Veillée funèbre, comédie sociale ou compassion ? (Simple question)

Veillée funèbre, comédie sociale ou compassion ? (Simple question)

De 20 heures à l’aube ce matin, une veillée funèbre s’est déroulée dans notre quartier. Toute la nuit, un groupe de gens venus compatir à la peine de la famille (parents ? Amis ?) se sont installés dans la buvette non loin de ma fenêtre. Ils ont bu, ri, ri aux éclats même jusqu’à l’aube. À 7 heures, il y en a qui étaient encore là autour des bouteilles. Ceux-là vont quitter ce lieu avec des visages défaits, fatigués. Quand on va leur demander la cause de cet état, ils répondront dans leur nouveau français (partagé malheureusement aussi par des professeurs de français) : ‘’Je suis quitté à un funérail-là, je n’ai pas dormi, j’ai veillé.’’ En fait, ils étaient venus commémorer le décès de leur cher Bacchus.

‘’Pour certains, aller aux funérailles, c’est faire acte de présence et non compatir à la peine de la famille éplorée.’’

Et toute la nuit, ils ont déposé des litres et des litres d’urines derrière nos fenêtres parce que la mairie a cassé la clôture de notre immeuble afin que tous les passants puissent voir dans nos maisons.

C’est cette comédie de veillée qu’on nous sert depuis que, pour certains, aller aux funérailles, c’est faire acte de présence et non compatir à la peine de la famille éplorée. Dans les morgues, on voit des femmes, des hommes endimanchés, des smartphones collés à l’oreille en train de “se produire” au milieu des cris de détresse des parents affligés, abattus, consternés. Certains célèbrent leurs retrouvailles dans ces lieux tristes par des éclats de rires bruyants au milieu des sanglots des familles devenues, elles, aphones par les pleurs. Et ce n’est pas tout. Au cimetière, ils s’arrêtent sur les tombes de ceux qui sont couchés là et devisent tranquillement, insouciants pendant que des cris déchirent la lourde atmosphère de la séparation, pendant que des parents désemparés tentent d’écraser une larme.

‘’Alors, quand vous pleurerez un jour, les autres viendront jouer la même scène.’’

Comédie sociale ou compassion ? Et comme ça n’arrive pas qu’aux autres, on peut faire semblant de compatir ou compatir effectivement aux peines du prochain. Comme disait Nguess Bon Sens, sur sa deuxième cassette, ‘’l’au-delà est comme Abidjan, nul ne peut dire qu’il n’a personne là-bas’’. Alors, quand vous pleurerez un jour, les autres viendront jouer la même scène.

Par Pascal Kouassi

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