[Côte d’Ivoire] « Presse numérique: quelle régulation? » Par Alafé Wakili #libertedelapresse
Pour moi, le défi de la régulation, est aussi un défi d’autorégulation, c’est-à-dire un ensemble de règles développé par la profession journalistique, parfois avec la participation de la société civile.
Je partirai d’un constat et de deux questions:
Constat: les ventes papiers des journaux et magazines, désormais concurrencées par la presse numérique, sont en baisses.
Toujours dans ce constat: la consultation des sites d’informations numériques a tendance à augmenter, ainsi que les ventes des versions numériques des journaux.
Deux questions face à ce constat:
–1ère question : celle du nouveau modèle économique à mettre en place, mais c’est un autre débat.
-2ème question : celle de la régulation et du contrôle des contenus de la presse numérique.
Avec cette deuxième question, nous abordons celle de la liberté de la presse et des règles déontologiques.
Il existe chez nous une loi pour la presse papier, depuis longtemps.
Désormais la même loi va s’appliquer à la presse numérique, afin de veiller au respect de la déontologie, et à la liberté d’expression au moment où se développent les médias numériques. Mais, l’autorégulation ne doit pas et ne peut pas se substituer à un système institutionnalisé, c’est-à-dire la régulation institutionnelle des médias numériques, étant donné que ces médias ne peuvent pas continuer à se développer sans l’existence d’une réglementation publique.
C’est une évidence: la presse numérique ne peut pas fonctionner dans un vide juridique. Les meilleurs garants de la liberté d’expression et de la déontologie, ce sont les lois. Pendant longtemps, la presse numérique est restée en marge de la régulation. Elle était comme les hiboux, ni dans le ciel, ni sur terre.
En Côte d’Ivoire, et c’est une bonne chose, le législateur a tranché: la presse numérique sera traitée sous le régime de la presse écrite, jusqu’à nouvel ordre.
Le numérique, qui n’est pas la télévision, bénéficie des avantages, mais aussi des responsabilités et contraintes de la presse écrite.
Mais comment à partir de l’auto régulation arriver à une meilleure forme de régulation?
À priori, on devrait s’en tenir au régulateur et dire que c’est le travail de l’Anp, mais qui dit régulation parle forcément d’autorégulation.
À cet effet, je cite l’article 103, de la loi qui rend le directeur de publication d’un site, responsable des écrits publiés, même s’il est établi qu’il ne les a pas lus, avant publication.
Il est fait obligation au Directeur de publication de trouver des modérateurs qualifiés, susceptibles d’évaluer et d’apprécier le contenu des articles.
En clair, un site d’informations n’est pas une page Facebook, un lieu de commérages, d’accusations sans preuves, comme on le voit sur les différents réseaux sociaux.
Contrairement aux groupes, aux forums, aux citoyens pouvant agir sur internet, sans obligation de respect d’une charte professionnelle, les sites d’informations sont des espaces professionnels, qui produisent des contenus avec des journalistes. Ceci exige le respect du code de déontologie, la vérification des sources, l’équilibre de l’information, la pluralité de l’information, l’exactitude des faits.
En d’autres termes, la régulation de la presse numérique
doit ressembler à la régulation qu’on connaît pour la presse papier, régulation qui est entrée dans nos mœurs et que personne ne conteste.
Des initiatives sont en cours, des propositions sont discutées
partout dans le monde, en vue de lutter contre les «fake news».
Or, la presse numérique peut être davantage tentée que la presse écrite, de relayer les «fake news», c’est le défaut de la «clic-information», un «clic» suffit pour diffuser une information.
En conclusion, je dirai:
1)-la presse numérique ne peut évoluer, dans une sorte de no man’s land, ou de territoire sans loi, sans foi, ni droit.
2)-Il existe l’autorégulation, que l’on peut consolider par un Conseil de presse.
3)-Mais la loi est utile, c’est-à-dire la régulation institutionnelle et administrative, qui nous met à l’abri de la régulation par la justice, ou la régulation judiciaire. Celle
-ci nous met à l’abri de la loi du talion, de la tentation qu’il y’a de se faire justice.
Merci de votre aimable attention.
Alafe Wakili
Fait Abidjan, le mercredi 03 mai 2018
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