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[Sénégal] Les Médias en révolte contre les mesures répressives du nouveau gouvernement

Journée sans presse Sénégal

Abidjan, Côte d’Ivoire, le 15 août 2024 (crocinfos.net)—Le 13 août 2024, les médias sénégalais ont unanimement décidé de faire silence en réponse aux mesures répressives imposées par le nouveau gouvernement, dirigé par Ousmane Sonko. Cette « journée sans presse », organisée par le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de la Presse du Sénégal (CDEPS), marque une protestation historique contre la pression croissante exercée sur les entreprises de presse.

En réponse à l’appel du CDEPS, la quasi-totalité des organes de presse ont cessé leurs activités, ne laissant derrière eux que des écrans vides sur les chaînes de télévision et des journaux arborant un simple « Journée sans presse » en rouge et blanc sur fond noir. Les sites web d’information et les stations de radio, quant à eux, se sont limités à diffuser de la musique, interrompant ainsi toute diffusion d’informations.

Cette grève a pour but de dénoncer une série de mesures répressives visant directement les médias. Parmi ces actions, on note le gel du Fonds d’appui au développement de la presse, la saisie des comptes de certaines entreprises de presse, ainsi que la suspension par les autorités des abonnements de l’État aux journaux. De plus, des contrats publicitaires ont été annulés de manière unilatérale, plongeant les médias dans une crise financière sans précédent.

Le gouvernement exige également des entreprises de presse le paiement de 38 milliards de francs CFA, répartis entre 13 milliards de dettes fiscales et 25 milliards de redevances dues à l’Agence de Régulation des Télécommunications et de la Poste (Artp). Ces exigences ont conduit au gel des comptes bancaires des entreprises jugées défaillantes, à des mises en demeure, et à la confiscation de matériel de production essentiel.

Mamadou Ibra Kane, président du CDEPS et dirigeant d’Avenir Communication, s’est exprimé sur cette situation lors d’une conférence de presse le 5 juin, appelant à une fiscalité adaptée à la spécificité du secteur médiatique. Il a déploré la rapidité des procédures fiscales qui, selon lui, ciblent certains médias plus que d’autres. Cette perception d’une utilisation politique de la puissance publique a été largement relayée par les médias.

Face à ces pressions, plusieurs médias ont été contraints de suspendre leur publication, notamment les éditeurs des quotidiens Stades, Sunu Lamb, et Vox Pop. La situation est d’autant plus préoccupante que la liberté de la presse, jadis respectée au Sénégal, est aujourd’hui gravement menacée. Le Premier ministre Ousmane Sonko, lors d’une rencontre avec les jeunes cadres de son parti Pastef le 9 juin, a déclaré que les médias ne seraient plus autorisés à publier des informations sans source fiable, une déclaration qui a provoqué une vague d’indignation.

La répression n’est pas seulement économique, mais également physique, avec l’arrestation récente de plusieurs journalistes, dont Pape Moussa Traoré, directeur de publication du journal La Tribune, et Mohamed Guèye, directeur de publication du journal Le Quotidien. Ces journalistes ont été accusés de diffuser de fausses informations et ont été relâchés après leur interrogatoire par la police.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a salué la solidarité des médias sénégalais face à ces défis, tout en appelant les autorités à adopter une approche plus conciliante. La MFWA, en partenariat avec six autres organisations, a récemment adressé une lettre ouverte aux nouvelles autorités sénégalaises, les exhortant à faire de la liberté de la presse une priorité nationale.

Le Sénégal, autrefois modèle de démocratie en Afrique, traverse une période critique où la survie de la presse indépendante est mise en jeu. Il est impératif que le gouvernement reconnaisse l’importance de soutenir une presse libre et indépendante, garante de la démocratie et de la paix sociale.

Charles Kpan, source la MFWA

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