[Côte d’Ivoire Interview] Guillaume Guéi, président de La République Nouvelle, à cœur ouvert:
-“La politique ivoirienne se trouve à la croisée des chemins”
-“Tous les candidats qui vous parlent de tournois de foot sont des vagabonds”
Le président du mouvement politique, La République Nouvelle, Guillaume Guéi est directeur des opérations dans une société irlandaise de pétrole et de gaz. Il vit entre ses bureaux à Dublin (Irlande) et sa résidence en région parisienne (France). Récemment de passage en Côte d’Ivoire, nous l’avons interrogé sur les raisons de la création de son mouvement politique et avons abordé avec lui l’actualité de son pays. Entretien…
La République Nouvelle, n’est-ce pas un mouvement politique de trop?
À l’élection présidentielle de 2015, les Ivoiriens, par leur désintérêt ont envoyé un message clair de lassitude, de monotonie. Ils ont clairement exprimé leur volonté de changement et de rupture avec les pratiques politiciennes du passé. Ce message de désintérêt traduit une volonté de changement au service de l’intérêt général et de celui de chaque citoyen ivoirien. La République Nouvelle, mouvement citoyen issu du peuple, a pour objectif premier de s’employer à être à la hauteur de cette exigence démocratique au service de tous.
La République Nouvelle, notre mouvement citoyen se veut rassembleur et mobilisateur au-dessus des partis politiques classiques et ouvert à toutes les sensibilités politiques. Le vaste mouvement de renouvellement et de rassemblement que nous proposent les échéances électorales de 2020, est une chance unique pour notre pays de consolider la cohésion sociale, bâtir ensemble un avenir meilleur pour chaque Ivoirien et habitant de la Côte d’Ivoire.
L’enjeu est désormais de nous rassembler, quels que soient nos parcours de vie, nos origines et nos convictions pour permettre une transition générationnelle pacifique, apaisée et réussie. Tel est notre leitmotiv et les objectifs de notre mouvement, La République Nouvelle.
Pensez-vous que votre mouvement politique est suffisamment implanté pour affronter les autres mouvements et coalitions politiques existants?
La République Nouvelle est un mouvement citoyen ivoirien avec des représentants sur toute l’étendue du territoire national et partout ailleurs où la diaspora ivoirienne existe.
Nous avons donc des représentants dans les villes, les quartiers, les régions, les départements, les villages, au Maroc, en Tunisie, en France, aux USA et au Canada. L’implantation de La République Nouvelle est donc nationale et internationale.
Quelles sont les raisons de votre présence et de certaines rencontres avec des leaders politiques et leaders d’opinion à votre dernier passage en Côte d’Ivoire?
En juillet-août derniers (Ndlr:2018), j’ai rencontré des leaders politiques et leaders d’opinion pour parler de l’actualité politique mais surtout de l’avenir de la Côte d’Ivoire. Nous avons abordé les questions de cohésion sociale, du chômage et de l’employabilité des jeunes, des enjeux des élections municipales à venir et surtout de l’intérêt des échéances électorales de 2020.
Quel regard portez-vous sur la politique ivoirienne ?
La politique ivoirienne se trouve à la croisée des chemins avec différentes voies qui s’ouvrent à elle. Une génération part, une autre arrive. Les oligarques de l’ancien système qui bénéficiaient de tous les avantages et autres droits, sentent leurs intérêts menacés et font tout pour s’opposer au changement qui se pointe à l’horizon. C’est une réaction normale, mais le pays doit avancer. Il appartient à nous, la nouvelle génération de prouver que nous avons été bien formés et que nous sommes prêts pour présider aux destinées de cette Nation. Nous, à La République Nouvelle, nous sommes prêts.
Quelle analyse faites-vous sur le Rhdp, et surtout la sortie de Bédié de cette coalition politique?
Pour mieux comprendre, faisons la genèse des choses. Toute création, toute naissance obéit à deux facteurs : envie ou nécessité (obligation).
Le Rhdp est né sur les bords de la seine à Paris en 2005 en marge des accords de Marcoussis. Il est donc né par nécessité pour faire front commun contre le régime du Président Gbagbo. Le Rhdp était donc un mariage de raison, un mariage d’intérêt mais pas un mariage d’amour. On avait une espèce de famille recomposée où chacun y était avec sa différence mais surtout avec ses intérêts personnels. C’est ce front commun qui, en 2011, est venu à bout du régime de Gbagbo et à s’emparer du pouvoir d’État. Une fois les raisons du mariage réalisées, il est normal de voir ressurgir les intérêts des partis et des individus. Ce qui est regrettable, c’est qu’aucun des acteurs de ce jeu morbide ne pense aux Ivoiriens qui ne cessent d’être confrontés à la précarité et à la paupérisation.
