[Dossier] Carte nationale d’identité et état civil : la Côte d’Ivoire à l’heure du numérique
-Le RNPP ou l’amélioration de la gouvernance administrative et sécuritaire au profit des citoyens
Depuis 2018, le gouvernement ivoirien a adopté la création du Registre national des personnes physiques (Rnpp), un fichier unique qui attribue un Numéro national d’Identification (NNI) à l’effet d’améliorer la gouvernance administrative et sécuritaire du pays.
Bolé Kouassi (un nom d’emprunt), père de 9 enfants, 84 ans, vivant dans le village de Gnépa Gbotowlè, sous-préfecture de Tabou (sud-ouest de la Côte d’Ivoire) n’avait pas d’extrait d’acte de naissance. Par conséquent, il n’existait pas juridiquement au moment des faits lors de l’implémentation des nouveaux mécanismes de déclarations des faits d’état civil , une des activités préparatoires au Registre national des Personnes physiques (Rnpp) mené par des agents de l’Office national de l’état civil et de l’identification – Côte d’Ivoire (Oneci).
Comme lui, ce sont 36% de personnes qui sont non déclarées à la naissance l’état civil en Côte d’Ivoire et aussi 45% des enfants de moins de 5 ans, selon les résultats de la collecte des données des naissances sur l’ensemble du territoire réalisés par la Direction des études, de la programmation et du suivi évaluation (Depse) en 2018.
Le décret N°2019-454 du 09 mai 2018, instituant la création du Registre national des personnes physiques, qui mettra en place un fichier unique par l’attribution de Numéro national d’identification (NNI) vient résoudre cette mal gouvernance administrative et sécuritaire que la Côte d’Ivoire a connu depuis des décennies.
De la pluralité d’identité au numéro national d’identification. Selon Diakalidia Konaté, le DG de l’Oneci, c’est un processus qui a commencé en 2016 par la dénomination, Fichier national de la population (FNP) inscrit au Programme national de développement 2016-2020. C’est sur la base d’un programme appliqué d’amélioration du système des Nations Unies, APAI-CRVS (Africa programs for accelerate dimprovement of civil registration and vital statitics), entendez par-là, Programme africain pour l’amélioration accélérée de l’état civil et de ses statistiques vitales que le Registre national de personnes physiques (RNPP) a vu le jour‘’pour améliorer la gouvernance administrative et sécuritaire’’ au profit de la population. « Plus personne ne doit détenir les données biométriques à part, à l’exclusion de l’Oneci dans le registre national », prévient le DG de l’Oneci.
Cette nouvelle gestion de l’état civil et de l’identification qui, a été élaborée en six axes, est en train d’‘’être mis en œuvre progressivement’’.
Il y a, entre autres, la réforme du cadre juridique, institutionnel et organisationnel, grâce à laquelle la loi de 1964 sur l’état civil a été modifiée, conformément à l’article 85 de la loi n° 64-374 du 7 octobre 1964 relative à l’état civil, modifiée par les lois n° 83-799 du 02 août 1983 et n° 99-691 du 14 décembre 1999. Cette loi, selon Affessi Affessi, chef de projet en état civil, intègre de nouveaux mécanismes de collectes de la donnée (la digitalisation et la numérisation par exemple), qui n’existait pas dans la loi de 1964. Il y a en outre, la loi de 2019 que le président de la République, Alassane Ouattara, a promulguée (la loi N°2019-566 du 26 juin 2019), instituant une carte d’identité nationale biométrique qui abroge celle de 1962.
À ce jour, le décret de création de l’Oneci lui confie le bon fonctionnement de tous les centres d’état civil de Côte d’Ivoire, tant sur le territoire ivoirien qu’à l’étranger, la formation des agents, l’équipement en ordinateurs et en logiciels. Ce, dans l’objectif de la centralisation et de la communication de l’ensemble des données, qui va aboutir à l’unicité d’identité grâce au numéro national d’identification (NNI) consolidé par la biométrie.
