[Grand Reportage 17 ans après les massacres de Duékoué] Sur les ruines et charniers de Fengolo au quartier Carrefour

[Grand Reportage 17 ans après les massacres de Duékoué] Sur les ruines et charniers de Fengolo au quartier Carrefour

Sur les ruines et charniers de Fengolo au quartier Carrefour

Duékoué, chef-lieu de la région du Guémon, ville située à 450 km d’Abidjan dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, renaît progressivement des pires massacres qu’elle a connus, depuis septembre 2002. 17 ans après, une nouvelle aube semble se lever sur la région. Les populations ont, certes, pardonné, mais gardent encore en mémoire cette triste page de l’histoire de leur localité.  Reportage.

-Les populations s’imposent le pari du pardon

Duékoué, chef-lieu de la région du Guémon, ville située à 450 km d’Abidjan dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, renaît progressivement des pires massacres qu’elle a connus, depuis septembre 2002. 17 ans après, une nouvelle aube semble se lever sur la région. Les populations ont, certes, pardonné, mais gardent encore en mémoire cette triste page de l’histoire de leur localité.  Reportage.

Ce dimanche 3 février 2019, aux environs de 11 h, appuyé sur une canne de fortune, Diétro Rémy, le chef de la famille Diétro, sort avec difficulté de sa maison. Le nonagénaire de 97 ans peine à nous rejoindre devant sa maison à Fengolo. Un des gros villages situé à 4 km de Duékoué où, selon plusieurs médias, vingt personnes ont été massacrées et jetées dans un puits pendant la crise de septembre 2002.

Des massacres pardonnés, et à oublier. À chacun de ses pas, le patriarche tremble de tout son long, très affaibli par l’âge et son état de santé. Levant  péniblement la main pour nous saluer, il articule avec difficulté pour nous expliquer la situation que lui et les siens vivent. Avec son épouse et ses petits-enfants, ils vivent avec les stigmates des massacres encore visibles partout dans la cour. Les deux maisons où une vingtaine de personnes ont été massacrées avant d’être ‘’mitraillées’’, selon notre hôte, ont été décoiffées. Le vide des différentes chambres de ces maisons en ruines est remplacé par de hautes herbes qui y ont élu domicile. Malgré les intempéries, dix-sept ans après, des filets de sang sont encore visibles sur l’un des murs des bâtisses devenues crasseuses. Des signes qui témoignent de la proximité des tirs et de l’extrême violence du massacre. À l’en croire, ayant eu vent de l’attaque de septembre 2002, lui, son épouse et ses petits enfants avaient trouvé refuge à Petit-Duékoué.

Diétro Rémy, le chef de la famille Diétro vit des instants difficiles à Fengolo

Diétro Rémy, le chef de la famille Diétro vit des instants difficiles à Fengolo

Juste à l’arrière de la petite maison où réside la famille, les corps des victimes ont été ensevelis dans un puits sous plusieurs tas d’herbes qui ont fini par  le boucher. « Nous l’avons fait pour éviter que des animaux ou des hommes ne tombent dans ce puits. Mais, nous pensons à eux », nous explique dame Diétro. Dans ce village, ‘’la vie a repris’’. Mais, la famille Diétro garde encore les séquelles de la crise. C’est dans ce décor que M. Diétro est contraint de vivre avec le reste de sa famille.

Pendant ce temps, à Guitrozon, localité située à près d’un kilomètre de là, où les massacres de 2005 et 2011 ont fait respectivement 100 et 9 morts selon la chefferie du village, les populations se forgent une nouvelle vie.  L’adjoint au chef du village, Maurice Zonlé Oula, s’estime heureux des efforts de paix et de réconciliation menés par la chefferie et ses notables, mais déplore l’absence des autorités gouvernementales dans les actions de réconciliation des populations. « La chefferie a décidé personnellement de sensibiliser les différentes populations d’une trentaine de villages rattachés  à Guitrozon sur la cohésion sociale. Depuis la fin de la crise, nous avons multiplié plusieurs rencontres dans ce sens. Ce qui fait qu’à ce jour nous vivons en parfaite harmonie », raconte M. Zonlé.

