[Sortie de roman] Pourquoi ‘’Jusqu’à l’effondrement de l’Obscur’’ ?
« Une bonne œuvre littéraire se reconnaît dès les premières phrases », ainsi répondait le célèbre nouvelliste Isaïe Biton Coulibaly à un journaliste. Ce roman se construit à merveille selon cette opinion augurale. Qui lit la première ligne, lira avec délectation toute l’œuvre en un trait sans baisser la garde jusqu’à la dernière ligne comme le bon vin qui se boit en une gorgée jusqu’à la lie. Mais ici, le lecteur ne tombe pas dans l’ivresse, il s’élève plutôt vers la sublimation en se confondant au personnage principal qui triomphe des vicissitudes de la vie.
En effet, Germain Guéhi crée un personnage principal marqué par la théorie sartrienne de l’existentialisme. La volonté, le courage, la résilience et la raison sont les matériaux qui construisent le personnage de l’auteur. Ses ennemies ? Les forces du mal, les êtres immatériels de la sorcellerie, qui flirtent avec la cosmogonie. Ce combat a pour champ, le monde invisible, chargé de mystères, de mystique et de mythes. Ces sorciers ont détruit la vie professionnelle de Sohou, le citadin, en le persécutant jusqu’à ses derniers retranchements, au village, dans les confins de son campement, au milieu de ses exploitations agricoles.
Mais Sohou qui met la foi en Dieu, arrive à vaincre l’obscur sans animosité. N’est-ce pas le sens du titre du roman ? Ainsi « Jusqu’à l’effondrement de l’Obscur » invite le lecteur à dominer toute adversité par une foi inébranlable en Dieu, tout en puisant les dernières énergies dans les préceptes du gandhisme, en demeurant indemne de ressentiments, de susceptibilité et de rancœur.
Autour de ce personnage, gravitent d’autres qui sont aussi décrits avec tant de réalisme : leurs gestes, leurs actes, leurs états d’âme et leur mentalité miroitent comme dans un caléidoscope, attirant tantôt la fascination, tantôt la compassion du lecteur à travers des dialogues cocasses dans lesquels il se retrouve.
Germain Guéhi manie une langue exquise, passe les mots au trébuchet et ébauche une phraséologie esthétique, avec une maîtrise des mythes et cadences qui musiquent le réel. Comme les vagues de la mer, les phrases forment une ondulation pour mettre au rebut les déchets de la société africaine écartelée entre les exigences de la tradition et les influences du modernisme. Le texte est écrit dans un style limpide, dépouillé de tout fétichisme du vocabulaire de mystification qui fait du mot un fétiche insondable.
Ce roman esquisse un tableau où s’opposent individualisme et communautarisme, raison et superstition, débauche épicurienne et pudeur, le réel et l’irréel. Mais ces deux mondes, le citadin et le paysan se complètent, comme la raison de l’homme macho et l’intuition de la femme soumise qu’incarne-le couple sohou/Thérèse.
Lu pour vous par Benien Jean-Jacques (Linguiste-Grammairien, Critique littéraire)
Encadré
Ce qui faut retenir. Sohou, comme un nom initiatique, convoie toutes les charges à la fois naturelles et spirituelles faisant du personnage qu’il représente, un individu porteur d’une aura fortement protectrice, mais qu’il semble ignorer lui-même.
En effet, pris dans un étau inexplicable, le personnage multiplie des difficultés tant dans sa vie professionnelle que familiale, jusqu’à ce que toutes les issues lui soient obstruées. Mais il se ressaisit comme par enchantement. Il décide alors de quitter la ville, Adjambi, après avoir perdu le nième emploi, pour s’installer au village. Là encore, poursuivi par une main obscure, il est livré à la vindicte occulte du monde des ténèbres qui, au gré des subterfuges, tenteront de l’anéantir.
Courageux et doté d’une force intérieure renforcée par la complicité avec sa femme, Thérèse, qui aurait pu le quitter lorsqu’il avait perdu son emploi, Sohou se retrouvera face à sa famille, notamment son oncle, le vieux Tchêmon et sa première femme qui exigeront de lui, sans lui demander de façon ouverte, leur quotte part du fonds de soutien aux personnes déflatées, qu’il a obtenu un an après son installation au village. Si pendant un an, il a vécu auprès de sa famille sans accroc, l’argent qu’il a reçu de l’Etat pour le financement de son projet agricole, sera la source de tous ses malheurs jusqu’à ce que sa femme, tel dans un rêve, découvre le vieux Tchêmon grièvement frapper par un sabre, lorsqu’il décidait avec les membres de sa confrérie, du sort à réserver à Sohou.
Quelques jours après, Sohou, urgemment appelé au chevet de son oncle agonisant, est solliciter pour verser de l’eau, dans l’espoir de sauver celui-ci, après lui avoir avoué tous les torts qu’il lui a causés depuis sa formation scolaire jusqu’à ce qu’il se retrouve au village. Mais en vain.
Jusqu’au bout, le pouvoir de Dieu du personnage, aura triomphé de la duplicité obscure du vieil homme.
Kpan Charles
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