[France-enquête] Violences scolaires : 442 incidents recensés chaque jour #élèves
Près de la moitié des élèves sont témoins de violences au collège, selon une enquête qui paraît ce mercredi. Un fléau caché.
Se faire enlever sa casquette d’une chiquenaude. Etre bousculé dans les escaliers, tous les jours. « Nous, adultes, nous ne supporterions pas cela. Pourtant, c’est ce que vivent beaucoup d’ados. Ne négligeons pas leurs maux », alerte Liliana Moyano, la présidente de la FCPE, la première fédération de parents d’élèves. Même disparue en tant que grande cause des campagnes du ministère de l’Education, la violence existe bel et bien dans la vie des collégiens et lycéens. C’est ce que pointe une étude de l’Association de la Fondation étudiante pour la ville, dévoilée ce mercredi. Près de la moitié (46%) des 447 ados interrogés, tous scolarisés dans des collèges ZEP, déclarent avoir été témoins au moins une fois «d’actes de cruauté ou d’humiliation» entre élèves dans la cour, et plus de la moitié n’en parlent jamais. Un sur cinq a déjà subi des violences physiques, et 40% se plaignent de moqueries et d’insultes.
Un phénomène minoré. Selon les statistiques officielles, on recense aujourd’hui « 12,8 incidents graves pour 1 000 élèves » et par an dans le secondaire. Ce chiffre, stable, est le seul communiqué par le ministère, qui assure qu’« il est impossible de fournir les données brutes » du nombre d’agressions. Pas d’indications géographiques non plus. Autant on peut savoir le taux de réussite du bac lycée par lycée, autant le nombre d’incidents par établissement reste tabou, caché vraisemblablement pour éviter toute stigmatisation. « Le Parisien » – « Aujourd’hui en France » a fait le calcul : 12,8 incidents pour 1 000 élèves équivalent à… 442 faits par jour d’école ! Une estimation basse. « Le phénomène de la violence scolaire est sous-estimé, et il l’est depuis toujours, recadre l’historien de l’éducation Claude Lelièvre. Une partie des incidents ne sont pas déclarés : certains établissements n’ont pas intérêt à dire qu’il y a des problèmes chez eux, et tous n’ont pas le même seuil de tolérance. »
Les élèves, premières victimes. La grande majorité (80 %) des « incidents graves » signalés aux académies sont des violences verbales (41 %) ou physiques (30 %). Ensuite viennent les vols et le vandalisme (8 %), la consommation et le trafic de stupéfiants (4 %), le port d’arme blanche ou d’objet dangereux (3,2 %). « Les victimes sont très majoritairement des élèves », relève Benjamin Moignard, directeur de l’Observatoire universitaire international éducation et prévention. Si les faits les plus graves se concentrent « dans un nombre restreint d’établissements », surtout des lycées professionnels, « le quotidien de tous les établissements est émaillé de petits faits, comme des bousculades, des débuts de bagarres, dont l’accumulation fatigue les élèves comme les enseignants », ajoute le chercheur. Avec des répercussions sur l’ambiance de travail : « La recherche a montré qu’un bon climat scolaire est nécessaire pour la réussite des élèves, et surtout pour ceux qui viennent de milieux défavorisés », note Benjamin Moignard.
VIDEO. Dans les quartiers difficiles, quel ressenti ?
Des réponses insuffisantes. Si des établissements investissent dans la prévention de la violence, la France est globalement en retard. Selon l’OCDE, la France se classe 61e, sur 65 pays, pour le calme en classe. « Pourtant, il n’y a pas de fatalité : il est tout à fait possible d’améliorer le climat scolaire, quand les équipes éducatives sont stables et se préoccupent collectivement du sujet », résume Benjamin Moignard. Mais pour l’instant, la réponse de l’institution à la violence consiste souvent… à montrer la porte. En région parisienne, l’équivalent d’un collège par département, soit environ 400 élèves, est chaque jour exclu.
Comment en parler aux enfants
Plutôt que de mettre les pieds dans le plat par un abrupt « qu’est-ce qu’il se passe ? », la pédopsychiatre Nicole Catheline conseille de « rassurer », d’expliquer à son garçon ou à sa fille que le harcèlement et la violence existent, que d’autres l’ont vécu, « qu’on peut réfléchir ensemble à des solutions, et qu’on n’agira pas sans son accord », insiste la présidente du conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Au besoin, et notamment en cas de changement de comportement manifeste et soudain, les parents peuvent demander sans attendre un rendez-vous avec le chef d’établissement ou contacter au rectorat le référent harcèlement et violence : il en existe un dans chaque académie. Enfin, deux numéros utiles peuvent être composés : le 30.20, pour dénoncer des faits ou s’informer sur le harcèlement scolaire, et le 119, numéro national et gratuit de l’enfance en danger.
Le Parisien
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