Concernant les litiges fonciers, notre interlocuteur rassure que la chefferie a tout mis en œuvre afin que ces malentendus soient réglés sans heurts. « Nous avons entrepris beaucoup d’actions sans le gouvernement, qui n’a jamais dépêché d’autorité ici, dans le cadre de la réconciliation afin de ramener la paix et la confiance entre nous.»

Le puits dans lequel une vingtaine corps reposent depuis les massacres de 2002, selon Diétro Rémy

Le puits dans lequel une vingtaine corps reposent depuis les massacres de 2002, selon Diétro Rémy

Même son de cloche au quartier Petit-Duékoué. Le chef Séverin Bottin Tahou et sa notabilité ont entrepris des démarches à travers plusieurs rencontres pour ramener la paix. « Nous avons eu plusieurs rencontres de sensibilisation entre les différentes couches sociales pour que chacun oublie le passé douloureux et pense à la reconstruction de Petit-Duékoué », indique-t-il. Pour mieux réussir cette mission, le chef explique qu’ils ont participé à plusieurs séminaires organisés par des ONG. Le seul bémol est le manque d’infrastructures routières et les conflits fonciers qui en rajoutent à la précarité des paysans de cette localité. « Nous sommes une population qui sort progressivement d’une longue crise. En plus de la pauvreté, nous sommes confrontés à d’énormes difficultés pour acheminer nos produits en ville du fait du manque de route. Des actions avaient été entreprises par l’État, mais il n’y a plus eu d’entretien de ces pistes villageoises», regrette M. Tahou. Quant aux problèmes liés aux conflits fonciers, il souhaite l’appui des autorités administratives pour rendre plus efficaces les actions.

Malgré les intempéries, dix-sept ans après, des filets de sang sont encore visibles sur l’un des murs des bâtisses devenues crasseuses.

Malgré les intempéries, dix-sept ans après, des filets de sang sont encore visibles sur l’un des murs des bâtisses devenues crasseuses.

L’âme d’Amadé Ourémi plane sur le Mont-Péko. À Bagohouo, sous-préfecture à 24 km de Duékoué (non loin de la forêt classée du Mont-Péko), dans sa maison située à quelques encablures du siège de la chefferie du village, Gabriel Yoro Ouhomplégnon, 65 ans, l’une des victimes de la crise du 28 décembre 2010, lutte contre la paralysie. Il avait pris une balle dans l’omoplate, et qui est sortie vers la clavicule. Ce jour-là, selon la chefferie, quatre gendarmes et plusieurs villageois avaient perdu la vie. Le sexagénaire a eu la vie sauve, mais a perdu l’usage de ses bras et de ses jambes à vie. « C’est vrai qu’aujourd’hui, je ne peux plus travailler, mais je demande aux filles et fils du village de pardonner », lance-t-il d’une voix à peine audible.

Conscient de  la difficulté d’oublier ces durs moments, le président des jeunes de la sous-préfecture de Bagohouo, Gérard Dié, reste optimiste quant au retour d’une paix définitive. «Aujourd’hui, je peux vous rassurer que chaque population vaque tranquillement à ses occupations », renchérit M. Dié.

Cette assertion, certains notables de la chefferie villageoise ne la partagent pas totalement. L’adjoint au chef, Jacques Bah Beha, estime que certains éléments d’Amadé Ourémi possèdent encore des armes avec lesquelles ils peuvent attaquer. « Moi, j’ai toujours peur parce que vers la fin de l’année 2018, des plantations situées à plus d’un kilomètre du parc national du Mont-Péko ont été détruites par des agents de l’OIPR (Office ivoirien des parcs et réserves) avec la complicité des rescapés d’Amadé Ourémi. Comment voulez-vous que dans ce contexte où il a fallu l’intervention du sous-préfet et de certaines autorités pour ramener le calme, nous puissions avoir confiance ? », s’interroge-t-il.

Gabriel Yoro Ouhomplégnon, 65 ans, l’une des victimes de la crise du 28 décembre 2010, lutte contre la paralysie à Bagohouo

Gabriel Yoro Ouhomplégnon, 65 ans, l’une des victimes de la crise du 28 décembre 2010, lutte contre la paralysie à Bagohouo

Cet avis est largement partagé par Séverin Gbomo Kaha, le secrétaire général de la chefferie, qui estime que le problème dans cette forêt classée n’est pas encore totalement réglé et que ‘’certaines plantations sont toujours exploitées’’« Ceux mêmes qui exploitent les plantations du Mont-Péko nous font le retour. Ils affirment qu’ils le font avec la complicité des agents de l’OIPR », accuse le secrétaire général.

