Jacob Zuma, le «chat» convient de démissionner dans 3 à 6 mois #politique

Jacob Zuma, le «chat» convient de démissionner dans 3 à 6 mois #politique

Le président sud-africain Jacob Zuma, dont la résilience et l’entêtement lui ont valu le surnom de ‘’chat à neuf vies’’  a accepté mardi en principe de présenter sa démission dans 3 à 6 mois, a annoncé le secrétaire général du Congrès national africain (ANC), Ace Magashule, selon le confrère Xinhua Magashule a fait cette annonce lors d’une conférence de presse tenue à Johannesburg au sujet de la réunion du Comité exécutif national (CEN) de l’ANC tenue hier soir. Il a précisé que le CEN avait décidé de convoquer M. Zuma et informerait le Parlement de sa décision mercredi

Mais la fin de la route à la tête de l’Afrique du Sud est proche pour le Président Jacob Zuma. Les dirigeants de son parti, le Congrès national africain (ANC), se sont accordés pour «rappeler» le chef de l’Etat et lui ordonner de démissionner. Agé de 75 ans, il résistera certainement jusqu’au bout face à ses anciens alliés. Il préférera peut-être l’humiliation qu’entraînerait une destitution forcée devant le Parlement à celle d’une capitulation. Mais s’il peut encore gagner un peu de temps, l’issue – sauf coup de théâtre – ne fait aucun doute : cette fois la partie est perdue.

L’Afrique du Sud se souviendra sans doute de Jacob Zuma comme du pire chef d’Etat qu’elle ait connu depuis la chute du régime d’apartheid. Sa présidence, qui devait s’achever en 2019, a été marquée par un déclin économique, de nombreux scandales de corruption et a même donné naissance à une nouvelle expression, inconnue dans le reste du monde, mais devenue familière dans le pays : la «capture de l’Etat». Lorsque Zuma est élu pour la première fois à la présidence en 2009, il est déjà controversé. Polygame assumé, adepte des déclarations sexistes et populistes, désinvolte face à l’épidémie du sida, il inquiète au sein des classes moyennes urbaines mais porte néanmoins les espoirs des laissés-pour-compte de la nouvelle Afrique du Sud.

Casseroles. Né dans un village rural au cœur des terres du peuple zoulou, fils d’une domestique, il n’a jamais fréquenté les bancs de l’université et a fait l’essentiel de son éducation à Robben Island pendant ses années d’emprisonnement sous l’apartheid. Homme du peuple, il apparaît alors comme le contraire de son prédécesseur, l’intellectuel Thabo Mbeki, et se présente comme plus à l’écoute des revendications des pauvres.

Avant son accession à la magistrature suprême, Jacob traîne pourtant déjà quelques lourdes casseroles : une accusation de viol – pour laquelle il sera acquitté – et une inculpation pour corruption, fraude et racket dans une affaire de pots-de-vin, versés par le géant français de l’armement Thales. Malgré les preuves, malgré la condamnation de son conseiller financier pour les mêmes faits, le parquet a finalement abandonné les poursuites contre le futur chef de l’Etat, juste avant les élections de 2009. Jacob Zuma jure alors, comme il le fera toujours face à chaque scandale, qu’il n’a rien à se reprocher. Et, puisqu’il promettait une «meilleure vie pour tous», beaucoup ont eu envie de le croire, quitte à fermer les yeux. Malgré un bilan mitigé, et des soupçons de népotisme et de gaspillage de l’argent public qui se multiplient, il est réélu à la tête de l’ANC, en 2012, puis du pays deux ans plus tard.

Son deuxième mandat marque le début de la descente aux enfers. L’un après l’autre, les scandales éclatent au grand jour. Il y a d’abord le «Nkandlagate», du nom de son village natal, dans la province du KwaZulu-Natal. Jacob Zuma y a mené de grands travaux de rénovation de sa résidence privée, y compris la construction d’un sauna, un terrain de football, une piste d’hélicoptère, de chambres et couloirs souterrains… pour un montant de plus de 20 millions d’euros, majoritairement payés par le contribuable. Une dépense plutôt malvenue dans un pays où environ 40 % de la population vit toujours en dessous du seuil de pauvreté. A partir de là, les revers s’enchaînent. En 2016, la Cour constitutionnelle exige que le Président rembourse une partie des frais engagés par le Trésor public à Nkandla. La justice sud-africaine décide aussi de réinstaurer contre lui les quelque 800 chefs d’inculpation qui avaient été abandonnés en 2009 dans l’affaire du contrat d’armement. Une nouvelle épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

Stratège. Dans la foulée, survient la publication d’un rapport de la désormais ex-médiatrice de la République, Thuli Madonsela, chargée d’enquêter sur les dysfonctionnements du pouvoir et de veiller au bon usage de l’argent public. Ce document avance des preuves sur les liens compromettants entre Jacob Zuma et une famille de riches hommes d’affaires indiens, les Gupta. Tels des marionnettistes de l’ombre, ils auraient tiré les ficelles des affaires de l’Etat, usant de leur influence sur le Président pour favoriser leurs intérêts et décrocher des marchés publics, au point d’imposer la nomination de certains ministres.

En mai dernier, la fuite dans la presse locale de milliers de mails confidentiels, entre les Gupta et plusieurs membres du gouvernement, renforce ces suspicions et provoque l’indignation de l’opinion. Zuma est soupçonné d’avoir placé ses alliés à la tête des entreprises publiques et des instances gouvernementales, afin de pouvoir piller les ressources de l’Etat. Pour assurer la prospérité de sa large famille, le dirigeant s’est montré fin stratège. Celui qui a dirigé les services de renseignements de l’ANC – alors une organisation clandestine – à la fin des années 80, a aussi montré un vrai talent pour la survie. Longtemps, il a semblé indéboulonnable. Malgré son impopularité, les critiques au sein même de son parti et de multiples motions de défiance déposées au Parlement par l’opposition, Zuma résiste, s’obstine, ricane, et se maintient au pouvoir. Jusqu’à aujourd’hui.

Avec l’élection de Cyril Ramaphosa à la présidence de l’ANC, en décembre, Zuma a perdu de son influence, mais continue de rendre la tâche difficile à ceux qui tentent de le pousser vers la sortie. Jusqu’au bout, il a aussi bénéficié de soutiens, craignant sans doute de perdre les avantages conférés à ceux qui étaient loyaux au président, ou de voir révéler des secrets compromettants. Car la corruption, que Ramaphosa a promis de combattre, n’a pas touché que le chef de l’Etat. C’est l’ANC tout entier qui semble avoir vendu son âme et sombré dans un système de clientélisme généralisé. Zuma laisse une formation politique en ruine, divisée, et dont l’image a profondément été endommagée auprès de la population. Son ombre risque de planer longtemps sur le parti de la lutte anti-apartheid.

Kpan Charles et Libération

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