[Insécurité routière à Bouaké] Le drame silencieux des mères et de leurs enfants sur les motos

[Insécurité routière à Bouaké] Le drame silencieux des mères et de leurs enfants sur les motos

Des mères courageuses de Bouaké, qui, par nécessité, risquent la vie de leurs enfants sur les moto-taxis, nous amène à vous plonger dans l'inquiétude palpable et explorer les dangers qui planent sur les rues de la ville. Reportage….

Bouaké, Côte d’Ivoire, le 11 octobre 2023 (crocinfos.net)—Au cœur de Bouaké, la capitale de la région du Gbêkè, la vie quotidienne est rythmée par un élément qui, malgré la banalité apparente, se révèle être un danger constant. Les rues de cette ville au centre de la Côte d’Ivoire sont devenues le terrain de jeu des moto-taxis, des engins à deux roues, devenus indispensables pour beaucoup. Mais, qui présagent en eux un risque incommensurable, surtout pour les femmes qui, par nécessité, se lancent dans une aventure périlleuse en portant leurs bébés au dos ou en les tenant dans leur soutien-gorge. Au fil des jours, la pratique s’est banalisée, mais les risques qu’elle engendre sont loin d’être anodins.

Drames silencieux

Dans ce tableau alarmant, les autorités de Bouaké se retrouvent confrontées à un défi de taille. Malgré les campagnes de sensibilisation des entreprises par le ministère des Transports et le préfet de région, les accidents continuent de hanter les rues. Les moto-taxis, souvent utilisés pour pallier l’absence de transports en commun dans des quartiers nouvellement créés et dépourvus de routes praticables, deviennent ainsi le reflet d’une insécurité routière grandiose. Le risque plane particulièrement sur les femmes qui n’ont d’autre choix que de mettre en jeu la vie de leurs enfants pour vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Cette dame, après avoir discuté du prix du transport, a pris place avec le môme sur le moto-taxi censé la conduire jusqu’à destination.

Cette dame, après avoir discuté du prix du transport, a pris place avec le môme sur le moto-taxi censé la conduire jusqu’à destination. Notre Photo

Kadidiatou N’diaye, jeune mère d’un nourrisson de trois mois, est un exemple poignant. Devant un cabinet de soins privé à Tollakouadiokro, elle se confie à nous après un trajet à moto. Sa justification poignante révèle la réalité complexe à laquelle sont confrontées de nombreuses femmes de Bouaké. « Bien sûr que j’ai peur. Lorsque c’est sur une longue distance, je vais en taxi. Mais aujourd’hui, comme je n’allais pas loin, j’ai dû solliciter ce conducteur de moto-taxi », explique-t-elle. L’insécurité routière les force parfois à choisir entre un voyage risqué à moto et l’inconfort d’un taxi.

La situation atteint des sommets choquants lorsque certaines mères, faute de solutions alternatives, prennent l’initiative de conduire elles-mêmes, avec leur enfant au dos. Les risques, illustrés tragiquement par des histoires de chutes, sont bien réels. Une simple défaillance du nœud d’une serviette peut avoir des conséquences dramatiques, comme en témoigne le récit bouleversant de S. Salimata, une enseignante marquée par le souvenir d’une mère ayant perdu son enfant dans un accident. « Une dame qui avait son bébé de moins d’un an au dos, l’a perdu dans des circonstances dramatiques. Elle roulait elle-même à moto avec l’enfant attaché au dos. Malheureusement, le nœud de la serviette qui avait servi à attacher l’enfant s’est défait à un moment donné. Evidemment, l’innocent est lourdement tombé sur l’asphalte, perdant ainsi la vie, tant le choc était violent », se souvient-elle.

Pas de statistiques disponibles auprès des autorités

Le dilemme auquel sont confrontées ces mères ne se résume pas à l’impatience, comme le suggère certaines critiques. Les contraintes de la vie quotidienne, le manque de ressources ou le besoin de gagner du temps les poussent à prendre des risques inimaginables. Malgré tout, la réalité reste inchangée : chaque trajet à moto devient un jeu de roulette russe, où la vie d’un enfant est mise en équilibre.

Cette dame prend des risques fous sur sa moto avec un enfant au dos

Cette dame prend des risques fous sur sa moto avec un enfant au dos. Notre Photo

Pour nous faire une idée exacte des chiffres alarmants enregistrés sur les routes de la commune de Bouaké, nous avons adressé un courrier au Préfet de Police le 17 juillet 2023, mais notre requête est restée sans suite jusqu’à la publication de notre article. Pourtant, les accidents des motos-taxis sont quotidiens.

Ces drames silencieux appellent à une action immédiate des autorités locales. Il est impératif de prendre des mesures pour interdire les déplacements à moto avec des enfants de zéro à sept ans ou de lancer une campagne spéciale pour sensibiliser les habitants sur les dangers encourus. Les enfants, qui sont l’avenir du pays, méritent une sécurité et un avenir sans risque sur les routes de Bouaké. C’est le lieu de protéger ces vies innocentes et de mettre fin à ce drame silencieux qui perdure dans les rues de la ville. Bouaké ne peut plus se permettre de perdre ses enfants dans l’indifférence générale. L’insécurité routière doit cesser, et la vie de chaque enfant doit être protégée, quel qu’en soit le coût.

OUATTARA ABDOUL KARIM

Encadré 1

Où sont passés l’ordre et la discipline ?

Bouaké, la métropole animée du Gbêkè, est le théâtre de défis majeurs en matière de sécurité routière. Les rues de cette cité, autrefois librement parcourues par des moto-taxis non immatriculés et des conducteurs sans permis, sont le reflet d’une indiscipline généralisée. Les autorités locales s’accordent à dire que l’ordre et la discipline sont des denrées rares ici, avec de graves conséquences sur la sécurité des habitants, en particulier des enfants.

Le préfet de région, Tuo Fozié, souligne que l’absence de respect des règles est préoccupante. Contrairement à d’autres régions où les motos sont le principal mode de transport, Bouaké se distingue par le non-respect des feux tricolores et des règles de conduite. Pourtant, avec les infrastructures routières en développement et l’approche de la Coupe d’Afrique des Nations 2023, un changement positif est attendu.

OUATTARA ABDOUL K.

Encadré 2

Des mesures urgentes ou rien

Cependant, un facteur clé contribuant à ce chaos est le processus de recrutement des conducteurs de moto-taxis. Des opérateurs économiques attirent des jeunes inexpérimentés, venant parfois de régions éloignées, et les plongent dans une formation précipitée, souvent effectuée de nuit dans des espaces ouverts éloignés de la ville. Ces jeunes conducteurs, mal formés et sous-payés, se retrouvent ensuite sur les routes, exposant les passagers à des risques considérables.

Pour le préfet de région, Tuo Fozié, il y a forcément une solution au désordre en cours dans la ville de Bouaké. Notre Photo

Certains experts et citoyens appellent à des mesures strictes pour réglementer l’industrie des moto-taxis. L’obtention d’un permis de conduire, en plus d’une immatriculation complète des véhicules, est fortement préconisée. Certains vont même jusqu’à suggérer la création d’une unité de police dédiée pour garantir la conformité aux règlements et favoriser la sécurité des passagers.

Il est impératif que les autorités prennent des mesures urgentes pour mettre fin à ces comportements dangereux. Sans action immédiate, Bouaké risque de rester une ville où l’indiscipline règne en maître, mettant ainsi en danger la vie de ses citoyens, jeunes et vieux. Il est temps pour les autorités de prendre des mesures décisives et de rétablir l’ordre sur les routes de cette belle cité.

OUATTARA A. K.

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