Ici, les populations allogènes sont très réservées. Elles vous ramènent à la chefferie villageoise ou à la chefferie de la communauté. Sawadogo Boukary, réparateur d’engins à deux roues, nous rassure que tout va mieux, mais nous conseille d’aller vers Emile Diby Konan, le chef de la communauté de ladite sous-préfecture. « Ici, tout va mieux à part les conflits fonciers intempestifs, mais nous parvenons à calmer les parties, souvent avec la chefferie villageoise. Il n’y a pas de problèmes entre les populations, chacun vaque tranquillement à ses occupations », raconteM. DibyPlusieurs campagnes de sensibilisation ont été menées pour la restaurer la confiance chez les populations.Toutefois, l’un des réels problèmes des villageois reste l’OIPR. «Depuis quelque temps, les agents brandissent un arrêté par nous déloger », raconte le chef de la communauté.

Emile Diby Konan et son frère ont des parcelles de terre à la lisière de la forêt classée, mais le second garde une mauvaise image des agents de l’OIPR. «Mon frère qui a fait de l’hévéaculture sur sa parcelle a été à plusieurs reprises rançonné par les agents de l’OIPR», confie le chef de la communauté villageoise.

À la direction de l’OIPR zone-Ouest, chargée notamment du parc national du Mont-Péko, nous avons pu, par les soins du lieutenant Dosso Vallet Hypolite, joindre le lieutenant-colonel Ouattara Kpolo, chef du secteur (en déplacement). « Je ne me reconnais pas dans ces accusations, néanmoins mes hommes arrêtent des gens qui vont faire de l’exploitation clandestine dans ce parc national », coupe-t-il court.

Les populations dorment avec les morts. Le tristement camp des réfugiés de Nahibly, localité située à droite de la sortie de Duékoué, où plusieurs morts et de nombreux disparus ont été enregistrés lors des violences postélectorales, n’existe plus. Le site a été complètement rasé. Aujourd’hui, la broussaille est maîtresse des lieux. Quelques villas témoins attendent la construction de logements sociaux prévue depuis belle lurette.

Au quartier Diayé Bernard, plus connu sous l’appellation de Carrefour, la fièvre de la colère des populations qui vivent avec ‘’cinq charniers’’ est tombée, selon la chefferie traditionnelle. Dans cette partie de l’ouest de la Côte d’Ivoire, le rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) du 1er avril 2011, révèle qu’au moins 800 personnes auraient été tuées le 29 mars, lors de violences inter-communautaires.

L’un des charniers identifiés, mais pas protégés au quartier Carrefour

L’un des charniers identifiés, mais pas protégés au quartier Carrefour

Entouré de trois de ses notables, le chef Denis Bahon cherche difficilement les mots pour ne pas réveiller les vieux démons. Dans ce quartier, nous avons identifié cinq charniers. Chose curieuse, aucune disposition n’a été prise pour protéger ou sécuriser ces lieux hautement sensibles. Deux fosses communes sont situées au bord de la rivière Guémon (non loin de l’abattoir), mais la plus en vue reste celle qui se trouve sur la voie non bitumée menant à la sous-préfecture de Bagohouo, et qui traverse le quartier Carrefour. Sur ce lieu précis, le conseil général sortant a pris, au moins, le soin de marquer sur une pancarte : ‘’Construction d’un monument aux morts à Duékoue. Projet du conseil régional du Guémon’’. Les deux derniers charniers se situent sur le même axe à la sortie du quartier Carrefour.

Ces morts, le chef a du mal à les oublier. « La guerre nous a laissé cinq charniers ici, sans compter plusieurs puits que nous avons fermés, avec des corps à l’intérieur, mais on n’en fait pas une fixation. Nous avons tourné cette page pour nous focaliser sur le retour de la paix entre nos populations afin d’amorcer le développement et lutter contre la pauvreté grandissante », soutient-il.

Il faut dire que le chef et sa notabilité tentent par tous les moyens de faire revenir la paix et la confiance mutuelle comme l’explique M. Bahon : « Nous sommes obligés de faire la paix parce qu’il vaut mieux dormir ‘’dans la faim’’, dans la paix que de dormir le ventre plein avec des crépitements  d’armes à feu partout dans le quartier.» Il invite le gouvernement à ‘’dédommager’’ tous ceux qui ont perdu leurs biens.