Parler d’unification du Rhdp, c’est parler d’harmoniser et d’homogénéiser la musique au sein de la familia. Désormais, aucune tête ne doit dépasser. Tout le monde doit être aux ordres et au pas. La récréation est terminée. C’est ça le parti unifié. Une seule vision et un seul chef. Cela revient à enclencher la marche arrière et cela s’appelle régression politique et morale. Le Rhdp unifié est anti-social et anti progrès.
La sortie de Bédié.Vous souvenez vous de son « ….. Mettez-vous à ma disposition…. » ? Pour Bédié, seuls ses intérêts personnels comptent. C’est lui ou rien. En s’engageant en 2002 dans ce mariage de dupes et surtout en lançant son appel de Daoukro, puis en signant tous les documents pour la création du Rhdp unifié, il espérait que son heure viendrait et surtout qu’il hériterait de ce parti unifié. Avec le ‘’oui’’ de Ouattara à la présidence du parti, c’en était trop pour notre Phénix national. Rester dans ce mariage de raison n’avait plus de raison.
J’estime que tout ça est nauséabond ! Tout le monde joue solo et l’intérêt des Ivoiriens ne compte pas. Personne ne fait la politique pour la Côte d’Ivoire. Le patriarche de Daoukro doit comprendre que la Côte d’Ivoire n’est ni un royaume ni une monarchie et qu’il est temps de passer la main à une nouvelle génération.
Si j’avais le patriarche en face, je lui dirai : « Papa, les enfants d’hier sont devenus des adultes responsables capables d’assurer la relève. S’il vous plaît, acceptez de passer le relais et donnez-nous votre bénédiction pour que la nouvelle génération puisse poursuivre l’œuvre de développement de la Côte d’Ivoire que vous avez commencée. C’est à ce prix que la Côte d’Ivoire pourra réduire son retard sur les nations développées.»
Concrètement, peut-on parler de développement en Côte d’Ivoire sans la lutte contre la corruption ?
La corruption est un fléau, une gangrène qui mine la Côte d’Ivoire à tous les niveaux de responsabilité. La corruption en Côte d’Ivoire est devenue une activité nationale.
Dès l’aéroport, on commence à vous extorquer soit de l’argent soit vos objets personnels. Si vos bagages ne sont pas sous film protecteur, les bagagistes et autres ouvrent vos valises et ils prennent ce qu’ils veulent. Si vous prenez un taxi, les taxis vont se passer le mot pour vous imposer 20 000 FCFA pour un trajet Aéroport FHB – Cocody ou riviera. Si vous avez le malheur de conduire un véhicule qui n’est pas à vous, votre cœur bat la chamade et vous priez pour ne pas tomber sur un contrôle de police ou de gendarmerie. Même si vous fournissez les papiers du véhicule, on ne vous laissera partir que contre 2000 CFA ou 5000 CFA. Allez établir un extrait de naissance, un casier judiciaire, un certificat de nationalité. Vous devez payer, payer et payer les agents et les fonctionnaires.
J’avais perdu mon permis de conduire ivoirien, et je voulais le rétablir. J’avais le numéro. Au rez-de-chaussée de la Tour C de la Cité administrative, les agents qui étaient au comptoir m’ont pris 30 000 CFA pour rechercher sur ordinateur mon dossier. Après, on me dira combien payer et la procédure pour refaire mon permis de conduire.
Faites venir un conteneur par bateau. Soit vous payez 4 ou 5 fois la valeur du contenu du conteneur, soit vous abandonnez le conteneur parce que vous avez marre de payer et de payer encore tous les agents de tous les bureaux du port. Ne parlons même pas des agents des Impôts. Le manque à gagner pour l’Etat, se chiffre annuellement en milliards FCFA.
Combien de personnes comprennent que la corruption est une des causes de la paupérisation de la population ? Tout cet argent qui part dans les poches des individus, c’est de l’argent qui ne rentre pas dans les caisses de l’Etat pour construire des écoles, des centres de santé des routes, etc.
La corruption a un petit nom mignon en Côte d’Ivoire, ça s’appelle « Gombo ou Business ».
Comment peut-on parler de développement alors que la corruption et le détournement des deniers publics ont atteint des records jamais atteints. Je vous invite à lire les publications d’un jeune ivoirien vivant à Abidjan en suivant ce lien :https://www.urbanet.info/ivory-coast-urban-governance/
Vous étiez chez vous dans l’Ouest montagneux, quel visage hier, quel visage aujourd’hui?
Dès l’accession du président Ouattara au pouvoir, il a fait le choix de délaisser le conseil général au profit du conseil régional avec pour seul argument que les grands ensembles réaliseraient de grandes œuvres. Quels résultats 10 ans après ? Zéro! Les conseils Régionaux ont quasi tous fonctionné comme des conseils généraux en saupoudrant çà et là quelques villages de quelques petites réalisations hyper surfacturées pour justifier de l’usage du budget mis à leur disposition. Construire une école primaire de 3 classes ou un petit dispensaire de 2 ou 3 lits, le conseil général le faisait déjà hier. Quelle grosse réalisation a été faite par le conseil régional ? En tous cas dans l’Ouest montagneux, la réponse est zéro !
