-Qui des journalistes ou des présidents sont atteints de troisièmandatite ?
À peine Maki Sall s’est-il installé que les journalistes se sont rués sur lui pour lui poser leur question qui démange désormais leur langue. « Monsieur le Président, est-ce que vous allez briguer un troisième mandat ? »
Il y a quelques jours, un autre journaliste est venu lui poser la même question. La première fois, il avait dit pourquoi cette question alors qu’il venait d’entamer le deuxième mandat. Cette fois, il leur a servi ce qu’ils attendaient : le flou. Et le lendemain, ils ont servi à leurs lecteurs et auditeurs : « Maki Sall entretient le flou sur son troisième mandat. »
Et ça sera toujours comme ça. Chaque fois que le président sénégalais apparaîtra quelque part, cette question sera la première préoccupation des médias.
Avant lui, c’était le président Alassane Ouattara. Depuis 2017, deux ans après l’entame de son second mandat, la question a été posée en France. Depuis lors, cette question est inscrite au programme de son gouvernement. Il n’a pas le choix parce que partout où il se rend, il doit répondre à cette question, le sempiternel refrain.
‘’De vous à moi, quel président africain sérieux va oser annoncer à trois ans de la fin de son mandat qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession ?’’
Pourtant, le président a été on ne peut plus clair dans ses réponses. Il a plusieurs fois déclaré qu’il respecterait la Constitution. Ensuite, on lui a reposé la même question, et il a dit que la décision viendrait des militants de son parti parce que la Constitution lui permet un troisième mandat. Et là, les journalistes ont été un peu plus satisfaits parce qu’ils ont trouvé quelque chose à servir à leurs lecteurs. Une autre fois encore, il a annoncé qu’il laisserait le pouvoir à la jeune génération. On n’était toujours pas satisfait de sa réponse et on a titré qu’Alassane Ouattara entretenait toujours le flou.
À l’issue de sa visite d’État à Katiola, on est revenu à la charge et on a été cette fois mieux servi quand il dit que si son grand frère se présente, il se présente parce qu’avec moins de 8 ans que lui, il a plus d’énergie que lui. Et là, on était en extase. Cette réponse a beaucoup plu aux journalistes, à leurs nombreux lecteurs et aux internautes. Pendant plus d’une semaine, cette réponse a accru les chiffres d’affaires des téléphonies-mobiles, je suppose que les journalistes qui ont posé la question ont obtenu autant de retombées.
De vous à moi, quel président africain sérieux va oser annoncer à trois ans de la fin de son mandat qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession ? Pourra-t-il gérer les guerres de succession ? Pourra-t-il contenir les clans et les guéguerres et les coups bas pour que la fin de son mandat n’en pâtisse pas ?
Cette question, préoccupation des journalistes français, a fait des émules auprès des médias africains. Il semble que les réponses évasives font vendre les journaux ou accroître l’auditoire.
‘’Cette question est taillée pour les présidents africains et c’est bien fait pour eux, eux qui n’ont d’yeux que les médias occidentaux qui leur posent ces questions bêtes bêtes qui frisent la dérision.’’
Et cette question, les journalistes français l’ont-ils une fois posée à Angela Merkel ou à leur président Emmanuel Macron élu depuis 2017 ? Cette question est taillée pour les présidents africains et c’est bien fait pour eux, eux qui n’ont d’yeux que les médias occidentaux qui leur posent ces questions bêtes bêtes qui frisent la dérision. En effet, en décembre dernier, Macron était en Côte d’Ivoire, les journalistes ont oublié de lui demander s’il briguera un second mandat. Cependant, si Maki Sall et Alpha Condé arrivent en France aujourd’hui, la première question portera sur le troisième mandat.
Finalement, avec ces questions récurrentes sur les troisièmes mandats, on est en droit de demander si ce sont les journalistes qui sont atteints de la maladie, la troisièmandatite, ou les présidents.
Par Pascal Kouassi
NB : le titre est de la rédaction