[Côte d’Ivoire-Grand Reportage] Mort de Guéï : 15 ans empreints de souvenirs, de douleurs et de regrets #Udpci
-La famille politique et biologique se rappellent et réclament la justice de Dieu
19 septembre 2002-19 septembre 2017. 15 ans après l’assassinat du général Robert Guei, premier président de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire(Udpci) sa famille politique et biologique se souviennent. Mardi 19 septembre 2017, jour anniversaire de cette tragique disparition, l’émotion et les mots pour traduire la douleur étaient au rendez-vous au siège dudit parti à Cocody-Angré et à Kabacouma, son village natal à plus de 600 km d’Abidjan.
Souvenirs empreints de douleur et regret. Cérémonie sobre pleine de souvenirs, d’indignation, de retrouvailles et d’échanges. Comme si c’était hier, les militantes et militants ainsi que les sympathisants du parti arc-en-ciel (couleur de l’Udpci), d’une seule et unique voix, continuent de réclamer ‘’une justice vraie : celle de Dieu.’’
Par ailleurs, tous sont unanimes pour reconnaître que le temps d’aller à la paix, à la réconciliation et à l’union entre les filles et fils du parti légué par le père fondateur a sonné. Recueillement, voix nouées, quelques militants qui fondent sanglots devant le portrait photo du défunt (Robert Guéi), exposé dans une couronne de fleur. L’ambiance était lourde, et les visages froncés et tristes. Démontrant que le 19 septembre n’est pas un jour ordinaire pour les partisans et sympathisants du général Robert Guéi.
Des cadres et membres de la direction de l’Udpci, n’ont pas voulu se faire raconter ce jour anniversaire de la 15ème année de la disparition celui qu’il aime en faisant eux-mêmes le déplacement. Le général Robert Guéi fut pour certains, un père, un leader, et pour d’autres, un frère, un guide régional….
C’est avec beaucoup de peines et regrets que son attaché de cabinet, aujourd’hui, 4e vice-présidente en charge des affaires juridiques et en relation avec les institutions de l’Udpci, Mme Mahi Clarise, se souvient : « Nous avons toujours été attachés aux idéaux de paix comme nous l’a enseigné le président Guéï, ce grand disciple d’Houphouët-Boigny. C’est vous dire que nous sommes prêts à faire tous les sacrifices pour la paix. D’ailleurs, à maintes reprises, nous l’avons démontré, notamment sous le régime de Laurent Gbagbo (…). »
Mahi Clarisse : ‘’Mettre Dieu au centre de tout’’
Pour cette proche de Guéi, son parti a de tout temps été partie prenante de la réconciliation. « Concernant, la réconciliation dont il est question actuellement, nous nous inscrivons dans cette logique, c’est pourquoi nous demandons aux uns et autres de pardonner, et de tolérer. C’est d’ailleurs pour cette raison que le père fondateur de notre parti, le président Guei prônait “Le bon ton” qui consistait à s’accepter dans nos différences. Personne n’est parfait. Nous avons tous des défauts et des qualités. Il faut mettre en avant les qualités. C’est comme ça que nous allons retrouver la cohésion sociale», a indiqué notre interlocutrice faisant un clin d’œil à l’an III de l’appel de Daoukro : « Le président Bédié l’a dit à Daoukro lors de l’an 3 de l’appel de Daoukro. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire ne peut pas être dirigée par une seule formation politique. C’est ensemble que nous pouvons le faire. Raison pour laquelle, nous devons mettre Dieu au centre de tout »
Tout comme Mme Mahi Clarisse, le ministre Albert Flindé, par ailleurs, 2è vice-président du parti arc-en-ciel, bien que peiné par ‘’cet acte odieux’’ d’individus sans foi ni loi, pense qu’il faut aller à la paix en se pardonnant : en effet, au sortir du congrès de 2002, il a eu la chance d’être coopté par le président Guei et a occupé plusieurs postes. Il a été membre du bureau politique, secrétaire national, chargé de l’économie et des finances. Poste qu’il a occupé jusqu’à l’assassinat du président Guei. À ce jour, il est le 2è vice-président du parti. Bien avant, il a assuré l’intérim de feu Salif Alassane N’diaye, le secrétaire général d’alors. « 15 ans après, cette tragique disparition c’est un sentiment de peine et de regret qui m’anime. Car au-delà du fait qu’il a été le chef de l’État de la Côte d’Ivoire, il a été, non seulement un aîné, un guide et un leader pour le pays, mais aussi un leader pour notre région. »
Albert Flindé: ‘’Nous devons aller au pardon et à la paix’’
Concernant, le procès sur l’assassinat de Robert Guéï, il a remercié les enfants du défunt qui ont été les initiateurs, même si l’Udpci les a assistés. « Le verdict est tombé. En tant que responsable politique, je ne porte pas de jugement sur la qualité, mais au moins, pour nous qui avons été ses proches, nous sommes plus ou moins soulagés, même si nous aurions voulu que les commanditaires soient connus de tous. C’est vrai que nous sommes peinés. Mais même si le mot pardon est galvaudé, nous n’avons pas le choix, nous devons aller au pardon et à la paix. C’est pourquoi je saisis cette occasion pour envoyer un double message. Tout d’abord à l’endroit des militants je leur demande d’œuvrer pour que, ce pourquoi, le président Guei a été assassiné se réalise. À savoir réussir à faire le rassemblement et l’Union, parce que ce qui caractérise notre parti. »
Aux ivoiriens et à la classe politique ivoirienne, il demande de croire en la capacité de l’Udpci à diriger la Côte d’Ivoire. « Car c’est le souhait de tout parti politique sérieux et responsable », soutient-il…
L’actuel député de Dimbokro commune et sous-préfecture, Yao Kouadio Séraphin, ex-président des jeunes pense pour sa part qu’au moment où, les militants se souviennent de l’assassinat de leur guide, tous doivent montrer que le parti est à la tâche.
