Mathias Séry Bayoro parle de l’avenir du Gbégbé (Interview)

Mathias Séry Bayoro parle de l’avenir du Gbégbé (Interview)

Il s’appelle Mathias Sery Bayoro. Il est originaire du village de Kpapekou , dans la région de Ouragahio. Il est un chanteur et un danseur d’une incroyable dextérité. La première fois que je l’ai vu danser avec son groupe Zetcheligba, c’était à Yacoli Dabouo, à l’occasion du Didiga festival, en mars 2018. Impressionnant. Un virtuose. Je l’ai revu à Korhogo, à l’occasion des funérailles traditionnelles de l’ex-premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Interview.

Abidjan, le 17-03-2021 (crocinfos.net) Il s’appelle Mathias Sery Bayoro. Il est originaire du village de Kpapekou , dans la région de Ouragahio. Il est un chanteur et un danseur d’une incroyable dextérité. La première fois que je l’ai vu danser avec son groupe Zetcheligba, c’était à Yacoli Dabouo, à l’occasion du Didiga festival, en mars 2018. Impressionnant. Un virtuose. Je l’ai revu à Korhogo, à l’occasion des funérailles traditionnelles de l’ex-premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Interview.

Question: M. Mathias Sery Bayoro, comment êtes-vous arrivé à la danse?

M.S.B: Je suis originaire du village de Kpapekou. Je suis issu d’une famille de chanteurs et de danseurs. Mes parents sont des chanteurs et de danseurs. En fait, tous les originaires du village de Kpapekou sont des chanteurs. Ils dansent aussi. Mais ils ont honte. Ceux qui ont honte, n’ont pas voulu chanter et danser. Nous autres, avons vaincu la honte et nous sommes engagés. J’étais tout petit quand je me suis mis à danser. Si tu vois mon père danser, tu ne peux pas manger. Mon père, Sery Zobo, chantait et dansait. Tout le monde le connaît dans la région. C’est un don.

Ton père t’a expliqué d’où venait ce don? Comment un village entier devient un village de chanteurs et de danseurs?

M.S.B: À l’époque, un vieux du village de Gnaliepa perdait ses enfants. On parle de Lougboutouoli, en fait, on parle des pleurs. Le vieux pleurait beaucoup. Par solidarité, les parents le soutenaient dans sa détresse. C’est ainsi que nos parents ont adopté le Lougboutouoli.

Quand avez-vous intégré le groupe que vous dirigez?

M.S.B: J’ai intégré le groupe au milieu des années 80. Je ne faisais pas partie du groupe à l’époque. Je suis né en 1949. J’ai fait la musique moderne avec Gnaza Daniel dans le temps. Quand Gnaza est parti en France au début des années 80, que je suis venu au village, pour travailler aux champs. Et c’est là, que j’ai été repéré. J’ai la danse dans le sang. Mais je ne chantais pas.

‘’Je pense que le Gbégbé va disparaître après moi. Nos parents sont partis. C’est le groupe Zetcheligba qui maintient encore le Gbégbé en vie.’’

J’étais un des danseurs de Gnaza Daniel. Quand mon père est décédé, je suis allé vers son corps inerte. Et là, brusquement, je me suis mis à chanter. Les gens ont aimé. Et aujourd’hui, je chante et je danse.

Le groupe Zetcheligba que vous dirigez s’occupe à quoi? Comment est-il organisé?

’Le Burida m’a demandé d’ouvrir un compte dans une banque et je reçois régulièrement mon dû.’’

’Le Burida m’a demandé d’ouvrir un compte dans une banque et je reçois régulièrement mon dû.’’

M.S.B: Tous les membres du groupe sont des planteurs. Ils ont des champs de cacao, de café, d’hévéa. Mais nous avons tous la chanson et la danse en nous. Quand nous revenons des champs, nous nous retrouvons la nuit pour nous entraîner. Quand nous sommes invités à une cérémonie, nous répondons présents. Nous jouons aux funérailles. Nous animons les cérémonies festives.

