[Reportage Zôkpa-Gôlo 2024] Une fête pour sauver l’héritage en péril
À Dassioko, la fête Zôkpa-Gôlo 2024 a célèbré le patrimoine culturel par des parades, rites et un plaidoyer émouvant de Beugré Niakrou Rêve pour un conservatoire des objets en voie de disparition.
Fresco, Côte d’Ivoire, le 21 août 2024 (crocinfos.net)—C’est sous un ciel brillant que Dassioko, un village paisible de la Côte d’Ivoire, dans la préfecture de Fresco, a vibré du 13 au 18 août 2024 au rythme de la 4e édition du “Zôkpa-Gôlo International”. Ce festival, au-delà des réjouissances, est devenu le cri du cœur d’une communauté cherchant à sauver un patrimoine en voie de disparition. Dès l’aube du 16 août, les tambours sacrés ont retenti, accompagnant une procession solennelle vers le cimetière du village. Là-bas, au milieu des tombes silencieuses, Denis Beugré, chef de terre, et le doyen Gnago Aimé, ont déposé des offrandes pour obtenir la bénédiction des ancêtres.
Dans un profond respect, hommes et femmes, tous vêtus de blanc, ont exécuté la danse traditionnelle Daablolo, un hommage émouvant aux esprits du passé. “Nous sommes venus demander leur protection et leur bénédiction pour notre village”, a déclaré Grogbalé Jean Jacques, les yeux humides d’émotion. La foi en cette connexion spirituelle semble aussi ancienne que le village lui-même.
Le lendemain, un spectacle tout aussi vibrant a illuminé les rues de Dassioko. Dix-sept générations, unies par leur amour pour la terre et leur histoire, ont défilé au rythme envoûtant de la fanfare. Les uniformes éclatants des participants racontaient l’histoire d’une culture vivante, une histoire que le chef du village, Sam Legré, ne souhaite pas voir disparaître. “Nous parlons tous ici la langue de la culture, celle de l’amour et de la cohésion sociale”, a-t-il proclamé, sous le regard approbateur des chefs traditionnels et des invités venus de loin.
Mais au-delà des festivités se dessine une urgence : celle de sauver ce qui peut encore l’être. Beugré Niakrou Rêve, commissaire général de l’événement, a lancé un appel poignant aux autorités et à la communauté. Avec une voix empreinte de gravité, il a plaidé pour la création d’un conservatoire où seraient exposés les objets anciens menacés d’oubli. “Notre patrimoine est en péril. Nos langues, nos chansons, nos danses… Tout cela doit être préservé”, a-t-il martelé. Son rêve, partagé par beaucoup, est de voir ce conservatoire devenir un refuge pour les trésors culturels de la région, et un lieu où les générations futures pourront se reconnecter avec leur passé.
Le passage de témoin entre les générations a également marqué les esprits. Dali Jacques, de la génération Glogloyo, a symboliquement transmis le flambeau à Gnago Gnahoué Maturin, de la génération Zogloledideu, sous les acclamations des participants. Ce geste, chargé de sens, témoigne de la volonté de préserver les traditions ancestrales tout en les adaptant aux réalités modernes.
Les autorités, elles aussi, ont pris la parole pour souligner l’importance de cet événement. Kragbé Yvan Serge, représentant le ministre-gouverneur du Bas-Sassandra, Philippe Legré, a salué cette fête qui, selon lui, “valorise les racines profondes de la culture locale et assure son rayonnement bien au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire”. Il a promis de soutenir cette initiative, souhaitant que Dassioko devienne un pôle culturel majeur en Côte d’Ivoire, voire une sous-préfecture.
La cérémonie s’est achevée par la proclamation des résultats du concours entre les générations. La génération Nounaneu (1974-1976) a été désignée meilleure génération, Gnoupalé a remporté la palme pour la meilleure génération de cette 4e édition, et Klôgba a été couronné meilleur batteur de tam-tam, une distinction qui honore à la fois l’artiste et son village.
Au-delà des danses et des chants, cette édition du Zôkpa-Gôlo a été marquée par une profonde réflexion sur l’avenir du patrimoine culturel de Dassioko. Beugré Niakrou Rêve a clôturé l’événement avec ces mots chargés d’espoir : “L’avenir de notre culture dépend de nous. Ensemble, nous devons nous battre pour la protéger, la transmettre et l’enrichir.”
Cette fête, bien plus qu’un simple festival, s’est révélée être un plaidoyer vibrant pour la sauvegarde d’un patrimoine unique, celui des peuples Lôglagnoan, ancré dans le cœur de tous ceux qui chérissent l’héritage des ancêtres.
Alors que les regards se tournent déjà vers les futures éditions, l’espoir demeure que les rêves de Beugré Rêve se concrétisent et que le conservatoire voit bientôt le jour, garantissant ainsi la préservation de ces trésors culturels pour les générations à venir.
Une contribution de Magloire Madjessou, envoyé spécial à Dassioko
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