[Côte d’Ivoire Santé] Sinaré Barakissa (la victime du Csucom de Vridi 3) parle:
-« En 8 mois, j’ai subi 5 opérations au CHU de Treichville »
Après la fermeture le 21 septembre 2016 du Centre de santé urbain communautaire (Csucom) de Vridi 3 suite à l’incident professionnel malheureux du 7 août 2016, après l’accouchement de Mme Sinaré Barakissa, celle-ci a décidé, pour la première fois, de rompre le silence le lundi 15 janvier 2018, à l’ouverture officielle dudit centre. Dans cet entretien, elle raconte le tort qu’elle a subi (cinq opérations en huit mois) et les séquelles qu’elle gardera à vie.
Madame Barakissa, avez-vous souvenance de ce qui s’est passé après votre accouchement ?
Je me rappelle qu’après l’accouchement et le retrait du placenta, j’ai vu une paire de ciseaux entre les mains de la sage-femme. Au même moment, je lui ai posé la question suivante : ‘’La paire de ciseaux servira à faire quoi ?’’. En réponse, elle m’a interrogée en ces termes : ‘’Tu as fait beaucoup d’accouchements, tu as peur de quoi ?’’. Je n’ai pas eu le temps de répondre que j’entends le claquement de la paire de ciseaux. Ma réponse a été ‘’tu m’as tuée’’. Elle venait effectivement de me ‘’tuer’’ parce que je suis tombée dans le coma par la suite.
Vous étiez à votre 5e accouchement. Avez-vous respecté tous les rendez-vous de la sage-femme lors de votre grossesse ?
Oui, tous les rendez-vous de la sage-femme ont été respectés, et puis le problème ne situait pas à ce niveau puisque j’ai accouché normalement par voie basse.
Savez-vous pourquoi vous avez subi cinq différentes opérations au CHU de Treichville ?
Les médecins me disaient que les opérations ont été mal faites, les unes après les autres. J’ai subi trois opérations à la maternité et les deux autres en chirurgie. (Son époux, Sinaré Madi intervient : ‘’Il faut remercier le directeur du CHU qui a pris en charge la 4e opération)’’.
Avez-vous reçu la visite la visite des agents du ministère de la Santé ?
Écoutez ! On recevait de simples visites, mais pas plus. Ceux qui se présentaient comme étant du ministère de la Santé ne nous ont apporté aucun soutien financier ou matériel.
Madame, vous avez fait combien de mois d’hospitalisation ?
J’ai passé huit mois à l’hôpital. Tous les frais ont été en charge de mon époux, l’aide de ma famille, celle de la communauté et du quartier. Je profite de l’occasion pour les remercier.
Depuis juillet 2017, vous avez été libérés. Est-ce que vous allez mieux ?
Pas tellement je sens toujours le mal partout où je j’ai subi les opérations.
Quand avez-vous vu pour la première fois votre bébé qui a maintenant un an et cinq mois ?
C’est après deux mois (octobre 2016. Elle a accouché en août 2016) que ma sœur avec qui l’enfant vit me l’a emmené à l’hôpital. Cela a été un moment inoubliable pour moi.
Maintenant que vous êtes sortie de l’hôpital, pourquoi l’enfant ne vit-il toujours pas avec vous ?
Il faut dire que, à l’apparence, ça va, mais je ne dois pas prendre tout ce qui est lourd. Or, vous savez avec son âge (un an et cinq mois) il doit beaucoup s’amuser ce sera difficile pour moi ; sinon je veux bien l’avoir à mes côtés.
C’est vrai que vous n’êtes pas au mieux de votre forme, mais on vous a vu lors de la manifestation pacifique de la population pour la rouveture du centre de santé puis aujourd’hui à l’ouverture. Qu’est-ce qui explique votre présence ? Cela ne réveille-t-il pas de mauvais souvenirs ?
C’est juste par élan de solidarité pour qu’aucune autre femme ne subisse ce que j’ai vécu et que le centre rouvre le plutôt possible pour que je puisse faire la déclaration de mon enfant. J’essaie de pardonner le mal que j’ai subi, mais je n’oublie pas.
Peut-on avoir une idée des dépenses effectuées ?
(Son mari intervient). Les dépenses tournent autour de 3.500.000 FCFA. Les différents reçus sont trop. Seulement après une radiographie, je ne suis pas à moins de 400.000 FCFA de dépense, or il y en a eu plusieurs.
Est-ce que le ministère s’est manifesté pour vous venir en aide ?
Des personnes se réclamant du ministère ont demandé que nous déposions les factures au ministère, ce que ma sœur-aînée a fait. Mais nous n’avons reçu aucun retour si ce ne sont que des va-et-vient qu’elle a faits entre son commerce et le ministère.
Avez-vous portez plainte ?
Nous n’en sommes pas là, mais la famille avisera.
Que voulez-vous qu’on retienne après cet entretien ?
Je prie que ce genre d’accident ne se reproduise plus dans ce centre, et même partout ailleurs. Que les sages-femmes qui seront affectées ici aient la conscience professionnelle. Moi, je pardonne. Le reste revient à la famille et tous ceux qui m’ont soutenue en prière. À tous, je réitère mes remerciements. Grâce à eux, je me sens soutenue et j’ai le courage de surmonter le mal que je vis.
Entretien réalisé par Sériba Koné
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