Côte d’Ivoire: comment l’avenir des diplomates de carrière est compromis

Côte d’Ivoire: comment l’avenir des diplomates de carrière est compromis

Marcel Amon Tanoh, ministre des Affaires étrangères. Ph.Dr

Les diplomates de carrière de Côte d’Ivoire, formés à grands frais dans les prestigieuses Universités et Écoles nationales d’administration (Abidjan, Paris) et qui sont appelés à animer notre diplomatie rencontre de nombreuses difficultés liées notamment au manque de lisibilité dans leur profil de carrière.
Depuis la crise post-électorale de 2011, aucun Diplomate de carrière n’a été nommé au grade d’Ambassadeur. La plupart des Diplomates surtout les ministres plénipotentiaires, qui sont en droit d’attendre cette promotion comme couronnement de leur carrière trentenaire sont partis ou entrain de partir à la retraite sans avoir eu ce privilège de servir à ce niveau de responsabilités.

Comment expliquer cette situation pénalisante pour les Diplomates de carrière ?
D’abord il faut rappeler que les nominations d’Ambassadeurs intervenues en 2011 dans la foulée de la crise post-électorale n’ont pris en compte que quatre (04) diplomates de carrière (pas forcément les plus méritants et les plus anciens) alors qu’une douzaine de carriéristes était apte à accéder à la fonction. Ces nominations n’ont eu pour seul critère que la politique.
Des jeunes à peine sortis de l’Ecole nationale d’Administration ont été nommés à cette haute fonction pendant que les anciens étaient proprement ignorés. Les autres Ambassadeurs de cette vague de 2011 venaient d’autres administrations (médecins, administrateurs de services financiers, administrateurs civils, Hommes d’affaires, anciens ministres, Hommes politiques etc.)
C’est le lieu de rappeler à tous que la diplomatie est un métier et comme tel, il s’apprend comme tous les autres métiers. Nommer des ambassadeurs issus de tous les corps de métiers n’est pas forcément profitable à la diplomatie Ivoirienne. C’est la porte ouverte à l’improvisation et à l’à peu près.
Ces nombreuses interférences nuisent énormément aux diplomates de formation et mettent en péril leur profil de carrière, car les obligeant à évoluer dans de seconds rôles dans leur propre ministère malgré leurs expériences et qualifications.
L’autre goulot d’étranglement concerne le mouvement d’affectation des ambassadeurs dont la périodicité n’est pas connue car n’étant réglementé par aucun texte. Ainsi, aucun mouvement des ambassadeurs n’a été réalisé depuis 2011 et des ambassadeurs sont maintenus en poste à l’étranger depuis plus de dix (10) ans sans discontinuer alors que la rotation dans les autres pays est de quatre (04) ou cinq (05) ans maximum. Cette pratique Ivoirienne consistant à laisser les ambassadeurs en poste à l’étranger au-delà de 10 ans en une sortie, empêche de nouvelles nominations d’ambassadeurs et bloque l’affectations des ambassadeurs en poste au Département central. Il n’y a pas meilleure façon de mettre la corporation en difficulté.
La cerise sur le gâteau, c’est le maintien en fonction et de surcroît à l’étranger, de nombreux ambassadeurs atteints par l’âge de départ à la retraite. Les rallonges successives auxquelles ils ont droit contribuent à en faire des fonctionnaires à part et laisse penser qu’ils resteront en activité à vie.

Dans ces conditions, à quel avenir pourrait rêver les jeunes diplomates Ivoiriens ?
Enfin, le statut particulier du corps diplomatique voté par l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire en décembre 2007, n’est que très partiellement mis en œuvre six (06) ans plus tard c’est-à-dire en 2013. Sur les neuf (09) textes qui doivent être pris pour sa mise en œuvre complète, seul celui relatif aux salaires du personnel diplomatique a été pris. Les autres attendent toujours dix (10) ans après l’adoption de la loi.
Les Diplomates attendent un geste fort des Autorités pour remettre la diplomatie sur les rails de l’émergence.

EKB

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