Pour les grandes réalisations, il faut se référer à l’Etat. Ce que faisait déjà le conseil général. Contrairement au conseil général qui était proche des administrés, avec le Conseil régional, on a un peu plus éloigné l’administration des administrés.
L’Ouest montagneux est la preuve palpable et visuelle de l’échec patent des Conseils régionaux. Alors que Daloa affiche fièrement les locaux de son conseil Régional, Le Tonkpi, lui a les locaux de son conseil régional à Abidjan. Quelle proximité avec les populations du Tonkpi ?
Mais où sont donc passées les grandes réalisations qu’on nous avait promises avec l’abandon des conseils généraux pour les conseils régionaux ? Où est donc passé le goudron de la ville de Man?
La ville de Man est dans un tel état de délabrement que quand on arrive à Man, on a une seule question à l’esprit : « Comment en est-on arrivé à un tel état d’insalubrité, de délabrement et de dégradation ? » C’est triste!
La région de l’Ouest a-t-elle besoin d’une solution politique ou d’une solution sociétale pour se développer ?
Cette année, nous ne sommes candidat à rien dans la région, alors, on peut se permettre d’avancer et proposer des solutions aux candidats et surtout à ceux qui, demain, seront en charge de la gestion de notre région et de nos communes.
Le développement, c’est la conjugaison de plusieurs facteurs dont les principaux sont, entre autres, la volonté de se développer, la volonté de rompre avec l’immobilisme pour aller de l’avant, la gestion de l’argent mis à disposition. Il faut arrêter de s’accaparer, de détourner à des fins personnelles, les deniers publics, le choix et la concrétisation des projets, la guerre de tous les instants au gaspillage, au népotisme et à la gabegie.
Hélas, d’une part, nous sommes dans un pays du Tiers-monde et nous sommes en Afrique. Il faut se rendre à l’évidence qu’ici tout est politique et, d’autre part, force est de reconnaître que nos grandes villes n’ont aucune activité économique susceptible de créer de la richesse locale.
Nous sommes en période électorale et je suis stupéfait de voir que la plupart des candidats aussi bien aux municipales qu’aux régionales ne proposent aucun programme de développement de la commune ou de la région qu’ils veulent administrer. On met en jeu une petite coupe et on organise un tournoi de football. Voilà le programme de 5 ans de certains candidats. Il faut que cette duperie de la population s’arrête.
Il faut que certains candidats comprennent que les populations fondent beaucoup d’espoir sur eux. Et qu’en retour, ils n’ont pas le droit de les décevoir. Chère population, tous les candidats qui vous parlent de tournois de foot sont des vagabonds. Chassez-les. Zéro vote pour eux. L’état d’insalubrité et de délabrement de nos régions et communes n’est pas une fatalité. On peut y remédier simplement.
Pour sortir la région du Tonkpi de sa léthargie, pour moi, la recette serait une bonne dose de politique, mais pas trop et une forte dose d’engagement et de prise de conscience des enfants de la région du Grand Ouest montagneux. L’Ouest montagneux regorge de potentialités peu et/ou mal exploitées. Le conseil régional a le pouvoir et la capacité de dynamiser l’activité économique en mettant l’accent sur le développement de petites unités de transformation des produits agricoles et en assurant la chaîne logique pour la collecte et la commercialisation. Je veux parler ici de l’entrepreunariat dans le Tonkpi. L’autre axe, c’est naturellement le tourisme avec des accords internationaux avec tous les opérateurs ; surtout avec la desserte de Man par Air Ivoire. On peut faire mieux dans nos régions et dans nos communes sans attendre l’éternelle intervention de l’État
Quelle solution concrète proposez-vous pour la Côte, particulièrement l’Ouest ?
La République Nouvelle qui, en 2020, proposera sans nul doute un programme aux Ivoiriens, a évidemment les idées claires et détaillées sur les différents axes et leviers de développement de notre pays, la Côte d’Ivoire. Pour l’Ouest, je viens de proposer des éléments de solution.
Pour la Côte d’Ivoire, sans entrer dans les détails, je propose 4 axes principaux. À savoir, la refonte complète du système éducatif ivoirien en y ajoutant la formation à l’entrepreunariat, la réorganisation et le décongestionnement de notre système de santé avec pour leitmotiv, la santé pour tous, l’industrialisation et la transformation de nos matières premières et produits agricoles et les Nouvelles technologies avec un accent particulier sur Le développement, la vulgarisation et surtout ses nombreuses applications dans la vie de tous les jours.
Interview réalisée par Sériba Koné
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