Bien que l’État ait indemnisé certaines victimes ayant perdu des parents, la notabilité soutient les propos du chef et estime le dédommagement des victimes ‘’insignifiant’’ vu les stigmates. Comme c’est le cas du fils du secrétaire général de la chefferie, Edouard Glahou, qui, bien que pris en charge, garde à vie les séquelles de cette guerre. « Mon fils, qui a 15 ans aujourd’hui, délire seul quand il entend un bruit assourdissant », témoigne-t-il.

Tous ces mauvais souvenirs, selon le chef, sont surmontés grâce à des pactes de non agression, notamment par des appels à la paix et à travers des tournois de football entre les jeunes du quartier Kôkôman, soupçonnés, à l’en croire, d’avoir porté main forte aux bandes armées et participé aux massacres des populations de Carrefour. « Ceux que le Seigneur a voulu survivants dans ce terrible drame sont ceux que vous avez trouvés sur place. Pourquoi ne pas pardonner, oublier et aller à la paix ? », s’interroge Denis Bahon.

En l’absence du préfet de région, Sory Sangaré, préfet de Duékoué, une source préfectorale se réjouit du développement économique amorcé par la capitale du Guémon. « Nous sommes aujourd’hui fier, parce que le plus difficile est passé, et la peur fait place désormais à la quiétude », a indiqué notre interlocuteur ajoutant, par ailleurs, que « les difficultés liées aux problèmes fonciers sont en train d’être jugulées progressivement et que Duékoué n’est plus classée comme zone rouge d’insécurité comme par le passé.»

Duékoué enregistre une baisse de l’insécurité du fait de la multiplication des patrouilles dans la commune, ce que confirme une source sécuritaire : « L’indice de sécurité est acceptable parce que le taux de criminalité a baissé contrairement aux années précédentes. Nous (Ndlr : la police) multiplions des patrouilles et des rafles ainsi que  des fouilles dans des quartiers pour démanteler d’éventuelles caches d’armes. »

La sécurité des personnes et des biens se répercute positivement sur la vie économique animée par les entreprises coopératives de café et de cacao et le commerce qui constituent l’essentiel des activités de la commune. Goli Dominique, responsable de la coopérative Sasd, déplore le mauvais état des pistes villageoises et les réserves des bailleurs de fonds à financer leurs projets dans cette boucle du cacao. « Nous avons besoin du soutien et de la confiance des bailleurs de fonds afin de permettre à nos employés saisonniers de pouvoir réaliser leurs rêves », souhaite-t-il.

Le président du collectif des chefs de communautés de toute la région du Guémon, Gouati Bi Constant, a indiqué, au cours de notre entretien, qu’il règne une symbiose totale entre tous les chefs : « Tous les mois, nous tenons une réunion pour relever tous les problèmes et apporter des solutions adéquates à ces problèmes. Aussi, depuis qu’on a mis ce collectif en place, on a évité beaucoup de conflits inter-ethniques dans notre localité

Joint par téléphone, le vice-président de l’Assemblée nationale, par ailleurs député élu de Duékoué, Oula Privat, estime que ‘’tout le monde est pour la paix’’. Selon lui, le foncier rural a fait l’objet de plusieurs réunions avec les différents chefs traditionnels, parfois en compagnie d’autres élus du peuple, dont Enise Kanaté Namizata, députée élue de Mankono, appuyée par le directeur général de l’Agence foncière rurale (AFOR). « Bamba Cheick Daniel qui gère cette structure est allé tenir une réunion en présence de tous les chefsdu Guémon», soutient-il.

Ce que fait le ministère. À des centaines de kilomètres de l’ouest de la Côte d’Ivoire, à Abidjan, précisément au Plateau, au 13ème étage de la Tour E, le directeur de la communication du ministère de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la Pauvreté, Effoué Xavier, nous fait le point des activités menées par la ministre Mariatou Koné.

Lancée le 4 août 2015, l’indemnisation des victimes et des personnes décédées de la crise post-électorale s’est faite à partir de listes reçues de la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (structure du ministère de la Justice). Alors que pour les personnes blessées, la liste a été établie par l’ex-Autorité pour la démobilisation, le désarmement et la réintégration (Addr) et l’ex-ministère de la Solidarité de la Famille et de l’Enfant, nous apprend-il.

La ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la Pauvreté, Prof Mariatou Koné continue, progressivement l’indemnisation des ayants-droit. Ph.Dr

La ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la Pauvreté, Prof Mariatou Koné continue, progressivement l’indemnisation des ayants-droit. Ph.Dr

Il affirme que « pour la crise postélectorale dont la phase pilote a débuté le 4 août 2015, ce sont 3 500  ayants-droit qui ont été indemnisées à hauteur d’un million (1 000 000 FCFA) de franc cfa et que la quasi-totalité, des ayants-droit de ces personnes décédées ont reçu réparation ».

Quant aux 1000 blessés recensés, Effoué Xavier souligne qu’ils bénéficient de prises en charge médicale et/ou psychologique jusqu’à guérison grâce à des signatures de conventions entre le Programme national de cohésion sociale (Pnscs) et des structures de santé, aussi bien dans le public que dans le privé, et d’un chèque de 150 000 FCFA ‘’pour leur permettre d’assurer les frais de transport’’. « Nous avons connu un cas d’évacuation au Maroc à la demande de la famille du blessé, pour certains soins spéciaux », a indiqué le directeur de la communication précisant que les personnes handicapées physiques sont suivies par l’ONG Debout pour la fourniture de prothèses ainsi que pour d’autres accompagnements. « Pour les invalides, c’est le versement des pensions mensuelles, qui tourne autour du SMIG pour leur permettre de se prendre en charge, ainsi que la prise en charge scolaire des enfants par le ministère », a-t-il soutenu.

Par ailleurs, à l’en croire, depuis la grande phase de lancement, le 30 octobre 2017, l’indemnisation se fait sur la base des documents transmis par la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (Conariv) qui a hérité de l’ex-Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr). Une phase qui, selon lui, intègre de nouvelles formes de réparations. Outre les réparations individuelles (validées en atelier à Yamoussoukro en 2015, avec toutes les parties déjà énumérées), d’autres actions sont posées, notamment le financement d’activités génératrices de revenus au profit des victimes en situation de vulnérabilité ‘’bien qu’ayant été indemnisées’’. Action rendue possible grâce à «une convention signée avec l’institution de finance, Celpaid, et à l’appui supplémentaire du ministère de la Solidarité. Pour la phase pilote, 100 000 000 FCFA ont été dégagés et les bénéficiaires ont reçu leurs chèques 30 jours après la signature de convention, le 4 janvier 2019. Il faut souligner qu’il y a des prises en charge scolaire pour les orphelins et les enfants de victimes en situation de handicap », renchérit-il.

Concernant la zone de l’ouest, il assure que toutes les localités ont été répertoriées et que le processus d’indemnisation suit son cours. Au titre de l’indemnisation dans l’Ouest du pays, il brandit le chiffre de « 1 464 cas de décès ‘’formellement’’ identifiés et 1 165 de leurs ayants-droit ayant reçu réparation.»

Au plan régional, ce sont 580 cas dans la région du Cavally, 475 dans le Guémon, 110 dans le Tonkpi. Au plan départemental, il dénombre 288 cas à Duékoué,  179 à Bangolo, 192 à Bloléquin, 68 à Guiglo, 328 à Toulepleu, 23 à Man, 76 cas à Danané et 11 pour Biankouma. La ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la Pauvreté, Prof. Mariétou Koné continue progressivement l’indemnisation des ayants-droit. En janvier 2019, 183 ayants-droit ont été indemnisés à Guiglo dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, selon le responsable de la communication.

« Le ministère n’a pas fait d’identification. Elle  a été faite par des structures et les informations nous ont été reversées. Des gens ne se sont pas inscrits sur les listes parce que, sûrement, ces personnes n’ont pas cru au départ à l’indemnisation. Maintenant que nous sommes passés à la phase pratique, ce sont ces derniers qui crient sur tous les toits en se proclamant victimes », justifie notre interlocuteur.

