux salariés du privé comme du public pendant le temps du confinement. On pourra ajouter un quart du salaire aux montants habituellement perçus par les travailleurs. Il peut y avoir des mécanismes de soutien à l’emploi par l’embauche de l’Etat et des collectivités locales des jeunes chômeurs pour aider à la sensibilisation et mise en place de tous les dispositifs liés à la pandémie.

 

Afin de soutenir la demande, il est bon que le gouvernement vienne en aide aux ménages, avec une aide alimentaire.  Le gouvernement sénégalais a passé une commande publique pour 5 000 tonnes de riz, 500 tonnes de sucre, 1 000 tonnes de pâtes, 10 000 litres d’huile ainsi que du savon. Ces commandes sont destinées à un million de ménages défavorisés, ou dont « les moyens de consommation, de nutrition et d’existence » sont impactés par l’épidémie, explique un communiqué accompagnant les avis. A Madagascar, c’est environ 2,5 millions d’euros d’aide alimentaire en direction de la population.  Dans la capitale, d’autres catégories de travailleurs devraient aussi bénéficier de cette distribution : les lavandières, les personnes âgées, mais aussi les prostituées.

Tous les pays s’apprêtent à multiplier les tests afin de mieux lutter contre la pandémie. Par exemple, le président malgache a également dit vouloir s’inspirer de la Corée du Sud pour maîtriser la propagation du virus. « Nous allons augmenter le nombre de tests. Nous allons passer de 150 à 1 000 tests par jour », a-t-il affirmé en direct à la télévision.  Les Ivoiriens n’ont rien perçu de l’opérationnalité du plan de riposte face à la pandémie. Le gouvernement n’a pas rassuré les Ivoiriens quant à la capacité du système de santé à tenir le choc. Il faut lui donner tous les moyens nécessaires pour face à la crise sanitaire. À moyen terme, il faut absolument avoir une réflexion sur les moyens alloués à la recherche sur ce type de risque et acquérir les matériels dignes d’un pays qui se veut émergent.

 

En définitive, les montants annoncés par le Premier ministre ne sont pas disponibles immédiatement, or dans une telle situation, ce ne sont pas des chiffres qu’on annonce pour faire plaisir mais plutôt des actions concrètes, donc des sommes immédiatement disponibles et utilisables en temps réel.

Les principaux outils de la BCEAO concernent les prêts bancaires. C’est une démarche intéressante mais cette démarche ne va pas aider un grand nombre de PME. Beaucoup d’entreprises ne recherchent pas forcément de nouveaux prêts et vont être complètement pénalisées. Surtout dans certains secteurs comme le tourisme ou la restauration, les entreprises ont assez peu de trésorerie. Ces garanties ne sont pas adaptées pour des sociétés qui vont avoir un réel problème de trésorerie. Il faut à la fois agir sur l’offre et la demande. Les reports de la fiscalité constituent une première étape, mais au mois de mai, si la situation s’améliore, il faudra faire des mesures vigoureuses sur la demande.

Du côté des entreprises, si la crise perdure, alors il faudra aller beaucoup plus loin. Il faudra aller au-delà des mesures de trésorerie. Dans les faits, toutes les entreprises ne font pas du chiffre d’affaires et d’autres sont au bord de la faillite. A plus long terme, il faut donner de la visibilité aux entreprises en passant par l’investissement public si la crise est plus durable qu’on ne l’anticipe.

Les PME ont toujours eu des soucis pour le financement bancaire. Or, les mesures prises par la BCEAO consistent à desserrer la contrainte de refinancement des banques afin qu’elles financement, à leur tour, les PME. Or, ces institutions peinent à financer les PME, au regard de leurs caractéristiques particulières. Il faudra que la BCEAO refinance plutôt les systèmes financiers décentralisés (SFD) qui connaissent mieux ce secteur. C’est à titre, que la reprise sera rapide et pourra aider au renforcement de l’économie.

Pr. PRAO YAO SERAPHIN,

Maitre de conférences, agrégé des facultés des sciences économiques

 

 

 

 

 

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