[Reportage Tiagba] Un village oublié en quête de secours
Dans ce reportage, découvrez le cri de détresse de Tiagba, un village unique sur pilotis en Côte d'Ivoire. Privés d'eau potable et de sanitaires adéquats, les habitants vivent dans des conditions précaires. Leur appel à l'aide est un plaidoyer pour une vie meilleure.
Abidjan, le 9 novembre 2024 (crocinfos.net) – Situé dans le département de Jacqueville, au Sud de la Côte d’Ivoire, Tiagba est un village unique en son genre. Construit sur une île de la Sous-Préfecture d’Attoutou, ce village Ahizis offre un paysage exotique et une vue panoramique du haut de sa colline verdoyante, abritant l’Ecole primaire publique (Epp) Tiagba Nord, bâtie en pierre en 1958.
Tout tombe en ruine
Vivre à Tiagba, c’est prendre part à une aventure au cœur d’un environnement pittoresque, un charmant écosystème flottant où traditions et réalités quotidiennes se mélangent. Mais derrière cette façade idyllique, Tiagba cache un cœur qui crie désespérément à l’aide. Ses 6.000 âmes vivent quotidiennement dans des conditions précaires qui posent un défi ardu à leur existence.
L’eau, source de vie et de santé, est une denrée rare à Tiagba. Les habitants de ce village sur pilotis n’ont pas accès à une source d’eau potable fiable et sûre. Situation qui les oblige souvent à utiliser l’eau de marigot, en ce siècle. Impensable !
Ce qui les expose à de graves maladies hydriques telles que la diarrhée, la dysenterie et d’autres infections gastro-intestinales. Les enfants sont les premiers à en souffrir. Un exemple, dans les années 80, une épidémie de choléra a fait plusieuts morts dans des familles.
Joie de vivre et avenir de la communauté, les jeunes sont malheureusement les plus vulnérables. Les maladies liées à l’eau foisonnent et fragilisent leur constitution physique et portent un coup sérieux à leur éducation. En effet, une enfance marquée par la maladie entraîne non seulement des absences répétées à l’école, mais compromet également leur avenir à long terme.
L’eau ne coule pas à Tiagba
Construit il y a plus de deux (2) décennies dans cette bourgade, dont une partie est dans l’eau, le château d’eau n’existe que de nom. Quel paradoxe ! De fait, seulement quatre (4) problèmes techniques ne permettent pas de faire jaillir l’eau du château depuis la nappe phréatique.
“ Pour y arriver, il suffit juste de recharger le compteur à carte Cie avec ; de procéder éventuellement au changement de la pompe immergée ; d’une provision pour une intervention sur le câblage et autres éléments électroniques ; de réhabilitater les trois (3) points d’eau du village. Tout cela pour un coût total d’environ 3.000.000f Cfa “, à en croire un ingénieur en Bâtiment travaux publics (Btp), commis à l’expertise.
Créer donc des infrastructures sanitaires adéquates dans un village comme Tiagba, régulièrement visité par des touristes venus des quatre (4) coins de la planète terre, représenterait un pas de géant vers l’amélioration des conditions de vie de ses habitants. Chaque toilette publique construite pourrait signifier moins de pollution de l’eau, moins de maladies, et plus de dignité humaine.
Toilettes publiques, un lux inexistant
Pour une communauté qui vit principalement sur l’eau, et dont les habitations sont des maisons sur pilotis faites essentiellement de bambous et couvertes (anciennement) de pailles, attirant de nombreux touristes, l’absence de toilettes publiques représente un autre grand souci.
Les pratiques de défécation dans la lagune et/ou dans la broussaille sont courantes, avec des impacts notoires sur l’environnement et la santé. Sans omettre le risque de piqûres de serpents. Ainsi, le manque d’installations sanitaires adéquates contribue à la contamination de l’eau et alimente le cercle vicieux des infections et des maladies, rendant encore plus difficile l’accès à une eau propre.
L’éducation en péril
L’éducation devrait être un droit fondamental pour chaque enfant, peu importe son lieu de naissance ou de résidence. Pour les écoliers de Tiagba, ce droit est loin d’être une réalité. La ruine des logements pour les maîtres et l’état de degradation des salles de classe (inadéquates) s’ajoutent à la liste des défis que doit affronter ce village.