En revanche, il conseille à ces victimes de se rapprocher du sous-directeur de l’identification du ministère, « car le dossier est sensible et le ministère souhaite que l’indemnisation revienne aux vraies victimes » précise-t-il. « Face à ces cas de figure, il y a la chefferie villageoise, les chefs de communauté, les guides religieux, les autorités préfectorales, et autres qui sont des vecteurs de cohésion sociale de leur localité à qui nous avons demandé l’implication dans la résolution de ce genre de cas. En plus de cela, dans toutes les préfectures et les sous-préfectures, nous avons un point focal. Nous menons beaucoup d’actions sur le terrain pour informer les populations, les sensibiliser mais pour ces cas, il n’est pas aussi exclu de  se référer au ministère

Quant à l’espoir que les corps des morts enfouis dans les charniers soient remis à leurs familles afin de connaître un jour une sépulture digne, M. Effoué assure : « Il y a des actions en cours, au moment opportun, vous serez informé. Ce ne sont pas des actions qui seront faites à la hâte. »

Des actions de grande envergure sont menées dans l’ouest de la Côte d’Ivoire par le Prof. Mariatou Koné, ministre de la Solidarité, de la Cohésion Sociale et de la Lutte contre la Pauvreté. Et le processus suit son cours.

Dix sept ans après les massacres de Duékoué, les populations ont décidé de surmonter ces moments douloureux et laisser place à la paix et à la réconciliation dans leur cœur. Avec cet esprit, progressivement, le tissu social se reconstruit pour mieux amorcer le développement économique et se sortir de la précarité.

Sériba Konéenvoyé spécial à Duékoué

kone.seriba67@gmail.com 

Encadré 1

La paix sur lèvres

Du 3 au 7 février 2019, nous avons vu et écouté les populations de Duékoué. Toutes affirment unanimement que la cohésion sociale et la paix entre elle, restent la seule et unique solution. Les différents chefs de quartiers et de villages ainsi que le collectif des chefs de communautés de toute la région du Guémon n’ont pas attendu les hommes politiques pour se tendre la main.

Ils ont certes été accompagnés par certaines organisations non gouvernementales (ONG), par la Cdvr, la Conariv, le ministère de la Solidarité (même s’ils ne mentionnent pas dans leurs interventions), mais l’essentiel des initiatives pour renouer les liens et rétablir les relations intercommunautaires est à mettre au crédit des populations elles-mêmes, tant les cœurs étaient déjà prédisposés à demander pardon ou à l’accepter.

Comme dans un pacte tacite, les populations ont choisi de surmonter la crise, de se donner la main pour construire une vie meilleure et se forger un nouveau destin.

Cette volonté commune des populations se doit d’être encouragée par l’implication soutenue des gouvernants. Les représentants du peuple à l’Assemblée nationale doivent jouer le rôle qui est le leur : celui de sensibiliser et éduquer les différents chefs sur les lois foncières.

La connaissance de ces lois permettra de mieux apprécier les décisions sous-préfectorales, préfectorales ainsi que celles de la justice. Ces actions renforceront davantage la paix amorcée.

Sériba K.

Encadré 2

Ces politiciens démagogues

Nombre des élus font la communication sur la réconciliation après avoir parrainé une activité. La vérité vient d’éclater. Les différents garants de la tradition révèlent qu’ils ne reçoivent la visite des politiciens et des élus uniquement qu’au moment des campagnes électorales. C’est au cours de cette période que ces derniers abordent le sujet lié à la réconciliation sans donner un chronogramme clair.

Par ailleurs, comme ils sont reçus en fanfare et dans la liesse populaire par une population à laquelle ils tendent des billets de banque, le tour est joué pour faire des déclarations tonitruantes sur la réconciliation.

Ces opportunistes se jouent de l’esprit de l’opinion en donnant l’impression qu’ils sont à la base du retour à la normalité. Combien déboursent-ils aux chefs de quartiers et aux chefs de communautés pour la sensibilisation des populations dans les hameaux les plus reculés ? Voilà une interrogation qui restera sans réponse et qui traduit la démagogie des politiciens.

Les vrais problèmes des populations comme la mise en place d’activités génératrices de revenus, la scolarisation des enfants sont, partiellement exécutés, sinon ne connaissent aucun début de démarrage. La misère et les problèmes fonciers rongent les populations. À la moindre étincelle, tout se dégrade et les mêmes politiciens saisissent l’occasion pour se faire un nom et de la publicité à travers des campagnes de communication tous azimuts.

S. Koné


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