[Côte d’Ivoire] La politique ivoirienne est sale (Par Bally Ferro )
En politique, comme dans toutes les compétitions (artistique, sportive…), on ne fait pas de passe à l’adversaire. C’est connu. C’est une consigne. Qui n’autorise pas non plus les actes anti-jeux.
Sous nos cieux, la politique est devenue sale et nauséabonde. Elle tourne carrément le dos à l’émergence qui nous tendrait les bras, dans cette IIIe République censée être moderne. La politique a perdu toutes ses lettres de noblesse. Brute, elle manque d’élégance et de fair-play.
Et comme le poisson pourrit toujours par la tête, le chef de l’État assume pleinement et entièrement la responsabilité de cette descente aux enfers. Écouter Alassane Ouattara dénigrer et diffamer publiquement et sans aucune gêne Laurent Gbagbo, son prédécesseur, à l’inauguration du Centre hospitalier universitaire d’Abidjan-Angré est la preuve tangible que la politique en Côte d’Ivoire a rompue avec la morale et l’éthique (photo).
C’est vrai que Ouattara n’est pas obligé de citer son ennemi juré qu’il a fait déporter à La Haye pour comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI), mais de là, à pactiser ouvertement avec des contre-vérités, partout et en tout lieu, il y a une ligne rouge qui est franchie.
Une accusation sans preuve. Des observateurs et nombre de partisans de M. Ouattara ont été très mal à l’aise, ce 15 décembre 2017, face au déni. Accuser à haute voix et sans aucune preuve le régime Gbagbo d’avoir détourné les 100 milliards de FCFA payés au titre des dommages et intérêts par la multinationale Trafigura, affréteur du navire Probo Koala qui a déversé 580 tonnes de déchets toxiques en août 2006 à Abidjan, relève d’une bonne foi diabolique.
Car au moins 14 milliards de cette somme ont servis sous Gbagbo à financer la construction du CHU qu’il est venu inaugurer et dont les travaux ont commencé le 1er août 2009. Et puis, ne l’oublions pas: Ouattara a limogé du Gouvernement le 22 mai 2012 Adama Bictogo, ministre de l’Intégration africaine et grande figure du RDR, pour son implication dans le scandale des déchets toxiques.
La justice ivoirienne a renoncé en juillet 2012 à le poursuivre, mais Bictogo reste toutefois susceptible d’être poursuivi au civil pour avoir perçu une avance ‘’indue’’ de 600 millions de nos francs alors qu’il ne devrait être rémunéré pour sa médiation qu’après l’indemnisation de toutes les victimes, a souligné le parquet d’Abidjan.
Sans compter que le 13 janvier 2015, quatre personnes dont Koné Cheick Oumar et Claude Gohourou, reconnues coupables d’avoir détourné la somme de 4,65 milliards de nos francs destinée à indemniser 6.000 victimes, ont été condamnées à 20 ans de prison ferme, sans… mandat de dépôt.
C’est dans la logique de cette affreuse laideur de la politique ivoirienne que s’inscrivent les récentes tracasseries dont a été victime le député Agnima Alain-Michel Lobognon. Muni d’un ordre de mission considéré comme apocryphe, cet ancien ministre, membre de surcroît du secrétariat général du RDR (parti au pouvoir), a été soumis le 10 décembre 2017 à un contrôle policier avant d’embarquer pour Haïti où il doit séjourner dans le cadre d’une mission parlementaire.
En Côte d’Ivoire, la politique est affreuse. Cet ancien membre de la rébellion armée finira par saluer l’élégance et la finesse du pouvoir Gbagbo. Car, dira-t-il, de 2003 à 2007, la Direction de la surveillance du territoire (DST) n’a jamais empêché, lui ‘’le rebelle’’, de prendre l’avion pour sortir du pays.
La bataille à fleuret moucheté qui se déroule en ce moment à l’Assemblée nationale entre dans le cadre des coups fourrés et de cette politique laide. Personne ne peut oublier que le 14 novembre 2012, Alassane Ouattara a dissous le Gouvernement et relevé de ses fonctions de Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio.
La raison, durant l`examen d’un projet de loi sur le mariage, la veille, en Commission à l`Assemblée nationale, «les groupes parlementaires PDCI et UDPCI ont voté contre le texte du gouvernement», déclarait Amadou Gon Coulibaly, alors Secrétaire général de la Présidence de la République. «Cela pose donc, avait-il souligné, un problème au niveau de la solidarité à l`intérieur de l`alliance et du soutien de l`alliance (du RHDP)» au gouvernement.
Mais voilà. Le 12 décembre 2017, durant les débats en Commission pour l’adoption du budget 2018 qui s’équilibre en ressources et en charges à 6.756.257.616.332 FCFA, en hausse de 4,8% par rapport au budget 2017, d’un niveau de 6.447.638.712.432 FCFA, Félix Miézan Anoblé, député de San Pédro commune (Sud-Ouest) a réussi à bloquer les débats par un préalable: le budget détaillé de l’Institution.
Le Gouvernement du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly ne court aucun risque d’être dissous ou renversé. Car d’une pierre, Anoblé fait, à son propre insu (!?), deux coups. D’un, il pose un vrai problème de transparence mais qui sert à prolonger les assauts pour réduire au silence le ‘’Jeune homme’’ en auditant sa gestion du budget de l’Assemblée nationale.
De deux, l’élu de la nation fait alors diversion par cet écran de fumée en maintenant la loi de l’omerta sur le sujet sensible du fonds de souveraineté. La Lettre du Continent a mis les pieds dans le plat dans une publication. Le budget de souveraineté de M. Ouattara en 2017 se serait élevé à 342,6 milliards de nos francs, en hausse de 20 milliards par rapport à 2015, contre 80 milliards de F sous Laurent Gbagbo et 25 milliards de F sous Henri Konan Bédié.
Mais ce sujet est volontairement gardé tabou. Devenu godillot depuis l’incident de novembre 2012, l’Assemblée nationale a renoncé à jouer son rôle de contre-pouvoir de l’Exécutif. Ou elle accompagne moutonnièrement le pouvoir en étant une caisse de résonance, ou alors elle lui sert de bras séculier pour l’exécution de la petite politique politicienne faite de coups bas et de règlements de compte.
En Côte d’Ivoire, la politique est affreuse.
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