[Violations des droits fondamentaux] Voici la liste des 15 députés ivoiriens victimes
La décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’Union parlementaire, à sa 163e session, mise en en ligne, le 13 février 2021, concernant plusieurs députés ivoiriens qui ont subi depuis 2018 des violations de leurs droits fondamentaux dans le cadre de l'exercice de leur mandat parlementaire, accable les autorités ivoiriennes. Les cas de Soro Kigbafory Guillaume et d’Alain Lobognon sont édifiants.
-La Côte d’Ivoire dans le viseur de l’Union parlementaire
Abidjan, 3-2-2021 (crocinfos.net) La décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’Union parlementaire, à sa 163e session, mise en en ligne, le 13 février 2021, concernant plusieurs députés ivoiriens qui ont subi depuis 2018 des violations de leurs droits fondamentaux dans le cadre de l’exercice de leur mandat parlementaire, accable les autorités ivoiriennes. Les cas de Soro Kigbafory Guillaume et d’Alain Lobognon sont édifiants.
Alain Lobognon, Guillaume Soro, Loukimane Camara, Kando Soumahoro, Yao Soumaïla, Soro Kanigui, Issiaka Fofana, Bassatigui Fofana, Sess Soukou Mohamed, Maurice Kakou Guikahué, Pascal Affi N’Guessan, Seri Bi N’Guessan, Bassy-Koffy Lionel Bernard, Mbari Toikeusse Albert Abdallah et Jean Marie Kouassi Kouakou sont victimes des allégations de violations des droits de l’homme, arrestation et détention arbitraires, non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade de l’enquête, non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade du procès, atteinte à la liberté d’opinion et d’expression, atteinte à l’immunité parlementaire, menaces, actes d’intimidation, selon la décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’Union parlementaire.
La plupart de ces députés ivoiriens ont subi depuis 2018 des violations de leurs droits fondamentaux dans le cadre de l’exercice de leur mandat parlementaire. Certains députés, dont MM. Alain Lobognon, Loukimane Camara, Kando Soumahoro, Yao Soumaïla, Soro Kanigui, Maurice Kakou Guikahué, Pascal Affi N’Guessan, Seri Bi N’Guessan et Bassy-Koffy Lionel Bernard, ont été arbitrairement arrêtés et mis en détention entre 2019 et 2020. Parmi les députés poursuivis, figure également l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Alors même que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp) avait ordonné la suspension des poursuites à son encontre en avril 2020, la justice ivoirienne l’a condamné à 20 ans de réclusion criminelle et à la privation de ses droits civiques et politiques pour détournement de fonds publics.
Soro a été également accusé dans une autre affaire relative à un projet de déstabilisation présumé contre l’État de Côte d’Ivoire. L’accusation repose sur un enregistrement sonore datant de 2017 dont l’authenticité reste à prouver.
Issiaka Fofana, Bassatigui Fofana et Sess Soukou Mohamed ont également été accusés dans cette même affaire et ont été contraints à l’exil à la suite de la campagne de harcèlement politique menée à leur encontre en raison de leur affiliation politique (membres de l’opposition) et de leur soutien au mouvement de Soro.
Rejoindre le Rhdp ou périr en exil ou en prison
Selon plusieurs sources, les députés exilés auraient pu revenir en Côte d’Ivoire s’ils venaient à renoncer à leur soutien à Guillaume Soro. Cette allégation a également été avancée au sujet de M. Soro, à qui des partisans du chef de l’État actuel auraient proposé de rejoindre le mouvement du Président Ouattara (RHDP), en échange de l’abandon de toutes les poursuites à son encontre. Ces mêmes sources affirment que le député Bassatigui Fofana a mis fin à son exil en prenant ses distances avec M. Soro et en rejoignant le Rhdp (camp présidentiel).
À ce jour, le député Alain Lobognon demeure le seul parlementaire emprisonné depuis décembre 2019 dans le cadre d’une instruction judiciaire pour trouble à l’ordre public et atteinte à l’autorité de l’État. Il n’est pas à sa première détention puisqu’en 2019, il avait déjà été détenu et condamné à un an d’emprisonnement en première instance pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux un message constitutif de fausses nouvelles ayant occasionné des troubles à l’ordre public. Pour faire patte blanche, en janvier 2021, la Commission électorale indépendante (CEI) a validé sa candidature aux élections législatives de mars 2021 en dépit de sa détention actuelle.
En novembre 2020, le Comité a reçu de nouvelles plaintes relatives à six autres parlementaires concernant trois situations différentes qui sont étroitement liées. La première situation concerne deux députés et deux sénateurs, MM Maurice Kakou Guikahué, Pascal Affi N’Guessan, Seri Bi N’Guessan et Bassy-Koffy Lionel Bernard qui ont été arrêtés et placés en détention sans que leur immunité parlementaire ait été levée. Ces parlementaires ont été appréhendés pour avoir participé à la création du Conseil national de transition en vue de former un « gouvernement de transition ».