« Au moment où disparaissait le président Guei, j’étais membre du bureau de la jeunesse de l’Udpci en qualité de secrétaire national aux finances. Aujourd’hui, je suis secrétaire général-adjoint chargé de l’administration du parti. Au moment où nous commérons les 15 ans de l’assassinat du président Guei, même si nous sommes tous peinés, je dis aux militants que nous sommes à la tâche. Nous avons plus que jamais besoin de pérenniser l’oeuvre de notre premier président », conseille t-il.
Denis Zodo: ‘’ Que le parti songe à accéder au pouvoir’’
Denis Zodo, membre du bureau politique de l’Udpci, il soutient mordicus qu’il est temps que son parti songe à accéder au pouvoir. Par ailleurs, il se souvient qu’au moment de l’assassinat du père fondateur de son parti, il était le chef de cabinet de feu Alassane Salif N’Diaye, alors secrétaire général. « J’étais également coordonnateur Udpci de Yopougon. 15 ans après, je suis coordonnateur de Yopougon. Aujourd’hui, l’objectif du parti et de son président Mabri, c’est la conquête du pouvoir parce que depuis 2010, nous avons contribué avec nos camarades du Rhdp à porter le président Alassane Ouattara au pouvoir. Il est temps que l’Udpci songe à diriger la Côte d’Ivoire. Pour ce qui est de la réconciliation dont il est question actuellement, nous à l’Udpci comme nous l’a enseigné le président Guei, c’est “le bon ton” que nous cultivons. »
Autant dire que nous nous inscrivons dans la logique de ‘’paix et de tolérance”, précise t-il. Présidant, la cérémonie, en l’absence du président Albert Mabri Toikeusse, Laurent Tchagba (SG Udpci) a appelé les militants à se rassembler pour rebondir.
“…En ce jour anniversaire, c’est un sentiment de peine qui nous anime tous (…) en son temps, nous avons porté plainte contre x. Une enquête a été diligentée. Un procès a eu lieu. Des personnes ont été inculpées. A partir de ce moment, on peut dire que l’Udpci a fait son deuil. Le 19 septembre, pour nous, militants de l’Udpci est un jour mémorable. Nous sommes donc ici aujourd’hui pour un recueillement et surtout pour nous souvenir de la mémoire de notre père Robert Guei. Cette cérémonie doit être celle du souvenir et du rebondissement pour notre parti. Les militants doivent retenir que le président Guéï est mort pour une bonne cause. C’est pourquoi, nous devons continuer le combat qui lui était cher, le combat contre la précarité pour permettre aux populations de vivre mieux. C’est pourquoi, j’invite tous les militants de notre parti à s’inscrire dans la logique de la paix et de réconciliation, seul gage de rayonnement de notre pays…”, a confié Laurent Tchagba. Figure charismatique et emblématique pour son combat, sa fidélité, sa loyauté, sa conviction et son amour pour la Côte d’Ivoire, Jean Blé Guirao qui a marqué de son empreinte d’une part, le parti de Guéï et d’autre part, la jeunesse dudit parti, appelle à ‘’la solidarité et au partage ainsi qu’au respect’’ des engagements et des intérêts des uns et des autres.
