(Côte d’Ivoire présidentielle 2020-désignation du candidat, choix du vice-président et du 1er ministre) Un casse-tête chinois pour Alassane Ouattara
Plus que 3 mois pour l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue le 31 octobre 2020. Aujourd’hui, la question que se posent nombre d’observateurs est de savoir qui sera le candidat du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix(RHDP). Une question qui circule sur presque toutes les lèvres après la disparition subite d’Amadou Gon Coulibaly, candidat désigné de ladite formation politique le 8 juillet dernier. Entre pétition (sic) de militants, appels de personnalités et surtout de confidences à un journal panafricain, la polémique quant au choix du candidat du parti présidentiel enfle. Quelles pourraient être les conséquences d’une candidature pour un 3e mandat de l’actuel tenant de l’exécutif ivoirien ?
Le 5 mars dernier, s’exprimant devant les parlementaires réunis en congrès, Alassane Ouattara disait. « Je voudrais vous annoncer solennellement que j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 […] et de transférer le pouvoir à une jeune génération. » Un discours unanimement salué.
S’il est vrai qu’en mars dernier, le chef de l’Etat a déclaré vouloir passer la main en laissant la place à une nouvelle génération, il n’en demeure pas moins que le décès de son dauphin AGC pose le problème de lui trouver un remplaçant consensuel. D’où les spéculations quant à un troisième mandat de celui dont le second mandat prend fin alors qu’il campe ses 78 ans.
En effet, à peine, les funérailles d’Amadou Gon Coulibaly terminées que l’on a assisté, à une prise de position de certains cadres du parti présidentiel relative à la candidature d’Alassane Ouattara. « Le seul choix qui vaille, c’est que le président Ouattara reprenne le flambeau », déclarait récemment sur TV5, le directeur exécutif du RHDP Adama Bictogo. Qui est revenu à la charge le lendemain sur RFI : « A trois mois de la présidentielle, il nous est difficile de sortir du chapeau un nouveau leader. Le président Ouattara reste le grand rassembleur. » Aveu d’impuissance de trouver un candidat autre que le chef de l’Etat ou simple bluff ? Difficile de répondre par l’affirmatif. Toujours, est-il que le porte-parole dudit parti abondera dans le même sens que son directeur exécutif.
« Le regard des militants se tourne inexorablement vers vous et vous seul » pour « redonner aux militants l’espoir que la disparition d’Amadou Gon leur a arraché ». « Il n’y a que votre candidature qui puisse à nouveau rassembler toute la grande famille du RHDP », et « garantir la sécurité, la stabilité et la paix si chères à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens », dixit Kobenan Kouassi Adjoumani implorant Alassane Ouattara à renier l’engagement pris devant le parlement ivoirien et le monde entier en soutenant ne pas vouloir briguer un 3e mandat. La même invite fait débat sur les réseaux sociaux où « des jeunes proches du RHDP », affirment avoir obtenu plus de 700 000 signatures en sept jours. Un chiffre, qui bien que non vérifiable a le sceau d’une initiative qui confirme une tendance.
Au demeurant, s’il est vrai qu’Alassane Ouattara lui-même ne s’est pas encore exprimé officiellement sur la question, force est cependant de reconnaitre que se confiant le 15 juillet dernier au magazine Jeune Afrique, il a soutenu « A l’heure actuelle, compte tenu des délais, je ne vois hélas pas d’autre solution pour préserver la stabilité du pays ». D’ailleurs, se prononçant sur cette épineuse question dans les colonnes de RFI, l’analyste politique Sylvain N’Guessan dira « Il sera difficile pour le RHDP de trouver un candidat consensuel en dehors du président Ouattara(…) De plus, le chef de l’Etat a toujours laissé une fenêtre ouverte, en disant que si ceux de sa génération étaient candidats, il pourrait se représenter ».
Des risques de tensions au sein du parti.
C’est un secret de polichinelle. Le choix non consensuel de feu Amadou Gon Coulibaly pour défendre les couleurs du parti à l’élection présidentielle avait fait grincer les dents. Le 2e vice-président Albert Mabri Toikeusse, par ailleurs, président de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire(UDPICI), parti créé par le général Robert Guéi avait dénoncé le mode de désignation. Ce qui lui a valu d’être éjecté du gouvernement. L’ancien ministre des affaires étrangères, proche du chef de l’Etat Marcel Amon Tanoh avait également claqué la porte. Récemment, c’est le vice-président Daniel Kablan Duncan qui pour des raisons « personnelles » a déposé sa lettre de démission sur la table du président de la République Alassane Ouattara. Une démission actée par le président du RHDP. D’ailleurs, depuis quelque temps, des débats, les uns aussi passionnés que les autres ont lieu dans certains milieux politiques quant à la désignation dans les brefs délais d’une part d’un nouveau premier ministre et d’autre part, du remplaçant de Daniel Kablan Duncan. De sources proches de certains cercles du parti, le choix du ministre d’Etat Hamed Bakayoko qui a assuré l’intérim à la Primature en l’absence de feu Amadou Gon Coulibaly ne rencontrerait pas l’assentiment de cadres et caciques du parti présidentiel. Idem pour le transfuge du PDCI, Achi Patrick, actuel secrétaire général de la Présidence de la République dont certains observateurs soutiennent mordicus qu’il est au fait des dossiers laissés par le défunt Premier ministre. Autant d’éléments qui font planer des risques de tensions.
De la question du débat constitutionnelle
Une candidature pour un 3e mandat d’Alassane Ouattara remettra au goût du jour le débat sur la constitutionnalité de ladite candidature. En effet, point n’est besoin de rappeler que le nombre de mandats présidentiels est toujours limité à deux. Mais pour les soutiens du président sortant, la nouvelle Constitution de 2016 remettrait les compteurs à zéro. Or selon certains juristes, l’article 183 de la Constitution, qui stipule que la législation en vigueur avant 2016 reste applicable aujourd’hui, signifierait qu’Alassane Ouattara ne peut pas briguer un troisième mandat. Sur la question, sur RFI, l’analyste politique Sylvain N’Guessan souligne « En Côte d’Ivoire, près de la moitié des membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République. On pourrait légitimement se demander s’ils auront la capacité à prendre du recul pour traiter pareil dossier », avant d’ajouter « Les risques de violences ne sont pas toujours loin des urnes en Côte d’Ivoire, et une telle candidature pourrait susciter des risques. » Toutefois, il est « difficile de d’évaluer l’ampleur de ces risques actuellement », tempère-t-il. La date limite du dépôt des candidatures étant fixée au 31 août prochain et vu que le recueil des parrainages citoyens, nécessaires à la validation de ces candidatures, a déjà débuté, l’annonce officielle de la candidature d’Alassane Ouattara ne saurait tarder.
EKB
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