Le renforcement des capacités organisationnelles et humaines de l’infrastructure, l’un des six axes, permettra, selon Mme Kéita Naba, chef projet, titre d’identité de corriger les erreurs du passé et de donner plus de compétitivité à l’Oneci : « Le niveau sera élevé avec la création du Rnpp lui-même, que nous considérons comme la colonne vertébrale de cette stratégie nationale.»
Les enfants âgés de 5 ans pourront se faire établir leur CNI à la demande de leurs parents. L’âge de la majorité civile est fixé à 18 ans, et l’âge d’établissement de la carte nationale d’identité sans autorisation parentale à 16 ans en Côte d’Ivoire.
La création d’un fichier unique de la population sécurisé (NNI) ‘’vient optimiser la gestion de l’administration et faciliter la vie aux populations’’ « Si vous dites à un citoyen de payer une seule fois pour avoir tous les documents, vous réduisez sa souffrance (les multiples déplacements et plusieurs sorties d’argent)», renchérit le DG de l’Oneci.
Un mécanisme a été mis en place pour le suivi et l’évaluation, l’amélioration des statistiques vitales et l’appropriation sociale pour mieux boucler les six axes. « La vision du gouvernement est de mettre en place un système d’état civil et d’identification fiable sécurisé et statistiquement utile sur l’ensemble du territoire national », martèle Konaté Diakalidia, ajoutant par ailleurs que, la fiabilité tient à« l’unicité et la véracité de l’identité».
D’où la loi 2018- 863 du 19 novembre 2018 instituant une procédure spéciale de déclarations des naissances, de rétablissement d’identité et de transcription d’actes de naissances qui permet à tous ceux qui ont de multiples identités de ‘’se réconcilier’’ avec eux-mêmes pour avoir désormais une seule identité et ‘’rendre le registre fiable’’. « Comme tout ce qui est caché sera su, vous êtes obligés d’aller en face d’un magistrat ou devant un commissaire pour faire amende honorable. Cela est sans préjudice des droits que vous avez. Si vous travaillez, vous restez dans votre emploi. Si vous avez remporté des ballons d’or, vous les gardez. C’est pourquoi on parle amnistie», explique le DG.
Pour Konaté Diakalidia, « La phase cruciale dans ce projet de Registre national de personnes physiques, c’est le renouvellement des cartes nationales d’identité qui sont arrivées à échéance. Il s’agit pour l’opérateur de mettre tout son système de production avec toutes les composantes en place et démarrer la production des cartes nationales d’identité. En principe, dans 6 mois, les premières cartes d’identité devraient être entre les mains de leurs titulaires ».
Pour mener à bien ce projet, il est offert au citoyen la possibilité de se faire enrôler depuis son domicile ou son bureau à partir d’un dispositif connecté à internet.
Il est prévu 509 centres d’enrôlement dans les communes et sous-préfectures au niveau national avec des bureaux de coordination dans chaque chef-lieu de région, ainsi que des équipes mobiles, et des bureaux d’enrôlement dans des représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger.
Des institutions qui ne se communiquent pas les bases de données . Le système d’identification a longtemps été frappé par plusieurs bases sectorielles qui ne se communiquaient pas les données. En 2008-2009, l’identification couplée avec le recensement électoral a permis à la Commission électorale indépendante (CEI) et l’Office national d’identification (ONI) d’alors d’avoir leur base de données.
Dans la même période, le permis, le passeport, le flux à l’aéroport etc. ont leur base de données à part. « Il y a des bases de données qui pullulent et qui ne communiquent pas entre elles. Il y a le risque qu’elles donnent des informations différentes sur une même personne », révèle Coulibaly Abdramane, chef de projet flux migratoire.
Il y a eu le vote de la loi n°90-437 du 29 mai 1990 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en Côte d’Ivoire et ses décrets d’application : « Pour mettre en place un système de gestion efficace des flux migratoires en vue de constituer une base de donnée centrale, unique, fiable et sécurisée sur l’émigration et l’immigration » coupe court le chef de projet flux migratoire.