Jean Blé Guirao : « L’Udpci aspire à la paix et c’est sa vision »
« 19 septembre 2002-19 septembre 2017, cela fait 15 ans, jour pour jour que le président Guei a été assassiné. Je me souviens que la veille ( ndlr :18 septembre 2002), en tant que professeur de Mathématiques au lycée classique d’Abidjan au moment où j’allais prendre mon emploi du temps, j’ai été agressé par des individus qui m’ont tout pris même mon portable. Je dois mon salut grâce à l’intervention de vendeurs de journaux qui m’avaient reconnu. Par la suite, grâce à mes collaborateurs, j’ai été admis dans une clinique de la place. C’est à 19h que par les soins de certains camarades de parti, dont Firmin , actuel chargé de mission du président Mabri, des moyens financiers remis par le président Guei pour mes soins m’ont été remis. Curieusement, le lendemain (19 septembre 2002) au matin, des médias annoncent que le président Guei est l’instigateur de la rébellion qui venait de voir le jour en Côte d’Ivoire. Cette information passait en bloucle sur les chaînes étrangères. On entendait les voix de Pascal Affi N’guessan, alors Premier ministre de Gbagbo, Lida Kouassi Moise, ministre de la Défense et d’Alain Toussaint qui lui était en France. Tous affirmaient que le président Guei dans sa tentative de prise de pouvoir par la force se rendait à la Télévision ivoirienne pour une déclaration quand il a eu une altercation avec les forces dites loyalistes qui l’ont abattu. J’étais tellement choqué d’apprendre cette triste nouvelle. Parce que je ne pouvais pas comprendre que celui qui avait reçu le bureau que nous venions de mettre en place avec des instructions claires puissent être assassiné dans de telles conditions », se souvient l’ex-président de la jeunesse de l’Udpci.
Qui raconte avec beaucoup d’émotion ce qu’il a vécu et qui continue de hanter ses rêves : « (…) Ça a été des moments difficiles et douloureux pour nous. J’ai passé 11 mois dans la clandestinité. Pendant cette période, alors qu’il revenait d’une réunion au Plateau, mon secrétaire général Shoualio Diomandé a été kidnappé et tué. Son corps a été retrouvé sur la route d’Agou. 15 ans après ces événements douloureux, nous ne devons pas baisser les bras. Nous devons continuer le combat pour atteindre notre objectif, celui de diriger un jour la Côte d’Ivoire. Mais cela ne doit pas se faire dans les commérages, la médisance, le mensonge, la méchanceté, mais plutôt dans la solidarité, le partage, l’action militante… »
Concernant le procès du président Guei, Jean Blé Guira parle de ‘’mascarade’’. « La famille politique a été royalement ignorée et écartée. À cela, il faut ajouter que, jusqu’à présent nous ne connaissons pas le mobile encore moins, les commanditaires de cet acte odieux. Mais nous disons que les humains ont terminé leur mascarade. La justice qui compte, c’est celle de Dieu », coupe-t-il court. Pour lui, l’Udpci aspire à la paix et c’est sa vision : « Il n’y a pas de préalable. Pour ma part, je dis que nous n’avons pas le droit de galvauder le combat que nous avons commencé ensemble et qui a entraîné plusieurs morts. Le galvauder serait ne pas respecter la mémoire de tous ceux qui sont morts. La direction de l’Udpci avec son président Mabri s’inscrit dans la logique de la paix, seulement que cela se fasse dans le respect des engagements et les intérêts des uns et des autres… »
Guéï Pédou Francis : « Mon père incarnait la stabilité dans la région du Tonkpi »
Rencontré à son domicile, Guéï Pédou Francis, l’un des fils du père fondateur de l’Udpci, est toujours ‘’peiné’’, des années plus tard : « C’est un jour inoubliable pour le commun des mortels. Mon père incarnait la stabilité dans la région du Tonkpi. Aussi, il était la courroie de transmission au plan culturel. Il était celui-là qui avait renforcé les alliances entre le peuple Dan (Yacouba) et les alliés que sont les Gouros, Senoufos et les Koyakas. Aujourd’hui, malheureusement, le chemin qu’il a tracé est en train d’être envahi par des mauvaises herbes. C’est vraiment triste de vous le dire. »
Et d’ajouter : « C’est vrai qu’il y’a eu un procès quant à l’assassinat de mon père. Des gens ont été reconnus coupables et condamnés, je salue leur courage. Seulement, je pense que c’est une symphonie inachevée parce qu’on n’a jamais su qui sont les commentaires. Comme la vérité finit toujours par éclater au grand jour, la vérité sera sue un jour. Concernant la réconciliation, il faut que chacun de nous assume ce qu’il a fait. Parce qu’il faudrait que je sache à qui je dois pardonner et le pourquoi ? »
À plus de 600 km d’Abidjan, la famille biologique était en prière. Kabacouma, village natal du général Robert Guéï à plus de 600 km d’Abidjan, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, la famille biologique était en prière. Ici, l’heure était au recueillement au caveau familial.
Une prière dirigée par le père Omer de la paroisse de Logoualé et, assisté de l’Abbé Bamba Jean-Noël. Tout comme au siège à Abidjan, la famille biologique réunie autour du chef de famille, Phouët Léon, de certains enfants (Gueï Mireille, et d’autres ayant décidé de demeurer en prière chez eux), de parents, Touré Siaka, Amon et Mayéré (le neveu du défunt) et le chef de famille Phouët Léon ont célébré le 15ème anniversaire de la disparition de Robert Guéï: « Que l’âme du général repose en paix et que son vœu de voir la Côte d’Ivoire et ses filles et fils unis soit exaucé.» Peut-on retenir de cet hommage rendu à celui qui reste immortel dans l’esprit des Ivoiriens et particulièrement sa famille biologique et politique.
EKB
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