[Violences à Dakar] Condamnation d’Ousmane Sonko et tensions politiques à l’approche des élections présidentielles
Les violences éclatent à Dakar suite à la condamnation d'Ousmane Sonko, principal opposant politique et candidat potentiel à l'élection présidentielle au Sénégal. Une affaire de viols politiquement chargés et les implications pour l'avenir politique du pays.
Abidjan, le 1er juin 2023 (crocinfos.net) La situation était tendue à Dakar, au Sénégal, jeudi 1er juin, suite à la condamnation d’Ousmane Sonko, opposant politique sénégalais accusé de viols et candidat potentiel à l’élection présidentielle de 2024. Dans une décision judiciaire qui a provoqué de vives réactions, Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme pour “corruption de la jeunesse”. Le ministre de la Justice, Isaïla Madior Fall, a déclaré aux journalistes que Sonko pourrait désormais être arrêté “à tout moment”.
Sans attendre une telle arrestation, des groupes de jeunes ont immédiatement réagi à l’annonce de la décision en attaquant des biens publics dans plusieurs quartiers de la capitale. Des pneus ont été brûlés et des obstacles ont été placés dans les rues, comme l’a observé un photographe de l’AFP.
Des affrontements violents ont eu lieu à l’université de Dakar, où plusieurs voitures de la faculté de médecine, du département d’histoire et de la principale école de journalisme ont été incendiées et des bureaux saccagés. Les cours ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre. Les troubles se sont également étendus à d’autres régions du pays, notamment à la Casamance (sud), Mbour et Kaolack (ouest) ainsi que Saint-Louis (nord).
Ces heurts sont survenus à la suite du verdict rendu par une chambre criminelle de Dakar concernant Ousmane Sonko. Le principal adversaire du président Macky Sall était accusé de viols et de menaces de mort. Bien que le tribunal l’ait condamné pour “corruption de la jeunesse“, un acte consistant à favoriser la “débauche” d’un jeune de moins de 21 ans, il a été acquitté des deux chefs d’accusation.
L’accusatrice, une employée d’un salon de beauté que Sonko fréquentait pour des massages et qui était âgée de moins de 21 ans au moment des faits allégués, a été menacée et insultée depuis que le scandale a éclaté. Placée sous protection judiciaire, elle a toujours maintenu ses prétentions selon pourquoi l’opposant l’aurait agressée sexuellement à cinq reprises entre fin 2020 et début 2021.
Ces affirmations ont été contestées par la propriétaire du salon de beauté – également condamnée dans cette affaire – ainsi que par des témoins du salon de coiffure. L’avocat de l’accusatrice s’est dit satisfait de la condamnation d’Ousmane Sonko, même s’il considère que l’amende qu’il devra payer (20 millions de Francs CFA, soit environ 1517 euros) est minime par rapport aux “souffrances”.
Cette affaire a été fortement politisée depuis son éclatement, devenant un enjeu tant criminel que politique. Ousmane Sonko a toujours nié les accusations, affirmant qu’il s’agit d’un complot fomenté par le pouvoir pour l’écarter de la course à la présidentielle. En effet, la décision judiciaire semble remettre en question son éligibilité et sa capacité à se présenter à l’élection présidentielle l’année prochaine, alors qu’il est le principal rival de Macky Sall.
Par ailleurs, l’éligibilité du leader du parti PASTEF-les Patriotes, qui s’était classé troisième à l’élection présidentielle de 2019, est déjà compromise par une condamnation récente à six mois de prison avec sursis pour diffamation à l’encontre d’un ministre. Depuis février 2021, date à laquelle l’affaire de viols présumée a fait l’une des médias, Ousmane Sonko se trouve engagé dans une lutte acharnée avec le pouvoir pour sa survie politique et judiciaire. Une vingtaine de civils ont été tués lors des troubles, liés à cette situation.
Les incidents qui se sont produits jeudi ont été mutuellement imputés par le pouvoir et l’opposition. Ousmane Sonko a dénoncé dans un communiqué un verdict “sur commande, ultime étape du complot ourdi par Macky Sall et ses sbires”, appelant les Sénégalais à descendre dans la rue et les forces de l’ordre à se joindre à eux, faisant craindre une nouvelle vague de violence. La décision de justice compromet ses chances de se présenter à l’élection présidentielle. « Que tous les Sénégalais le sachent : Ousmane Sonko ne peut plus être candidat », a déclaré l’un de ses avocats à la sortie du tribunal jeudi.
Le Montagnard
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