[Actes de naissance] Corruption en Côte d’Ivoire
La corruption autour des actes de naissance en Côte d'Ivoire aggrave l'apatridie et l'inégalité. Frais abusifs, populations pressurisées : dénonciation sur une pratique endémique.
Abidjan, le 7 novembre 2024 (crocinfos.net) –Exploitation de l’ignorance. C’est la galère. Pour cette rentrée scolaire 2024-2025, un parent d’élèves a établi, à la sous-préfecture de Séitifla (département de Vavoua et région du Haut-Sassandra), deux copies d’extrait de naissance de deux de ses enfants, âgés de six et huit ans, à… vingt-cinq mille francs (25.000FCFA).
Dans tout le département de Vavoua et depuis la sous-préfecture centrale, c’est le calvaire que vivent les populations: une déclaration de naissance, même dans le délai de trois mois, ne se fait presque pas à 500FCFA. À défaut de 5.000F dans les villages, il faut débourser au minimum mille francs. Sans aucune explication. Et c’est à prendre ou à laisser.
Il y a deux ans, pour quatre copies de l’acte de naissance de ma nièce, il m’a été demandé six mille francs (6.000F), à raison de 1.500F par copie à la sous-préfecture de Séitifla. Ayant vigoureusement protesté, j’ai obtenu le tarif normal et national de 500F par copie. Cela veut donc dire que les populations, livrées à elles-mêmes et à la corruption, sont pressurées. Au vu et au su des autorités et des élus, qui font preuve ou de complicité ou de culpabilité.
Malheureusement, cette exploitation à ciel ouvert de l’ignorance des populations se déroule en plusieurs autres endroits du pays. Un fils du Hambol (région au centre-nord dont le chef-lieu est Katiola) m’a transmis le communiqué ci-dessous pour indiquer que les mêmes misères sont partagées à la sous-préfecture centrale de Dabakala (chef-lieu de département) et certainement dans tout le département. Ici, c’est “la hausse des prix des fournitures de bureau”, qui est répercutée sur les pauvres populations, condamnées à boire le calice jusqu’à la lie.
Ce n’est pas tout. À la sous-préfecture centrale d’Issia (chef-lieu de département, région du Haut-Sassandra), et certainement dans toutes les sous-préfectures de ce département, c’est le même et triste spectacle avec un abattement de 300F. Le renouvellement de l’extrait de naissance s’obtient, en effet, à 1 200F, ainsi répartis: 500F pour la copie, 500F pour le timbre et 200F pour le timbre… Raoul Follereau.
‘’On le voit, contrairement à l’article 4 de la Constitution, tous les Ivoiriens, d’une région à une autre, d’un département à un autre, ne naissent pas libres et égaux en droit.’’
Ainsi, la Côte d’Ivoire évolue à plusieurs vitesses: 500F (tarif normal) en des endroits, 1.200F et 1.500F (tarif arrangé) en d’autres, pour le même document. On le voit, contrairement à l’article 4 de la Constitution, tous les Ivoiriens, d’une région à une autre, d’un département à un autre, ne naissent pas libres et égaux en droit.
La conséquence de cette campagne d’extorsion de fonds est immédiate: il n’y a aucune ruée vers les sous-préfectures et plusieurs milliers de personnes ne possèdent aucune pièce. Et cela s’est notamment constaté à l’occasion de la révision de la liste électorale 2024 avec le désert des nouveaux requérants dans les villages et sous-préfectures.
Pourtant, la Côte d’Ivoire, par la ratification de la convention internationale, a sorti de l’apatridie presqu’un million de personnes étrangères ou prétendues telles. Pendant ce temps, la menace guette des milliers d’Ivoiriens. Face aux obstacles pécuniaires pour l’établissement des actes de naissance, ils sont à risque d’apatridie, en l’absence de citoyenneté.
F.M.Bally
NB : le titre est de la rédaction, le sous-titre est de l’auteur
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