Il est évident que depuis les années 60, la Côte d’Ivoire s’est embourbée dans une crise identitaire, une non maîtrise de la gestion de flux migratoire et de la sécurité nationale.
De l’ombre à la lumière. Le 8 avril 2019, l’État de Côte d’Ivoire a signé un accord de partenariat public privé avec l’entreprise Belge Semlex pour mettre au clair toutes les données des extraits d’acte de naissance et des cartes nationales d’identité. La mise en place de la stratégie nationale de l’état civil et de l’identification est estimée à 460 milliards FCFA y compris le RNPP. « Nous avons ensemble un défi important à relever. Beaucoup de commentaires sont faits ces dernières semaines sur cette collaboration, je voudrais que chacun des parties s’engagent à faire mentir les commentaires les plus tendancieux», souhaite le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité.
Le contrat de la Semlex porte sur une durée de douze ans. C’est un contrat B.O.T (Build, Operate, Transfer). Semlex pour le compte de l’État fait tous les investissements nécessaires à la mise en place du projet, supporte tous les coûts de fonctionnement du projet et réalise sa maintenance sans que le l’État n’ait à supporter aucun coût propre au projet (à l’exception de certains coûts convenus entre les deux parties tels que la mise à disposition de fonctionnaires d’État).
En contrepartie, Semlex se rémunèrera sur la vente des documents concernés. Par ailleurs, une part sera reversée à l’État.L’entreprise se voit chargée du « processus de mise en place des solutions qui composent le Registre national des personnes physiques (Rnpp) pour deux ans avec une priorité pour la solution devant permettre la production des cartes nationales d’identité », précise le communiqué du gouvernement, rendu public le 10 avril, ajoutant, par ailleurs, « Le système est dimensionné pour produire au moins 36 millions de cartes pendant la durée du contrat, dont 12 millions pendant les deux premières années, afin de satisfaire aux besoins de renouvellement des cartes nationales d’identité venant à expiration à compter de juin 2019».
Le lancement officiel du Registre national des personnes physiques est prévu le 11 décembre 2019, précédé de l’enrôlement du premier citoyen avec pour cible les membres du gouvernement et la phase pilote pour l’enrôlement pour la nouvelle carte nationale d’identité est prévu pour durer deux semaines.
Cette phase pilote se déroulera dans les régions du Goh, du Poro, du Bas-Sassandra, de la Mé, du Gbekê et du Cavally, et va s’étendre sur l’ensemble du territoire vers fin janvier 2020 par le renouvellement des titres de CNI arrivés à expiration.
Parallèlement à cela, le nouveau système pourra enregistrer de nouvelles demandes de mise à jour de la CNI et les deux cartes (la précédente et la nouvelle) vont cohabiter jusqu’à l’expiration des anciennes cartes qui sont encore en circulation.
La création du Registre national des personnes physiques vient ainsi mettre fin, à plusieurs années de désordre dans l’établissement des actes de naissance, de jugements supplétifs, et des cartes nationales d’identité.
Sériba Koné
Encadré
Fin du désordre et de la corruption
L’établissement de de la Carte nationale d’identité et des extraits d’acte de naissance ainsi d’autres papiers administratives ont, longtemps fait l’objet de désordre et de la corruption, dénoncés par les populations. Cette amélioration de la gouvernance administrative et sécuritaire de la Côte d’Ivoire au profit des citoyens vient mettre fin à cela.
Par ailleurs, dans le communiqué du lundi 9 décembre 2019, la Direction générale de l’Office national de l’état civil et de l’identification (Oneci) organise, la cérémonie officielle de lancement du RNPP, le mercredi 11 décembre 2019, à 14 h à l’auditorium de la Primature. Ce, sous la présidence du Premier ministre, Amadou GON Coulibaly, président du Comité de pilotage de ce projet, en présence du ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, par ailleurs président du Comité technique national du RNPP, Sidiki Diakité.
S.Koné
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