Les enseignants, loin de l’atmosphère confortable des grandes villes, se battent contre des éléments incertains pour transmettre le savoir. Souvent dépourvus de logements décents, ils sont contraints de faire la navette entre leur domicile situé dans des localités lointaines de Tiagba, ou encore de vivre dans des conditions rudimentaires. Dans ces conditions, il leur est difficile de rester sur place pour dispenser une semaine de cours. Et trois (3) jours successifs d’enseignements relève du miracle. Les conditions de vie des instituteurs n’existent presque plus dans ce village.
A cela s’ajoute le manque de salles de classe adéquates. Cela signifie qu’à défaut de double vacation, les élèves sont souvent entassés dans des salles surpeuplées, assis à même le sol, par manque de table-bancs, sans les ressources nécessaires pour un apprentissage efficace.
C’est peu dire que de se rendre à l’évidence que ces conditions d’enseignement difficiles ont un impact direct sur la qualité de l’éducation. Les élèves, déjà affaiblis par un environnement insalubre, voient leur parcours scolaire compromis par des moyens d’apprentissage limités. Il faut donc sauver l’École primaire publique (Epp) Tiagba Nord.
Une modernité inexistante
Tiagba souffre également du manque d’autres infrastructures basiques qui dessineraient le portrait d’un village moderne. Les routes d’accès sont impraticables en saison des pluies. Isolant davantage la communauté et compliquant le transport de biens et de personnes. Les infrastructures de santé sont aussi inadaptées, voire inexistantes dans cette importante localité de Jacqueville. Privant les habitants d’un accès rapide et efficace aux soins médicaux. Pis, ce village touristique manque d’ambulance médicalisée pour le transfert de cas d’urgence vers les hôpitaux de Dabou, la ville la plus proche. Inutile donc d’indiquer que dans ces conditions, c’est la mort assurée. Mon village, Tiagba se meurt…
Il est aussi crucial de mentionner l’absence de loisirs et de centres communautaires qui pourraient offrir aux jeunes des alternatives positives et constructives pour leurs temps libres. Les opportunités de développement économique sont, quant à elles, quasi nulles, malgré les activités de pêche, l’agriculture et le commerce de l’attiéké par les femmes ahizis du village de Tiagba. Enfermant les habitants dans un cycle de pauvreté difficile à briser sans une intervention extérieure, afin d’avoir une modernité de rêve.
Appel à la solidarité
Les défis de Tiagba sont colossaux, mais pas insurmontables. Ce village sur pilotis résonne d’une énergie vibrante. Mais il a besoin d’un soutien significatif et concret pour faire face à ses nombreuses difficultés.
Aussi se sentant oublié, Tiagba, beau et fragile, fait-il preuve d’une résilience remarquable. Les habitants, unis dans un esprit de solidarité, s’organisent au travers d’un forum watshap dénommé “Tiagba Nouveau”, pour tenter de surmonter les difficultés du quotidien.
Cette communauté et les lecteurs de cet article ont le pouvoir de changer les choses. Par des dons, des actions bénévoles, et en relayant ce cri de détresse, ils peuvent contribuer à écrire une nouvelle histoire pour Tiagba. Chaque geste compte et apportera une lueur d’espoir à ces milliers de vies qui ne demandent qu’une chose : une chance d’avoir un avenir meilleur.
“ Restons à l’écoute de l’appel de notre beau village et engageons-nous pour apporter la lumière là où elle manque cruellement. L’espoir d’une vie meilleure pour Tiagba repose entre nos mains, et ensemble, nous pouvons transformer ce cri de détresse en un cri de joie “, se convainc l’administrateur principal de ”Tiagba Nouveau“.
N’empêche, si le gouvernement ivoirien, les autorités locales, les partenaires au développement, les ONG, et les acteurs privés pouvaient unir leurs efforts, apporter de l’eau potable, construire des toilettes publiques, des salles de classe et des logements pour les maîtres etc., Tiagba pourrait devenir un modèle de développement durable et d’intégration de communauté isolée.
Page Facebook deFrimo Koukou Djipro, journaliste professionnel et directeur de publication’’