Vous tirez vos ressources des activités du groupe ou de vos plantations?

M.S.B: Me concernant, je vis de mon art. J’ai ma carte du Burida. Je suis reconnu au Burida et je reçois mes droits. Je me suis déclaré au Burida, j’ai rempli les documents que le bureau m’a remis. J’ai des cassettes qui se vendent.

Combien gagnez-vous avec le Burida?

M.S.B: La dernière fois que j’ai été invité au Burida, j’ai perçu la somme de 375.000 FCFA. Et maintenant, je suis payé à 260.000 FCFA. Le Burida m’a demandé d’ouvrir un compte dans une banque et je reçois régulièrement mon dû.

Vous avez un revenu régulier au Burida. Et les autres membres du groupe?

M.S.B: Ils n’ont pas encore fait leurs cartes de membres. Je les encourage. Je leur ai donné les dossiers à remplir. Maintenant, tout dépend d’eux. S’ils renseignent les fiches, je vais aller les déposer. Ils prennent le temps. Ce sont des hommes. Chacun a moins trois hectares de cacao ou d’hévéa. Je ne manque pas, chaque fois que j’en ai l’occasion, d’inviter les membres du groupe à remplir les dossiers pour le Burida.

Quand vous regardez la Culture aujourd’hui en Côte d’Ivoire, il y a du progrès?

M.S.B: Il y a du progrès. À mon avis, ça va. Parce que nous faisons du Gbégbé. Je suis un homme heureux aujourd’hui. Je vis de ça. C’est l’héritage de nos parents. Nous ne pouvons pas l’abandonner.

Si vous devriez donner des conseils aux jeunes gens, que leur diriez-vous?

M.S.B: Les enfants d’aujourd’hui ne peuvent pas faire la musique. Je pense que le Gbégbé va disparaître après moi. Nos parents sont partis. C’est le groupe Zetcheligba qui maintient encore le Gbégbé en vie. Quand tu invites aujourd’hui un jeune à chanter ou même à apprendre à chanter, il n’accepte pas. Je pense que ça va être difficile après nous.

Quand on vous voit danser, on est vraiment subjugué. Vous avez une canne, on a l’impression que vous ne tenez pas sur vos pieds, vous n’êtes pas en équilibre, on craint de voir tomber et pourtant, vous maîtrisez vos pas…

M.S.B: Je vous dis que c’est un don. La danse est dans mon corps. Si j’entends le son d’un tam-tam, je me mets en ligne.

‘’La dernière fois que j’ai été invité au Burida, j’ai perçu la somme de 375.000 FCFA. Et maintenant, je suis payé à 260.000 FCFA.’’

Le tam-tam m’appelle. Je fais mon travail. Si tu joues mal, je te le dirai.

Les jeunes qui vous regardent, peuvent-ils prendre le relais?

M.S.B: J’ai une fille qui est là. Il y a un petit garçon aussi. Ils veulent danser. Ils sont avec moi.

Mais vous dites, « après nous, ça va être difficile »…

M.S.B: Les enfants que je vois-là, est-ce qu’ils peuvent danser après moi? Ils ne pourront pas. Le garçon a deux hectares de cacao.

Vous êtes venus à Korhogo (11 avril 2021) pour saluer la mémoire de l’ancien premier ministre Amadou Gon Coulibaly avec votre groupe. Cela a un sens particulier?

M.S.B: Vraiment, nous avons perdu. Totalement. Lors de la visite de Amadou Gon Coulibaly à Gagnoa, mon groupe a joué et il avait beaucoup apprécié. Il m’avait fait la promesse de revenir. Il m’a dit beaucoup de choses. C’est un ministre d’Etat. Je ne pouvais le mettre sous pression. J’attendais le bon moment. Subitement, on me dit qu’il est mort. Sa mort nous a choqués. Nous sommes venus avec les chefs. Je suis venu pleurer un frère, un ami.

Réalisée par Fernand Dedeh

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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