Les quatre parlementaires sont poursuivis pour complot contre l’autorité de l’État, mouvement insurrectionnel, meurtre et actes de terrorisme. La deuxième situation concerne le député Mbari Toikeusse Albert Abdallah, qui était recherché par le Procureur pour les mêmes raisons, mais a mis fin à sa fuite après la libération des quatre parlementaires. Quant à M. Guikahué, il avait été transféré d’urgence en France pour des soins médicaux. En ce qui concerne la troisième situation, le mouvement de désobéissance soutenu par l’opposition a donné lieu à des manifestations violentes qui auraient été à l’origine de l’attaque subie par le député Jean Marie Kouassi Kouakou, dont le domicile et des biens matériels auraient été saccagés par des militants de l’opposition en octobre 2020. Selon le plaignant,
Kouakou a sollicité la protection des autorités administratives, qui ont manqué à leur obligation de le protéger.
Bien que libérés sous contrôle judiciaire, tous les députés et sénateurs continuent de faire l’objet de poursuites et l’exercice effectif de leur mandat parlementaire demeure entravé. Les violations dont ils sont victimes s’inscrivent dans le contexte de l’élection présidentielle d’octobre 2020 à l’issue de laquelle le président sortant, Alassane Ouattara, a été reconnu vainqueur, briguant ainsi un troisième mandat, ce qui d’après l’opposition était contraire aux dispositions de la Constitution ivoirienne.
Où est la copie de la décision du tribunal de première instance condamnant M. Soro ?
Le Comité des droits de l’homme des parlementaires déplore vivement le maintien en détention du député Alain Lobognon depuis décembre 2019 en l’absence de procès et sans aucune preuve matérielle connue ; s’interroge sur les raisons justifiant cette détention au regard de la libération sous contrôle judiciaire d’autres députés qui continuent de faire l’objet des mêmes poursuites que M. Lobognon. Et appelle les autorités à le libérer instamment et à abandonner toute poursuite judiciaire contre lui en l’absence de preuves, puis espère que, une fois libéré, M. Lobognon sera en mesure de se déplacer et de mener sa campagne sans entrave ;
Les comité est aussi préoccupé par les récentes arrestations et détentions qui ont eu lieu en violation de l’immunité parlementaire des deux députés et des deux sénateurs tout en considérant que les conditions restrictives attachées à leur mise en liberté, en particulier l’interdiction de quitter la Côte d’Ivoire, la nécessité d’obtenir une autorisation pour tout déplacement sur le territoire ivoirien et l’impossibilité de participer à des rassemblements politiques, renforcent les allégations du plaignant selon lesquelles les procédures menées contre ces parlementaires sont politiquement motivées et s’inscrivent dans la continuité du harcèlement politico-judiciaire dont l’opposition ivoirienne est victime depuis 2019 ;
demeure également préoccupé par la situation de tous les autres députés qui, malgré leur libération, continuent de faire l’objet de poursuites judiciaires et constate avec beaucoup d’inquiétude la pression qui serait exercée par les autorités à leur encontre ; souligne que l’essence d’une démocratie réside dans le respect de la diversité des opinions et que pousser les membres de l’opposition à renoncer à leur position politique en échange d’un abandon des poursuites à leur encontre enfreint les dispositions de la Constitution ivoirienne ; appelle donc les autorités à abandonner les charges qui pèsent contre tous les parlementaires en l’absence de preuves et à favoriser un dialogue politique national inclusif dans lequel toutes les parties, y compris les membres de l’opposition exilés, puissent exprimer librement leurs opinions sans craindre des représailles ;
prend note des informations récentes concernant les députés Issiaka Fofana et Sess Soukou Mohamed selon lesquelles leur départ de la Côte d’Ivoire s’est effectué dans le secret total ;
prend note également de l’évolution de la situation de M. Bassatigui Fofana et décide de clore ce cas en vertu de la section IX, paragraphe 25 c) de sa Procédure d’examen et de traitement des plaintes puisque le plaignant a déclaré qu’il n’était plus utile que le Comité poursuive l’examen du cas de M. Fofana compte tenu de son retour en Côte d’Ivoire et en l’absence de poursuites judiciaires ou de mandat d’arrêt contre lui ;
regrette l’absence de réponse des autorités parlementaires au sujet des détentions récentes et de la situation des autres députés, notamment celle de M. Guillaume Soro ; invite une nouvelle fois les autorités à fournir une copie de la décision du tribunal de première instance condamnant M. Soro ;
prie le Secrétaire général de porter la présente décision à la connaissance des autorités parlementaires, du Ministre de la justice et du plaignant ainsi que de toute tierce partie susceptible de lui fournir des informations pertinentes ;
Le comité décide, enfin de poursuivre l’examen de ce cas.
L’immunité parlementaire d’un député en Côte d’Ivoire se décide à la tête du client. Et l’opposition a toujours payé le prix fort.
Serges Mignon
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